« Tutelle d’infidélité »

Dans le document qui m’occupe actuellement, je retrouve la trace d’un  pacte de mariage. Je n’en lis qu’une ligne non datée, ce qui ne devrait pas faire l’objet d’un article entier. Et pourtant, ce texte fait partie des actes essentiels pour la compréhension de la généalogie Broqueville.

Le texte présenté ici est un « acte entre Jean et Joseph Broqueville fils à feu Jean« . (1) Ce texte est précédé par une « sentence arbitrale entre Broqueville » datée du 6 août. Le texte du 8 août (2) est intitulé ainsi : « Sentence arbitrale entre Broqueville ». Voici le texte principal de l’acte du 8 août :  « (…) se sont constitués en leurs personnes Jean et Joseph Broqueville frère fils à feu Jean habitant dudit Monfort qui de leur gré pure franche volonté ayant la sentence arbitrale prononcée aujourd’hui donnée par maître Raymond Lauzéro procureur en la cour du parlement de Toulouse et François Donat huissier en icelle, Janotet et Jean Broqueville leurs arbitres par laquelle aussi au juge ledit Joseph sur les biens de leur feu père, la somme de 3000 livres selon pacte de mariage d’entre ledit Joseph et feue Jeanne Laforcade par lequel le feu Jean père a donné audit Joseph la somme de 3000 livres et autres sommes de métairie et maison ladite sentence arbitrale en baille un bien et forme d’hérédité dudit feu jean et pris en tutelle d’infidélité en parvenant de la susdite somme lesdits Broqueville frères aura été en nommant pour l’estimation Janotet et Jean Broqueville fils d’Antoine leurs cousin germains en procédant à ladite estimation« .

Par ce texte on connaît le nom de l’épouse de Joseph, Jeanne Laforcade,  dont le contrat de mariage devrait mettre tout le monde d’accord. Une somme de 3000 livres lui était promise par son père. Visiblement les choses ne sont pas si simples puisque Joseph était mis en tutelle d’infidélité ce qui entrainerait l’annulation de cette somme, d’où le litige entre les deux frères. Le père n’est plus là pour témoigner puisqu’il est décédé un an auparavant. Mais comme l’épouse de Joseph est décédée la clause d’infidélité est annulée ! On ne saura probablement jamais qui était infidèle à qui ?

Dans les livres de droit de l’époque, je ne trouve aucune trace de cet assemblage de mot. ‘Tutelle d’infidélité ». Dans un livre relativement récent écrit par Gabriel-A Pérouse (4) on retrouve quand même une référence aux époux infidèles dont les contenus sont repris dans des conversations conjugales du soir. Ainsi l’on peut voir l’époux offensé qui brule les fesses de sa femme dans l’âtre de la cheminée ou encore celle-ci qui jette son vieux mari dans ce même âtre pour le voir rôtir définitivement ! Fort heureusement, les Broqueville n’en arrivait pas jusque là, aucun procès n’allant dans ce sens dramatique n’ont été retrouvé…

Quoiqu’il en soit selon les mœurs de l’époque, c’est le mari qui a toujours le dernier mot et peut mettre sa femme sous tutelle.  Est-ce à cela que le texte fait référence ? Ludovic Mazeret implique plus le fils vis-à-vis de son père. Il utilise le terme « ingrat ». Joseph s’est-il montré ingrat envers son père au point où il est déshérité ? Alors pourquoi le père accepte de consigner dans le pacte de mariage le fait qu’il héritera de 3000 livres à son décès !

Un troisième acte intitulé « Acte de Jean et Janotet Broqueville, Janotet fils à feu Joseph, Jean fils de feu Antoine« , daté du 22 août 1616 donne des détails sur cet accord et montre quelles sont les terres qui sont données à Joseph et à sa descendance. Il s’agit d’une maison dans l’enclos de Monfort rue d’En Pardeilhan et de nombreuses terres disséminées dans la juridiction de Monfort comme entre autre, des terres à La Marque, Canet, En Dardé, Saint-Blaise, A Lallemant, En Gauté, Garros, etc.

Les deux arbitres, Janotet fils de feu Joseph et Jean fils de feu Antoine sont bien les cousins germains de Jean et Joseph Broqueville. François Donat était présent au moment de la remise de la sentence arbitrale le 6/8 mais aussi le 22 août. Il est dit qu’il est le beau-frère de Jean ce qui confirme bien le mariage de ce dernier avec Guillaumette Donat. Par ailleurs il est aussi dit que Raymond Lauzéro est cousin germain des deux frères. Ce n’est pas complètement exact. Il est en réalité le neveu puisqu’il est le fils de François Lauzéro et de Blasie Broqueville. Celle-ci est cousine germaine des deux frères. Peut-être qu’à l’époque l’on ne faisait pas la différence de génération.

Ces trois actes ne font que confirmer ce que l’on sait déjà concernant les liens de parentés entre les Broqueville de ce début de XVIIe siècle. Il y a trois branches et l’on connaît la plupart des épouses qui n’ont rien avoir avec celles qui sont présentées dans l’histoire de Ludovic Mazeret. Joseph et Jeanne Laforcade ont une descendance mais elle n’est pas encore prouvée.

Géry de Broqueville


(1) Notaire Lauzéro coté 3E8855 avec la référence privée de 14898-14900 daté du 8 août 1616.

(2) Notaire Lauzéro coté 3E8855 avec la référence privée de 14896-14897 daté du 6 août 1616.

(3) Notaire Lauzéro coté 3E8855 avec la référence privée de 14901-14915 daté du 22 août 1616.

(4) Gabriel-A Pérouse, « Nouvelles françaises du XVIe siècle: images de la vie du temps », Librairei Droz, 1977, page 65.