albertAucun lien de parenté n’existe entre les familles Devèze et Broqueville. Si nous en parlons, c’est parce qu’Albert Devèze est un politicien libéral (1) contemporain de Charles de Broqueville qui est catholique (2). Ce dernier, quand il était chef du gouvernement entre 1932 et 1934 avait, comme ministre de la Défense nationale, Albert Devèze.

Nous pourrions écrire moulte pages à propos de tous les ministres qui ont collaboré avec Charles de Broqueville, mais l’enjeu n’est pas là. Paradoxalement, il faut revenir à l’année 2006 pour comprendre ce lien. Cette année-là, ma sœur Thérèse de Broqueville et son mari, Henry de Radzitzky ainsi que leurs enfants ont acquis une propriété à Beaumont, capitale de la botte du Hainaut, en Belgique qui porte le nom de La Mazelle. Le nom de La Mazelle a été donné par Albert Devèze à la maison qu’il a construite dans le bois du Goulot, situé à 1,5 km de la ville de Beaumont. La première pierre a été posée par sa fille Andrée-Colette Devèze, le 28 octobre 1929, veille du crash boursier de Wall Street.

Dans ce domaine, accessoirement, il y a un hectare de vignes qui fait que les descendants des Broqueville rejoignent un des métiers de leurs ancêtres de Monfort et en même temps tissent un lien invisible supplémentaire entre Albert Devèze et Charles de Broqueville, arrière-grand-père de Thérèse. Un panneau consacré à Albert Devèze a été édité parmi quelques autres pour l’exposition 2014-18 à La Mazelle, le 21 juillet 2014.

Les Devèze originaire du sud de la France

La famille Devèze est originaire de France. C’est au milieu du XIXe siècle qu’elle s’est installée en Belgique. Le nom «La Mazelle» provient probablement d’une ancienne propriété Devèze de son pays d’origine. Les armoiries placées à l’entrée nord du chai sont celles, non pas de la famille, mais bien celles des Ladevèze, famille originaire du Gers comme les Broqueville, du reste.

Une belle carrière

C’est à Ypres qu’en 1981, Albert Devèze naît fils d’Antoine, capitaine du génie faisant un stage d’équitation et de Azélie-Josephine Simar. Son enfance se déroule paisiblement dans cette ville. Il suivra son père à Anvers et à Bruxelles au gré de ses nominations. Ce sera donc à Bruxelles qu’il entamera des études de Philosophie et lettres pour accomplir un rêve : devenir poète et auteur dramatique. Il a écrit deux tomes de vers, jamais publiés. Il commence des études de droit en 1899, à l’ULB. En 1902, il est avocat stagiaire. Dès 1904, il s’inscrit dans le mouvement libéral. En 1907, il est avocat et ouvre son bureau Chaussée de Haecht et devient conseiller communal à Schaerbeek. En 1910, il devient député suppléant de Bruxelles et deux ans plus tard, il devient député à part entière. Et viennent ensuite les années de guerre…

lettre - copie1914

Lorsque la guerre éclate, Albert Devèze est député du parti libéral. Il est marié. Il a 34 ans. Il s’engage comme volontaire de guerre au 5ème régiment de Ligne, le 5 août 1914. Le 9 août, il est nommé caporal. Le 21 août, il devient sergent. Le 7 décembre 1914, il est nommé maréchal des logis par le Ministre de la Guerre, Charles de Broqueville (parti catholique).

1915

Le 24 février il est passé au groupe de canons de 120 longs. Le  10 mai il est commissionné en qualité d’officier auxiliaire d’artillerie, pour la durée de la guerre en exécution de l’AR du 15 août 1914. Il a prêté serment à la ferme « Bien acquis » devant Dixmude.

Du 20 au 25 juillet, il écrira : « Au cours de ces journée la section de mon unité établie à la ferme des 4 canaux a été soumise à des tirs précis qui ont démoli le logement des hommes et les bâtiments contiguë au logement de garde de l’officier« .  Le 26 juillet, au moment où la section était soumise à un bombardement violent et précis d’obus de 15 allongés ; le lieutenant Devèze s’est rendu à la section des 4 canaux pour y prendre le commandement et diriger l’évacuation du personnel.

