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On sait que Broqueville, en tant que ministre de l’intérieur, a démissionné le 9 novembre 1919. Durant son mandat, Broqueville a regardé de loin les résultats calamiteux du ministre des Affaires étrangères, Paul Hymans. Il est probable que le sentiment de Charles de Broqueville était proche de la jubilation bien que ce personnage ne pouvait en aucun cas se réjouir d’une situation aussi épouvantables pour la Belgique.

La clairvoyance de Broqueville depuis les mois qui précédaient la guerre, jusqu’aux négociations concernant les dommages de guerre, lui montrait que le roi Albert Ier et les ministres du gouvernement auraient du le suivre dans ses idées de souveraineté nationale sans être inféodé aux puissances étrangères. Paul Hymans, ennemi de toujours, était à la manœuvre. Il est certain que les échecs successifs, de Paul Hymans, à propos de la négociation avec les alliés pour l’obtention de territoires (la Hollande ou le Grand-Duché du Luxembourg) et le versement de plusieurs milliards de deutschemark comme dommage de guerre remontent  au refus du roi Albert conseillé par Hymans de faire reconnaître la Belgique comme État à part entière, libre et indépendant.

Lors des négociations, le gouvernement belge a tout fait pour faire valoir ses arguments, mais aux yeux des Alliés, la Belgique n’étaient plus la « Poor little Belgium » si chère aux américains et aux anglais. Les rencontres avec le conseil des Grands (USA, Angleterre, France et Italie) étaient rudes au point même où Clémenceau a dit une phrase qui en disait long sur la reconnaissance des alliés vis-à-vis de la Belgique : « Je tuerais volontiers Hymans » et de rajouter « Kill the Belgians, kill them« . (Haag 687)

Les alliés refusaient que l’Allemagne débourse plus de 2,5 milliards de deutschemark à la Belgique. De toute manière cet argent aurait du être reversé aux alliés qui réclamaient à la Belgique, 5,5 milliards de francs pour les avances des frais de guerre. Avec ses 800.000 chômeurs, ses usines détruites, son économie épuisée, la Belgique espérait se refaire une santé économique sur des territoires annexés et ces dédommagements. La volonté des alliés fut tout autre : punir la Belgique de ne s’être pas plié aux exigence des alliés en termes du nombre de soldats tués durant la guerre. La Belgique avait moins de soldats tués que l’Australie !

Les alliés ont été féroces avec Hymans et ne lui ont laissé aucun choix. Il a fallu accepter à contrecœur les propositions alliées : 2,5 milliard cash pour remonter l’économie belge et l’effacement la dette de la Belgique vis-à-vis des alliés. Il a fallu faire passer la pilule amère au Belges.

Silencieux jusqu’à la fin

Dans cet affaire Broqueville était absent et dans… son lit ! En effet, atteint d’une pleurésie depuis fin février, il suivait le cours des événements depuis sa chambre. Il était absent des conseil de cabinet du 28 février, 31 mars,  et 22 avril. Il était présent le le 26 avril, mais point le 30. Il rentra définitivement le 3 mai. Il ne donna à aucun moment son avis sur la question.

P. Orts, qui déjà avait été nommé par Hymans comme « belle-mère » de Charles de Broqueville quand celui-ci devint ministre des Affaires étrangères en août 1917 (1), désappointé et déçu de la tournure des choses rendit un hommage à Broqueville pensant que ce dernier aurait probablement mieux négocié que son patron « encore revêtu du prestige que lui avait valu son attitude au début des hostilités, la position de notre pays eut été moins pénible et il n’est pas exclu que la voix de la Belgique eut rencontré plus d’échos. » (Haag 694)

Certes Broqueville était attristé par le cours des événements mais il goûtait l’amère satisfaction de voir la vanité de Hymans durement rabattue. Finie pour lui l’ivresse de janvier 1918, à son tour de passer par des angoisses mortelles, objet de dérision pour les Grands, « il connaissait le vide que le vent de la défaite crée autour de celui qu’elle menace » écrivait Paul Hymans dans ses mémoires et de rajouter « Peut-être les heures les plus pénibles de mon existence. » (Haag 694)

S’il avait été rancunier, Broqueville aurait démissionné avec fracas du gouvernement, actionner les ressorts des passions et ainsi écraser définitivement son adversaire. Il n’en fit rien. Il n’est pas sûr que Broqueville ait pardonné Hymans de toutes les turpitudes qu’il lui avait fait subir, il est probable qu’il a préféré les oubliés pour se simplifier la vie à la fin de son existence. L’absence de ressentiment est un des beaux traits de son caractère. Lors de la ratification des traités avec les alliés par le parlement, il est l’unique député à s’abstenir pour le motif « qu’il avait été trop intimement et trop profondément mêlé aux efforts de la guerre pour pouvoir se résigner aux défaites de la paix. » écrit-il dans une lettre à Louis de Lichtervelde, le 21 mai 1920.

Géry de Broqueville

(1) Pierre Orts (1872-1958) fait partie des conditions exigées par les libéraux à la nomination de Broqueville comme ministre des Affaires étrangères. Cette condition était exigé par ses ennemis comme Paul Hymans, mais aussi par ses faux amis comme Renkin et même par, semble-t-il, ses vrais amis comme van de Vyvere. A contrecœur Broqueville a dû accepter cet « homme de confiance » qui est un jusqu’au-boutiste passionné qui était en réalité chargé de le surveiller. (Haag 602)
Note : Remise des Grand Croix de l’Ordre de Léopold aux généraux qui commandaient les divisions d’armée durant la Grande guerre, Palais de Bruxelles, 1919 : De gauche à droite: Lt.-Gén. Bernheim, Lt.-Gén. Baron Jacques de Dixmude, Lt.-Gén. Baron Rucquoy, Lt.-Gén. Baron de Ceuninck, Lt.-Gén. Biebuyck, le Roi Albert, le Prince Léopold, la Reine Elisabeth, Lt.-Gén. Baron Drubbel, Ministre Delacroix, Comte de Broqueville, Ministre Hubert, Ministre Hymans, Lt.-Gén. Gillain et Lt.-Gén. Baron Michel du Faing d’Aigremont.