En deux actes datés de 1635, l’un du 29 août et l’autre du 6 novembre, on peut mesurer combien l’être humain n’a guère changé dès qu’il s’agit d’un héritage. Il est vrai qu’il y a une seule donnée qui a changé : le droit d’ainesse n’existe plus actuellement. Le droit qu’avait l’aînée sur les biens de feu ses parents en s’octroyant le maximum sans rien laisser aux cadets. C’est bien de cela qu’il s’agit ici.

Plaçons d’abord les personnages dans le temps. Nous avons la famille de Pujos qui a son patriarche qui s’appelle Jean (testament du 8 mars 1584 chez Mazars à Puycasquier). Il est cité par deux fois dans l’acte du 6 novembre. Il a un fils Jean qui se marie, dont le pacte de mariage date du 26 février 1584 chez le notaire Mazars de Puycasquier, avec Anne de Bouldouse. Ce couple aura deux filles. L’aînée est Jeanne de Pujos qui se marie avec Louis de Faudoas dont le pacte de mariage date du 1er novembre 1621 chez un notaire de Puycasquier. La cadette est Gratienne de Pujos qui va se marier religieusement le 7 mai 1635 avec Jehan Broqueville d’Empiroy, substitut du procureur général du roi, en sachant qu’un pacte de mariage a été signé auparavant, non cité dans les deux actes. Jehan Broqueville est fils de Jehan d’Empiroy et de Marie de Busquet.Or, si la mère, Anne de Bouldouse, est décédée depuis longtemps, Jean de Pujos, le père décède très rapidement après le mariage de Gratienne au point où il ne peut honorer les engagements contractuellement établi avec Jean Broqueville. Ce pacte de mariage devait se trouver à Puycasquier (1)

Visiblement, Jeanne de Pujos a exercé son droit d’ainesse plus rapidement que prévu vu que le jeune couple Broqueville-Pujos se retrouve non seulement sans dot mais aussi sans héritage. Par le décès de son père elle a du penser que le contrat de dot s’éteint automatiquement et hérite de la totalité des biens de sa famille. Déjà, en tant qu’aînée, elle a reçu 1000 livres de dot. Cette même somme considérable était prévue aussi tant par le testament du grand-père que par le pacte de mariage de Jean de Pujos et Anne de Bouldoune.

Il était prévu du reste, dans ces deux documents aujourd’hui perdu aussi, que lors de l’héritage des Pujos, les biens soient divisés à part égale entre les personnes majeurs survivantes. Jeanne n’avait donc pas le droit d’exercer son droit d’ainesse de cette façon.

On suppose aussi que Jean de Pujos espérait vivre plus longtemps pour se refaire une santé financière et ainsi porter la dot de sa fille Gratienne aussi à 1000 livres. Mais les temps sont ce qu’ils sont, cela n’a pas été le cas.

Le 29 août 1635, une tentative de règlement à l’amiable a lieu entre les deux couples avec l’arbitrage de deux personnes : Noble Pierre de Bousquier, écuyer, et noble Germain de Saluste, sieur de Canet et Combirac. Cette entrevue a lieu devant deux témoins :  Jean-Jacques de Malac, sieur de Sarracave et Alexandre Caubet, marchand (2).

Ils font une proposition de telle sorte que la moitié des biens restant soit divisé en deux. La moitié irait à l’hôpital des pauvres de Monfort, l’autre moitié, en incluant la dot de Jeanne (1000 livres) serait partagé en deux. Cette proposition de donner la moitié à l’hôpital des pauvres de Monfort n’est pas innocente. Mais visiblement cela n’a pas fait réfléchir les protagonistes puisqu’un jugement a eu lieu. L’acte du 6 novembre est la mise en forme du jugement au détriment du couple Faudoas-Pujos.

Cet acte du 6 novembre (3) est d’autant plus intéressant que beaucoup de détails s’y trouvent, outre ceux déjà expliqués ci-dessus. Le couple Faudoas-Pujos va devoir payer les frais de justice à raison de 25 livres, 400 livres de dot qu’ils devront régler en quatre années maximum. Ils devront aussi payer immédiatement les meubles et objets comme les draps, linceuls  garnitures de lit en plume, les voiles, etc. (description ci-dessous)

Description du trousseau de Gratienne de Pujos

Description du trousseau de Gratienne de Pujos

Jehan Broqueville d’Empiroy s’engage à emmener sa femme et à vivre avec elle. Après quoi le dit Broqueville renonce a demander quoique ce soit à Jeanne de Pujos des 1000 livres par elle reçue lors de son mariage en 1621 avec Louis de Faudoas.

Gratienne revendique aussi sa part d’héritage sur les biens de sa mère Anne de Bouldouse pour faire la différence en ce qui concerne sa dot. il semblerait que Gratienne ait obtenu aussi satisfaction à ce niveau-là aussi. Il t a bien aussi une transaction obscure dans l’avant-dernière page qui parle d’un testament de noble Pierre de Belouse mais je n’arrive pas à voir le lien avec les Pujos.

Toujours est-il qu’après ce dernier acte où chacun promet sur les Saint Évangiles de ne plus jamais poursuivre l’autre pour quoi que ce soit. L’affaire semble terminée d’autant que l’on ne voit pas apparaître chez le notaire Labaule d’autres actes à propos de cette même affaire.

La justice finit par triompher… dans un délai bien court. Tout est réglé en 6 mois ! Nous pourrions rêvé qu’une affaire puisse être si rapidement et définitivement réglée, actuellement !

Géry de Broqueville

(1) Les archives départementales ne possèdent les archives notariales que depuis l’année 1770. Actuellement on peut considérer ce pacte de mariage comme perdu.
(2) Outre ce dernier personnage, il est intéressant de noter que les trois personnage ont ou vont avoir des liens avec la famille Broqueville. La fille de Pierre de Bousquier, Jaquette va épouser Jean II Broqueville d’Endardé en 1651 ; la fille de Jean-Jacques de Malac épouse Antoine Broqueville-Endardé, et puis Germain est un neveu de Guillaume, le poète.
(3) Les deux actes se trouvent aux Archives départementales de Auch. L’arbitrage sous la cote 3E8831 (folio 221 vo) (fichier en pdf) et l’accord à l’amiable sous la cote 3E8831 (folio 234 vo).(fichier en pdf)