Le 23 septembre, il est désigné pour le régiment d’artillerie lourde tandis que le 3 décembre, il est désigné pour l’artillerie du 3e régiment de ligne.

1916

En mars, il est cité à l’ordre du jour des gradés de la 6ème Blindée A/3 « qui s’étaient distingués par leur courage et leur zèle … Je complète aujourd’hui la citation en portant à l’ordre du jour de la division le sous-lieutenant Albert Devèze et le sous-lieutenant Delahault, de l’A/3 qui ont commandé alternativement pendant deux mois cette section avancée de Steenstraete, mission particulièrement périlleuse qu’ils ont remplie avec un beau courage et une réelle compétence». Le 23 septembre 1915, il est affecté au 3ème régiment de Ligne (artillerie lourde). Il est cité à plusieurs reprises à l’ordre de l’armée et, en 1916, il est remarqué par le Ministre de la Guerre, Charles de Broqueville, qui le nomme Lieutenant auxiliaire.

Le 17 août, Devèze est nommé sous-lieutenant de réserve d’artillerie par arrêté royal. Il passe ensuite au 1er régiment d’artillerie. Entre septembre et octobre, il est victime d’une pleurésie alors qu’il est en formation à Ornival. Le 18 décembre, il est nommé lieutenant de réserve par Charles de Broqueville.

1917

Au cours de l’année, Albert Devèze est cité plusieurs fois à l’ordre l’armée, notamment en février 1917, par le général-major Brig :  « Je porte à l’ordre du jour de la Brigade le lieutenant Devèze A. de la 6 batterie pour la célérité que cette unité a mise à construire des épaulement de pièce sur une nouvelle position. En 18 jours de temps malgré la gelée, le personnel de cette unité a amené ses pièces sous-abri, prête à tirer. Je le félicite de ce beau résultat ».

Depuis son arrivée à la division, le lieutenant Devèze s’est distingué en toutes occasions. Je rappellerai les suivantes : Lors de notre première occupation du secteur Noordschote Steenstraat, connu et sa section volante, il s’est fait remarqué par son énergie, son endurance et son courage.

Dans le secteur Pervyse Bne 16 de l’Yser » comme chef de section il a montré une conscience et un dévouement inlassable, s’offrant toujours pour remplir les missions délicates ou dangereuses. C’est ainsi qu’il a effectué avec une pièce en pleine campagne et non abritée, un tir de démolition sur l’observatoire de la maison du meunier à Stuyvekenskerke.

« Envoyé au cours d’Orival, il s’y est appliqué avec une assiduité excellente et à retiré grand fruit de l’enseignement donné. Aussi a-t-il ensuite exercé pendant deux mois le commandement intérimaire de sa batterie avec une compétence et une activité qu’envierait plus d’un officier de profession ; il était le seul officier de sa section. Le mérite de cet officier de réelle valeur serait reconnu par l’octroi d’une distinction honorifique ».

Le général-Major, commandant, Van Acker

Le 11 juin, Devèze reçoit la Croix de guerre avec palme – et est cité à l’ordre du jour de l’armée, pour le courage et le dévouement dont il a fait preuve au cours de sa longue présence au front. Le 17 septembre; il est désigné pour le 7e régiment d’artillerie.

Le 15 octobre : Ordre de brigade : le paragraphe suivant sera lu dans les deux langues au prochain appel général de l’A.T./I et 3e D.A.

Officier et soldat de l’A.T./I et 3e D.A.,

Les Allemands ont aujourd’hui encore déchainé une violente lutte de bombes. Ils croyaient vous surprendre et profiter de votre étonnement pour vous accabler ainsi que vos camarades fantassins.

Leur opération, soigneusement préparée a complètement échoué, grâce à votre attitude courageuse et à la vigueur de votre riposte.

Votre tir ajusté et calme a eu immédiatement raison du leur, malgré la rafale de projectiles.

A plusieurs reprises, ils ont tenté de continuer ma mission qui leur avait été donnée. Chaque fois vous les avez maitrisés comme il convient. Une fois encore, j’ai le vif plaisir de constater que vous avez eu le dessus et que vous avez montré à nos ennemis qu’il n’est pas bon de se frotter à vous.

