Début du testament de Catherine Broqueville d’Empiroy.

Catherine Marie Broqueville a écrit son testament le 24 mars 1664 (1). Une partie du texte fera partie de l’article suivant consacré aux maladies du corps et de l’âme. Nous retenons ce qui concerne la famille uniquement dans le présent article. Catherine est la fille de Pierre Broqueville d’Empiroy (+ 1623) et de Marie Busquet (+ 1650). Elle a épousé le 30 janvier 1649 François Carrette, avocat en la cour du Parlement de Toulouse, décédé vers 1663.

L’introduction de ce testament est inusitée puisque Catherine Broqueville ne se trouve pas dans sa maison au moment de l’acte mais bien dans celle de Dominique Sinazé sise dans l’enclos de la bastide. La raison est étonnante : « laquelle étant couchée dans son lit et dans la chambre haute de la maison dudit Sinazé ayant été contrainte de quitter la sienne (maison) à cause des logements de gens de guerre qu’elle était sujette de recevoir trop souvent faute de payement des tailles qu’elle fait au lieu de Bives« .  Il n’y a apparemment pas de lien de parenté entre Dominique Sinazé et Catherine, jusqu’à preuve du contraire. Elle a donc une maison à Bivès qu’elle occupait. Nous verrons dans la dernière partie de cet article ce qu’il en est de la terre de Bivès.

Son testament indique qu’elle a trois enfants en vie de son mari François Carrette. Il s’agit de Marie qui est l’aînée suivie Étienne et la cadette est Blasie. On sait, par les registres paroissiaux de Monfort, que Marie est née le 20 septembre 1649 (2). Avec les mêmes sources, on sait qu’il y avait deux frères et sœurs mort en bas âge, Jehan (1652-1653) et Jeanne (1660-1660). Étienne (3) vient ensuite et comme il est le seul garçon, il est l’héritier universel et général de Catherine sa mère. Blasie, la cadette n’est pas encore mariée en 1687. On ne connait rien de plus d’elle.

Catherine a été marié en première noce à Jean Guillen. On peut le lire dans l’acte de donation de sa mère Marie  Busquet, le 25 juin 1648, à Jean Broqueville sieur d’Empiroy son fils chez le notaire Labaule. On y voit qu’elle est mariée à Jean Guillen et a une fille Marianne. (4) Comme elle ne parle plus du tous de sa première fille, on suppose qu’elle est décédée entre 1648, date de sa dernière apparition dans un acte, et 1664 année du testament de sa mère.

De l’argent et des linges

Un autre élément intéressant du testament est que les deux filles, Marie et Blasie, héritent de 500 livres chacune ainsi que du linge divers comme « un lit garni de coussin, un couffin de 6 linges, deux nappes deux douzaine de serviettes poil de lin, une robe et un coutigeon  suivant sa qualité et un coffre garni« . Les deux filles ne pourront plus rien réclamer après s’être colloqué en mariage auprès de leur frère Étienne qui hérite de tout le reste. Il devait y avoir un document en annexe qui décrit l’ensemble des biens laissé à Étienne, le testament ne les décrivant pas.

Carrette, Broqueville, Dabrin

A la fin du testament, elle considère son beau-frère Dominique Dabrin comme l’ayant aidé et lui ayant donné beaucoup d’affection. Mais ce qu’elle lui donne n’est pas très clair. Le beau-frère est soit du coté Broqueville, soit du coté Carrette. Après recherche, il s’agit bien de la famille de son mari. La sœur de feu François s’appelle Blasie ou Blasiette selon les documents retrouvés qui décède le 17 septembre 1783. Elle s’est mariée avec Dominique Dabrin le 3 août 1649 à Monfort. Dominique Dabrin est né vers 1621 et décède en 1693.

La famille Carrette est en fête l’année 1649. En effet, Maître François Carrette, bourgeois de Monfort et son épouse Jeanne de Limoges marient le 30 janvier François avec Catherine Broqueville d’Empiroy et le 3 août leur fille Blasie avec Dominique Dabrin.

