Le "pesqué" du château d'Esparbès

Le « pesqué » du château d’Esparbès

Il était temps que je me replonge dans mes chères et parfois difficiles lectures des archives concernant les Broqueville français. Il est vrai que je suis en pleine période de commémorations de la guerre 14-18 où mon ancêtre Charles de Broqueville y a joué un rôle important en tant que Président du Conseil et Ministre de la Guerre. C’est de lui que tous les Broqueville actuels tirent leur fierté de porter leur patronyme. Comme on l’a déjà vu en ces pages, ils peuvent aussi être fier de leur nom qui a des origines monfortoises et bien au-delà, probablement toulousaine au temps où l’on parlait la langue d’Oc.

Je reprends le fil des articles sur Monfort qui seront certainement encore entrecoupés par des articles sur la Grande guerre puisque c’est en 1918 que celle-ci se terminera. Et ce n’est pas par les Broqueville que je commence mais bien par la description des terres agricoles d’Esparbès.

C’est dans un acte passé chez le notaire Carrette le 16 décembre 1786 (1) que j’ai trouvé un bail entre noble dame Marianne Louise Jacquette de Solirène épouse de feu messire Estienne de Gimat d’Esparbès et deux frères bordiers dans la métairies d’Endardé, Jean et Pierre Hanquet (ou Houquet). Le seul lien que l’on peut voir avec les Broqueville est que les preneurs sont déjà bordiers à Endardé, fief de la branche Broqueville dont descendent ceux qui vivent actuellement en Belgique.

Cet acte nous donne déjà deux indications précieuses : Estienne de Gimat d’Esparbès que nous avons déjà rencontré par ailleurs, né le 26 janvier 1629 à Monfort est décédé en 1787 (2) et en tout cas avant la date de cet acte. Le deuxième élément important pour la généalogie du château d’Esparbès, Estienne-Louis a au moins deux enfants. On sait aussi par les registres paroissiaux qu’il s’est marié le 7 novembre 1780 à Monfort. Voici un extrait de l’acte de 1787 :

(…) s’est constituée en personne noble dame Marianne Louise Jacquette de Solirène veuve à feu messire Estienne Louis de Gimat d’Esparbès, seigneur d’Esparbès de la juridiction de Monfort y habitante laquelle de son bon gré et comme tutrice et légitime administratrice de ses enfants et de ceux du feu sieur Gimat d’Esparbès a baillé et baille à Pierre et Jean Hanquet (Houquet ?) frères, bordiers actuellement à la métairie d’Endardé présente juridiction y habitant (…)

Il faudra donc cherché des explications concernant la dévolution du château d’Esparbès chez les enfants ou encore dans la période trouble de la Révolution.

Mais voici donc le bail détaillé qui a été passé entre les deux parties :

 » (…) la métairie et labourage du château dudit Esparbès sous réserve sous des réserves ci après spécifiées :
– Premièrement que nous dit preneur donnons à la dame la quantité de 7 sacs de blé froment bien purgé et criblé à deux crible sur notre portions après avoir partagé la paille commune,
– Plus nous donnons à ladite dame 50 livres en argent
– Plus la moitié des dindons ou canard,
– Plus un gayage (3) de foin pris sur du labourage à discrétion au profit de ladite dame ou ses ayant ??
– De plus 4 gayage de fumier des vignes de ladite dame.

– De plus ladite dame baille aux dits bordiers un carreau de vigne d’un ?? peyrolade (4) contigus à celle de Pierre Fourcade charpentier.

Les dits preneur prendront le chauffage dans l’endroit où ladite dame les indiquera
– De plus la dite dame se réservera que les preneurs recevront ?? les ?? que les preneurs sèmeront la quantité de chanvre (5) qu’ils jugeront à propos de la semence fournie par ladite dame et les preneurs et la dite dame chambre partagée lorsqu’elle sera baillée entre les preneurs et ladite dame.
– De plus les preneurs seront tenu de se charger de tous les bestiaux ci après dénommés qui seront fourni par ladite dame à moitié pertes et profits qui seront achetés ou estimés
– – Premièrement paire de bœufs
– – paire de vaches
– – une jument poulinaire
– – Une gazaille de brebis (6)
– – Une truie,
– – De plus une brebis où ils n’auront ni perte ni profit
– De plus tout le fumier que ladite dame aura besoin pour son jardin
– De plus la dite dame permet au preneur de travailler une vigne.

Le présent bail est fait pour le temps et espace de trois années complètes et révolues que commenceront à la Toussaint prochain et finira pareil jour évalué les avantages par les deux parties à la somme de de 95 livres fait et graphé en présence de noble Jacques-Marie de Solirène et de Jean-Baptiste Garros régent et habitant de la présente ville soussigné avec ladite dame non lesdits Hanquet frères pour ne savoir de ce requis par nous notaire » (7)

15005-jacquette-solirene-gimat-signatureViennent ensuite les signatures  comme celle de la veuve Solirène comme ci-contre. Une autre signature Soilrène est celle de Jacques-Marie qui doit être probablement son frère ou son père (voir pdf ci-dessous).

Une autre découverte

Dans un terrier de Monfort retrouvé par Simone Gallenne on découvre une description succincte des bâtiments que compose le château d’Esparbès. Cela donne une autre idée de la composition des bâtiments . Ce document date de 1770 et montre qu’il appartient déjà à Estienne-Louis de Gimat d’Esparbès.

« Plus tient château, granges, basse-cour; jardin, verger, terre, vigne le tout joignant lieu à Esparbès confronté levant, chemin public, midi, couchant et Septentrion chemin de service et le pesqué (8) d’Esparbès, contenant 8 concades, 21 places et 12 escats estimé au premier degré« . La surface de la terre d’Esparbès est donc d’un peu moins de 4 ha à cette époque (9).

On avance donc et ce n’est pas fini. Pour ne pas rallonger ces deux découvertes, je m’arrêterai là mais j’ai reçu d’un autre correspondant une autre description du château. Cela fera donc l’objet d’un prochain article.

Géry de Broqueville


(1) Notaire Carrette, coté au Archives départementales du Gers 3E9026 (ref : 14992)

(2) Dans un acte chez le notaire Carrette, il signe comme témoin cette année-là.

(3) Gayage semblerait être une mesure de terre ou de fumier. Cela devrait être un contenant.

(4) C’est le lieu dit de La Peyrolade qui deviendra en 1882 La Peyroulade et qui portera le n°408 de la section D du plan Napoléonien.

(5) Le chanvre était utilisé pour la fabrication de filets et pour les cordages des navires. Il n’est donc pas étonnant de trouver sur les terres de Monfort la production de chanvre, Bordeaux n’étant pas si loin que cela. Mais c’est la première fois que l’on voit apparaître ce type de culture à Monfort. Le chanvre français était de moindre qualité par rapport à celui produit par la Hollande.

(6) Une gazaille est un contrat de bail d’animaux. il est probable qu’une gazaille est le nombre d’animaux qu’un bordier peut élever en un an. (voir Légende, contrats)

(7) le texte complet peut être lu facilement en cliquant sur la référence 15002-15005.

(8) Un pesqué qui vient de l’occitan pescar, c’est-à-dire pêcher. Ce mot fait référence à l’étang encore existant actuellement et qui se trouve à gauche de l’entrée de la propriété. Cette mare était donc une réserve de poissons pour les habitants du château.

(9) Terrier de Monfort de 1770 – notice de Gimat d’Esparbès. Voir ci-dessous.17948