Je félicite particulièrement les lieutenants Devèze (1ere M.V.D.) et Rosenbaum (3eM 758) pour la manière habile et énergique dont ils conduisirent la lutte. Officier et soldats, vous avez fait complètement votre devoir envers la patrie. C’est avec des braves comme vous qu’un jour qui n’est pas lointain, j’espère, nous chasserons l’ennemi abhorré de notre territoire. Je vous porte à l’ordre du jour de la Ière Br A ».

Le général-Major, commandant, Van Acker

1918

L’année 1918 le voit passer par divers régiments d’artillerie lourde, pour terminer la guerre avec le grade de Capitaine, au 7ème Régiment d’artillerie lourde.

1919

Le 24 février il est placé sur sa demande en congé sans solde à la date du 1er mars 1919. Le 18 avril il devient Chevalier de l’Ordre de Léopold avec palme. : « Membre de la chambre des représentants a donné un bel exemple de patriotisme en participant au front à toute la campagne. Est titulaire de la Croix de guerre avec 4 citations pour les preuves de courage et le dévouement qu’il a données notamment comme commandant de batterie d’artillerie de tranchées ».

Il reçoit aussi la Médaille de la Victoire et la Médaille commémorative de la guerre 1914-1918. Le 25 août il a obtenu 8 chevrons de front. Le 13 novembre, il devient officier de l’Ordre de Léopold à titre civil.

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Buste en marbre érigé à Uccle le 28 mai 1961 à la place Devèze.

Et après ?

1920-1923 : Ministre de la Défense nationale
1927-1933 : Président du parti libéral
1930 : Nommé ministre d’Etat

1921

7/03/1921 : Croix de Guerre française Avec palme

Citation à l’OJA française. Extrait du journal officiel du 23 mars 1921. « Bien que libéré de toute obligation militaire, s’est engagé comme simple soldat dès le premier jour de la mobilisation. Pendant toute la durée de la campagne, n’a cessé de remplir les missions les plus périlleuses donnant à tous, l’exemple de la plus grande bravoure et du plus ardent patriotisme. S’est notamment fait remarquer comme commandant d’une batterie d’obusier de 105, compétent avec une division d’infanterie française lors de l’offensive de 1918″.

28/07/1921 : Grand officier de la Légion d’honneur et reçoit la médaille de l’Yser.
Le 8 avril 1923 : Chevalier de l’ordre de la Couronne
1932-1934 : Ministre de la Défense nationale

Durant la deuxième guerre et après

10/05/1940 : Rentré sous les armes à la base maritime du front de mer,
18/05/1940 : Prisonniers des allemands
12/06/1940 : libéré
30/06/1940 : Cesse par limite d’âge de faire partie des cadres de réserve
29/03/1945 : nommé Lieutenant colonel de réserve honoraire

1939-40 : Ministre de l’intérieur
1946 : Ministre des Affaires économiques
1949-1950 : Ministre de la Défense.

Médailles étrangères

Croix de guerre italienne
Croix de guerre polonaise (3 palmes)
Distinguesh service Medal

Voilà donc qui était ce personnage qui a eu un parcours politique (3) intense dans la mouvance libérale. Nous nous sommes borné ici à donner son parcours militaire remarquable tant il montre les forces de caractère du personnage, rien qu’en se basant sur l’étude de son dossier militaire. Il croisera en d’autres moments plus difficiles le destin de Charles de Broqueville notamment lorsqu’il défendit l’Etat belge en tant qu’avocat dans l’affaire Coppée dont nous reparlerons en ces pages.

Géry de Broqueville

(1) Le parti libéral fait partie des gauches au même titre que le parti socialiste.
(2) Le parti catholique est dit de droite. Au sein de ce parti deux tendances existent. L’une est de droite et flamande, l’autres est plus sociale ce qu’on appellerait actuellement « démocratie chrétienne ». Charles de Broqueville, bien que flamand de naissance est de cette dernière tendance.
(3) pour mieux comprendre son parcours politique je renvoie les lecteurs vers les livres suivants :

  • Emile Van Den Berghe, Albert Devèze, préface par Paul-Emile Janson, ministre d’Etat, Ed. La renaissance du Livres, Bruxelles, 1935.
  • Plaquette publiée par le comité du monument Albert Devèze (1881-1959), Bruxelles, 1961.