Arrêtons-nous un instant sur Dominique Dabrin. En effet, ce couple est intéressant car il va donner naissance à Antoine Dabrin qui est praticien, c’est-à-dire médecin, né en 1659. ce dernier va épouser le 9 octobre 1685, Cécile Saint-Martin, née en 1665. Ce couple donnera naissance à Jean-François Dabrin (1688-1770) qui épousera le 23 janvier 1759, Françoise de Broqueville d’Endardé (1700-1784). Celle-ci est la fille de Louis de Broqueville (1662-1745) et de Marie-Jeanne de Solaville (1666-1749). Louis est le fils du sieur d’Endardé qui va procéder à l’arbitrage du partage en 1687 (voir ci-dessous), c’est-à-dire Jean qui a épousé Brigitte de Cotignon. La boucle est bouclée, mais au moment de ces arbitrages, les Broqueville ne pouvaient connaître ce qui allait se passer dans le futur.

Des témoins de marque

Dans le testament de Catherine, on découvre que les témoins ne sont pas choisis au hasard non plus. « (…) en présence de maître Bertrand Lauzéro avocat en la cour, le sieur Jean Broqueville, sieur d’Endardé, Blaise Broqueville bourgeois, Jean Broqueville marchand , Jean Lafont et jean Gaujoud aussi marchand et Dominique Remaurin« .

Bertrand Lauzéro (+1674), avocat en la Cour du Parlement de Toulouse est un personnage important à Monfort que l’on voit dans beaucoup d’actes ou comme consul. Il a épousé Claire de Ferrat. La grand-mère de Bertrand est Blasie Broqueville d’Empiroy, fille de Pierre et de Marie Busquet. Blasie est la sœur de la testatrice Catherine et est encore en vie en 1664.

Le sieur Jean Broqueville (1630-1705), sieur d’Endardé est celui qui est marié, le 20 septembre 1656 avec Brigitte de Cotignon (1627-1697). Il a été consul de M0nfort plusieurs fois. Jean est le fils de Jean Broqueville d’Endardé et de Françoise de Saint-Arroman.

Blaise Broqueville de Monsaubat (1600-1682), bourgeois de Monfort et a été plusieurs fois élu consul de la bastide. Il est marié avec Catherine de Manas (+1675) des sieurs d’Homps. Le couple a eu deux enfants dont on n’a aucun renseignement actuellement. Blaise est le fils de Bernard Broqueville (+ entre 1649 et 1664) et de Barthélémie Espiau (+1647).

Jean Broqueville (1613-1675),  marchand et greffier. Il est mort célibataire. Il est le frère de Blaise Broqueville, ci-dessus.

Jean Lafont et jean Gaujoud aussi marchand et Dominique Remaurin n’ont rien avoir avec la famille Broqueville jusqu’à preuve du contraire.

Une attente de 23 ans !

Catherine va mourir le 3 avril 1664 à Monfort. La famille a l’air de s’entendre encore bien puisqu’Étienne et Blasie font confiance à Marie pour un acte de gasaille avec un certain Jannot Monfurt habitant de Monfort, le 4 décembre de la même année. Il en va de même en 1666 pour le bail de la métairie de Pouxe de la Bourraque à Bivès. (5)

Visiblement Étienne garde tout l’héritage pour lui. En 1680, les deux sœurs, Marie et Blasie, demandent la division et partage des biens de leurs père François Carrette et mère Catherine Broqueville.  Ainsi dans des actes de consignation (6) que l’on peut trouver dans les archives de Monfort, on y voit une saisie du tribunal des biens équivalents de l’héritage chez Étienne Carrette pour pouvoir redistribuer selon les testaments de François Carrette d’une part (que nous n’avons pas) et celui de Catherine Broqueville d’Empiroy, sa femme.

