Devant la maison communal de Mol pour fêter sa nomination comme ministre des Chemins de fer, le 1er octobre 1911, avec sa femme et ses enfants.

Devant la maison communal de Mol pour fêter sa nomination comme ministre des Chemins de fer, le 1er octobre 1911, avec sa femme et ses enfants.

Dans l’histoire parlementaire de Belgique, Charles de Broqueville est un cas unique. Il n’a pas eu de maître et nul ne lui connaît d’élèves. Les hommes qui gouvernent ce pays depuis 1830 appartiennent tous à des catégories biens établies : gens de lois, hobereaux, financiers, professeurs… En 1914, tous les conseils du roi appartenaient aux avocats. De 1914 à 1919, le monde politique recrute ses penseurs à la Cour d’appel de Bruxelles. Il en est ainsi pour Delacroix, Jaspar, Janson, Vandervelde, Désirée, Brunet, Devèze, autant de maîtres grandis sous la coupole de la place Poelaert.

Seul Broqueville, étoile solitaire, tombait d’un firmament inconnu. Personne ne pouvait imaginer que le Premier ministre de 1914, homme du monde si bien apparenté, n’allait apporter le grand nivellement qui s’annonçait.

Pourtant dès 1912, les « biens pensants » auraient déjà dû s’en douter avec le vote de la loi sur le Suffrage universel. Charles de Broqueville sait bien que ces réformes-là, il faut les accomplir soi-même comme celles de la réforme du service militaire. Fort heureusement, Charles de Broqueville servait un prince qui pensait comme lui. Ce même prince et ce même ministre se complétaient très bien aux grandes heures du sacrifice. C’est là que réside tout le secret de la bataille de l’Yser. Le roi et Premier ministre étaient des hommes d’Etat et parlaient le même langage. A Furnes, il y avait un roi et un ministre qui se comprenaient et dominant la situation ensemble, pour la traiter ensemble et en décidait ensemble. Et la bataille de l’Yser fut gagnée par les soldats belges.

Commémoration de la Grande guerre oblige, voici quelques textes qui vont décrire les rapports entre Charles de Broqueville et son Roi : Albert Ier. Des relations qui sont empreintes d’une grande estime, voire même d’une affection, l’un pour l’autre et pourtant, à certains moments, les relations étaient orageuses entre les deux hommes. Le paroxysme a été atteint en mai 1918 où Broqueville démissionne, à cause d’un faux-pas stupide, poussé par un gouvernement trop heureux de se débarrasser de l’intrus ! Ses collègues ne l’ont en aucun cas regretté, et pourtant, Broqueville est revenu au pouvoir contraint et forcé, fin novembre de l’année 18, par ce même roi à qui, il avait signifié qu’il ne ferait plus jamais de politique.  Albert Ier ne pouvait donc se passer de Broqueville. L’inverse était vrai aussi.

Rendons à César, ce qui appartient à César, les textes de cette série sont inspirés des deux tomes de Henri Haag (1) qui a réalisé une synthèse de l’œuvre politique de Charles de Broqueville. Ce professeur de l’Université Catholique de Louvain est probablement le seul auteur à avoir analysé aussi profondément la relation entre Albert Ier et Broqueville. Gageons que ces textes donneront envie aux lecteurs d’aller plus loin dans la connaissance de ce personnage.

Géry de Broqueville

(1) Henri Haag, Le comte Charles de Broqueville, ministre d’Etat et les luttes pour le pouvoir (1910-1940), 2 tomes, Collège Erasme, Louvain-la-Neuve, Ed. Nauwelaerts, Bruxelles, 1990.