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Lors de sa visite d’adieu à La Panne, Broqueville fut comblé d’amabilité : La reine lui offrit un album de photographies prises autrefois à Steenbourg et à La Panne par ses soins en 1916. Il fut nommé ministre d’État le 31 mai. Le roi et Broqueville se fixe le cadre des rendez-vous futurs :

  • Nous nous retrouverons encore dit le Roi.
  • Sire, répliqua Broqueville, je songe à quitter la vie publique.
  • Si une situation exceptionnelle se présentait, j’espère tout de même que vous ne refuseriez pas votre concours.
  • Il faudrait pour cela, Sire, une situation presque révolutionnaire. (Haag 668)

C’est au château de La Touche, chez le vicomte Henri de Cressac, qu’il parti se reposer avec sa femme et sa fille Myriam dans un endroit solitaire loin du front et de Paris. Ses fils étaient toujours sous les drapeaux (1). Des lettres de soutien affluèrent de toutes parts. Ainsi il en reçu une du Cardinal Mercier : « Vous avez noblement et grandement fait votre devoir. Vous n’avez cherché que le bien du pays… Si d’aucun n’ont eu le triste courage de méconnaître vos services, ils sont plus à plaindre que vous. Votre retraite, d’ailleurs, ne peut être que momentanée. L’heure ne tardera pas où l’on sera heureux de renouveler un appel à votre talent et votre dévouement… » (Haag 669)

Se ressaisir, reprendre ses esprits, était le premier devoir. Un confident aurait été précieux pour essayer de comprendre les raisons de son échec. A force de se tenir sur ses gardes, Charles de Broqueville n’avait pas d’ami. Lichtervelde n’était pas un ami, il était presque un fils. Neuray était trop loin de sa pensée, volontairement. Sa femme, Berthe d’Huart, toute dévoué qu’elle fût,  était trop indifférente aux questions politiques. C’est donc en solitaire qu’il vit au château de La Touche, il réfléchissait à son échec.

Ce sont les lettres à Lichtervelde et à Woeste qui permettent de comprendre ses méditations. C’est ainsi qu’il va admettre petit à petit que son faux pas était dû à des machinations de ses collègues politiques, lui qui se croyait si habile dans le jeu politique. Il se répétait que les machinations de Hymans avait eu raison de lui et de sa longue présence au pouvoir. (2) De même, il s’est rendu compte qu’un judas s’était glissé dans les rangs catholiques comme la bande à Renkin  qui n’avaient eu de cesse d’essayer de le diminuer et le déconsidérer jusqu’à compter ses fautes d’orthographe, lui qui n’était pas issu du milieu des avocats ! Mais ressasser le passé pour analyser le présent ne lui servait guère.  Il était donc victime du système qu’il avait mis en place pour plus d’efficacité : la dyarchie. Le gouvernement de sainte-Adresse, ce panier de crabes, ne le lui a pas pardonné.

Le Roi a du sentir que Broqueville souffrait. Il lui envoya un télégramme le 3 octobre mis un peu de baume sur ses plaies : « Au moment où nos soldats, dans un superbe élan, ont emporté une importante victoire, mes pensées vont à l’homme d’État clairvoyant qui a consacré tout son dévouement patriotique et toute son activité au relèvement et au renforcement de l’armée« . C’était bien dit mais la blessure était profonde. (Haag 70)

Il eut une mauvaise grippe, le 1er novembre et garda le lit durant 3 semaines. C’est ainsi qu’il apprit la signature de l’armistice. Ce n’est pas comme cela qu’il avait imaginé la fin de la guerre. Le Roi rentrait à Bruxelles au milieu des acclamations alors que lui-même était responsable de la majorité des décisions qui avaient amené le Roi à devenir victorieux. Loin de tous, il était quasiment oublié…

Géry de Broqueville

(1) Il est très probable que Jacques, lors d’une permission pour aller voir son père à La Touche, rencontra Alix de Cressac qui devint son épouse le 1er juillet 1919.
(2) Dès les élections de 1912, Hymans avait déjà pensé, avec le Roi, de ne considérer Broqueville comme un faible pouvant être emporté comme un fétu de paille. (Voir article, en cliquant ici)
Note : Cette photo est la seule que nous ayons de Myriam, de Berthe et de Pierre de Broqueville au château de La Touche le 12 novembre 1918, lendemain de la signature de l’armistice.