Il faudra attendre le 19 octobre 1687, l’acte de partage d’entre Étienne, Marie et Blasie Carrette frère et sœurs se déroule « en présence de parents et amis » reçu par maître Marcassus. (7) Enfin les parties se mettent d’accord par la force du tribunal qui a mis encore des années pour que justice soit rendue. Étienne est dans l’obligation de respecter les deux testaments.

Voyons qui sont ces parents. Le premier qui joue un rôle déterminant dans l’arbitrage, depuis des années dans ce conflit de la fratrie est Jean Broqueville d’Endardé dont j’ai déjà défini le profil ci-dessus. François Saliné est de Beaumont-en-Lomagne. Il fait aussi partie de la famille Broqueville puisqu’il a épousé Jeanne Broqueville (8), fille de Joseph et de Sibile Delau. Nous ne savons rien de la destinée de Jeanne, ni de sa descendance éventuelle. Pour ce qui est de Dominique Dabrin, nous avons déjà expliqué son lien familial dans le futur.

L’accord de partage indique pour la première fois, ce que le testament de Catherine a omis de préciser, la nature des biens légués à la fois par Catherine Broqueville :

« Premièrement est arrivé de la part et portion dudit sieur Carrette une maison située dans l’enclos de la présente ville et à la garlande (9) de la place toute icelle qu’il en jouissent du présent avec ses confrontations et contenance comme il est couché au cadastre ensemble, (…)

Plus un autre lopin de jardin dans ladite ville contenant 1 place 11 escats (9) possédé présentement par Jean Thore confronté du levant jardin des héritiers de Guillaume Labaule, midi des héritiers de Barthélémy Broqueville (10), couchant et septentrion rue publique.

Plus lui est assigné une pièce de vigne et terre en la juridiction d’Esclignac appelée Au Plan contenant 4 casals (9) et tout tant qu’il y en a par manière de corps confronté du levant terre de Pierre Gassin, midi, carrelot de service (9), couchant terre de Bernard Lafitte.

Plus lui est posséder une métairie appelée au Pouxé située en la juridiction de Blanquet avec ses terres, prés, bois, vaquants, jardins dépendants d’icelle étant du labourage deux paires et davantage le tout étant baillé par manière de corps sans rien relever et tout enfin que les dits biens sont limites et confronté au cadastre du lieu de Bivès comme étant le tout situé dans la juridiction de Bivès.

Rappelons-nous que Catherine Broqueville, en tant que testatrice, était allongée dans un lit de la maison de Dominique Sinazé dans l’enclos de Monfort parce que sa maison de Bivès était occupée par la soldatesque. (Voir ci-dessus) Si Étienne Carrette possède la métairie de Pouxé dans la juridiction de Bivès, ce bien provient de sa mère. Or nous savons que le cousin sous-germain de Catherine était Jean dit Pouxé pour le différencier de tous les « Jean » de la famille. Comme jean « Pouxé » n’a pas eu de descendance si ce n’est Arnaud, mort en bas âge, Catherine aurait-elle racheté cette terre ? Ou bien est-ce François son mari qui l’aurait acheté ? En tout cas il y a des explications dans un article que j’ai déjà écrit, en cliquant ici. Reprenons la description des terres :

Est arrivé à la part de portion de ladite Marie et Blasie Carrette sœurs par indivis entre-elles une métairie appelée à la Teulève  avec ses terres, prés bois, jardin et généralement vont ce qui dépens de la métairie confrontant du lèvent chemin public allant dudit Monfort à la Tuilerie, du midi avec vigne des héritiers de François Lacourt et terre du sieur Lauzéro couchant terre du sieur Jean Silhères, septentrion avec le canal de l’Arratz de telle contenance qu’elle est couchée sur le cadastre de la présente ville ladite métairie étant de labornade d’une paire et tout ainsi qu’ils la possèdent présentement sans rien réserver avec les autres réservations de plus viagères et meilleurs lui a en tout les susdits biens tel ayant baillé les uns aux autres en étant qu’ils sont de présent en l’un et l’autre bloc avec leurs charges accoutumées  étant moins convenu que il se trouve qu’il y ait quelques arrérages de tailles ou autre dettes de la maison sera payé par lesquelles porion entre le dit Étienne Carrette et ses dites sœurs et a été convenu que tout a l’effet nommant qui sont de présent dans ladite maison où ils habitent seront a usage partagé en égale portion entre ledit Carrette et les dites sœurs et moyennant quoi ils sont demeurés réciproquement quittes de tout droits paternels ou maternels promettant ne soit rien plus demandé l’un à l’autre pour raison de leg, ni autrement desquels manière qu’il en soit sauf en cas de d’éviction.

