La grève qui éclate parmi les mineurs borains à propos de la mise en œuvre de la loi sur les pensions de juin 1911 démarre à propos d’un motif relativement futile. Seuls, en effet, les mineurs du Borinage touchent leur salaire tous les samedis alors que dans les autres bassins ils le perçoivent à la fin de chaque quinzaine. La volonté des employeurs de faire coïncider la pratique locale avec la règle générale dans un souci de rationalisation de la perception des cotisations destinées à la pension de vieillesse provoque l’opposition des mineurs qui, par référendum, décident de partir en grève.

Ce conflit qui dure six semaines mobilise l’attention. Il constitue en effet un test à moins de 6 mois des élections. La presse joue ici comme en bien d’autres occasions un rôle très important. Alors que dans un premier temps, les journaux libéraux et socialistes offrent un front commun contre le parti catholique, le ministre désigné comme responsable étant le sénateur de Mons-Soignies, Armand Hubert ?, des failles apparaissent bientôt.

Les libéraux encouragent la reprise du travail, les socialistes s’y opposent. C’est du pain bénit pour la majorité. Celle-ci a beau jeu, en effet, de dénoncer les incohérences du cartel tout en agissant en vue de résoudre le problème sans donner raison ni au grévistes ni aux patrons. Aidé, sur le terrain, par les Francs Mineurs, syndicats d’obédience chrétienne, le cabinet, encouragé par le roi, ce qui se sait dans l’opinion, joue l’apaisement. Il se matérialise par le vote à l’unanimité, à la chambre, le 12 février 1912, d’un projet de loi urgent complétant la loi de 1911. Le lendemain, Albert Ier remercie « chaleureusement » de Broqueville d’avoir évité « très heureusement de trancher dans le conflit dans le sens des divisions des classes » et « d’avoir mis fin à une situation qui menaçait de devenir très grave ». La manière dont Broqueville s’est porté au secours de la paix sociale lui permet de gagner des points tout en mesurant combien l’influence qu’entend exercer le roi sur la conduite des affaires est décidément importante.

Sources :

– Michel Dumoulin, Nouvelle histoire de Belgique, edition Complexe, tome 2, page 70), Grèves du Borinage (pdf) (extrait)
– Alain Jouret, La grève des mineurs borains en 1912, in La revue belge d’histoire contemporaine, 1983, Pdf (2,1 Mb)