Le partage est enfin réalisé, Il est encore dit que Étienne Carrette sait signer tandis que les deux sœurs « ne signent pour ne savoir« .

A la fin du texte, à coté de la signature d’Étienne Carrette, ce dernier rajoute ou est-ce le notaire : « Étant convenu entre parties qu’il sera loisible audit Carrette de faire le rachat de certains biens aliénés dépendants de leur maison, de les racheter et retirer ainsi et de la manière qu’il fera et en faire la cause propre sans que les dites sœurs y puissent rien prétendre que au cas qu’il ne le rachèterait pas ou qu’il ne serait pas en état de le faire il le sera loisible aux dites Carrette de faire le dit rachat. » Comme quoi Étienne a de la suite dans les idées en voulant posséder toutes les terres Carrette.

Les deux sœurs, Marie et Blasie Carrette ont du attendre 23 ans pour faire valoir l’exécution du testament de leur mère Catherine Broqueville d’Empiroy. Elles avaient raison, du reste de se mettre ensemble car, un des critères de succession à l’époque est de conditionner l’héritage au mariage selon l’expression « colloqué en juste noce » ou « colloqué en mariage ». Marie est marée à François Mazet, dont on ne sait rien. Par contre, Blasie semble être restée célibataire. Si elle ne s’était pas associée avec sa soeur Marie elle aurait été déshéritée. C’était le lot des célibataires bien que les tribunaux avaient tendance à casser ce genre de conditions comprenant très bien qu’un célibataire a besoin d’un revenu pour vivre.

Voilà donc un testament décortiqué en long et en large ainsi que des documents annexe qui nous a permis de découvrir un pan d’histoire où Broqueville et Carrette sont intimement liés. Nous avons eu la chance de retrouver aussi chez d’autres notaires des textes faisant référence à cette affaire qui a du empoisonner la vie à Monfort pour toutes ces familles durant une vingtaine d’année. La justice triomphe toujours, même si elle a mis du temps à résoudre le conflit.

Géry de Broqueville


(1) Notaire Marcassus coté 3E8868 aux AD32, (11948-11657) Cliquez ici pour le pdf.

(2) Marie Carrette épousera François Mazet en 1688.

(3) Étienne Carrette épousera à une date non connue qui serait vers 1689 en fonction de la date de naissance de leur fille le 16 avril 1690. Il s’est marié avec Marie Gariépuy.

(4) Notaire Labaule coté 3E8835 aux AD32 (8596-8597).

(5) Notaire Ponsin coté 3E8977 (178) aux AD32 (12009-12011) pour une gasaille. Autre acte pour le bail de la métairie de Pouxe : Notaire Ponsin coté 3E8978 aux AD32 (12081-12083).

(6) Acte d’assignation devant les avocats Ponsin et Dabrin et le lieutenant Gariépuy du tribunal de Monfort, du 3 juillet 1680. (9572-9574)

(7) Notaire Marcassus coté 3E8867 (15074-15076). Cliquez ici en pdf.

(8) Preuve de l’existence de Jeanne et de son mariage avec François Saliné, dans le testament de son père daté du 21 avril 1600 chez le notaire Lauzéro (13174-13180)

(9) Voir dans le dico la signification des mots.

(10) On ne connait pas la date de décès de Barthélémy Broqueville fils de Joseph et Judith de Boiber. Grâce à ce genre de texte, on peut déterminer qu’il est décédé avant la date du 19 octobre 1687.