Le Grand Quartier Général était le cerveau de l’armée. Il était l’instrument du Roi qui l’accompagnait en campagne. Il s’était d’abord constitué le 4 août 1914, avenue de Cortenberg et dans les premiers combats, il s’est installé dans l’hôtel de ville de Louvain. Le 19 août, il arrive à Anvers avec l’armée et place ses bureaux à l’hôtel du gouvernement provincial, place du marché aux souliers. Pendant les batailles sous Anvers, il est successivement à Lierre, Tamise, Kontich. A la fin septembre, il est au rempart Kipdorp où se trouvent les bureaux du camp retranché.
Pendant la retraite, le G.Q.G. est successivement à Saint-Nicolas, à Selzaete, à Ecloo avant de venir à Ostende. Le 12 octobre il est à Ostende au grand hôtel des Bains, c’est sa dernière étape avant Furnes où il s’installera le 14 octobre dans le délicat hôtel de ville. C’est là que le Roi dirigera ses troupes dans les batailles de l’Yser et d’Ypres. Le premier étage verra le bureau du Roi et de l’état-major tandis que le rez-de-chaussée se verra attribuer les bureaux pour l’artillerie, la cavalerie, les cyclistes, etc. Les officiers cantonnent chez les habitants ou dans les cabarets. Les troupes montent et descendent sans arrêt vers le front en passant par Furnes.
Pendant toute la durée de la guerre, le Roi ne cessera de recevoir d’illustres visiteurs : le roi d’Angleterre ci-contre, Charles de Broqueville en attente du roi George V george , M. Poincaré Poincaré, les généraux Joffre, Foch, le roi d’italie, de nombreux ministres de beaucoup de nation. Le premier personnage officiel reçu à Furnes fut M. Augagneur qui vint le saluer au nom du gouvernement français après avoir reçu le gouvernement belge au Havre. Le 16 octobre, le général Foch arrive avec M. de Broqueville vers midi de Dunkerque qui le présente au Roi. Le souverain, le ministre de la Guerre, Foch, le colonel Brécart eurent de longs entretiens. Le Roi portait encore sur son visage, dira Foch, la trace des angoisses qu’il venait de subir et des inquiétudes que paraissait lui réserver l’avenir.
Dans son rapport adressé à Joffre, le général Foch précise : « … Je rentre de Furnes. L’armée belge est installée sur la ligne de l’Yser. Elle a reçu l’ordre d’y résister, de s’y organiser, de s’y défendre avec la dernière énergie. Le Roi et le président du Conseil paraissent décidés à pratiquer cette tactique et à la faire pratiquer… »
Le 21 octobre c’est au tour du général Joffre de venir saluer le Roi et d’entrer en contact avec son Q.G. M. Poincaré accompagné de Joffre et de M. Millerand, ministre de la Guerre vint pour la première fois le 2 novembre. C’était le lendemain de la conférence interalliée de Dunkerque, et en revenant de La Panne où il était allé voir la Reine, il a été accueilli par la Marseillaise jouée par une musique militaire belge suivie par la Brabançonne exécutée par une musique française… Les deux chefs d’Etat passèrent en revue les troupes françaises et belges fraternellement unies. Le Roi reconduisit M. Poincaré et sa suite jusqu’à la frontière française.
Un mois après, le 4 décembre, le Roi reçut le roi d’Angleterre. Il apportait, en témoignage de son admiration, l’ordre de la Jarretière pour le Roi Albert Ier. M. de Broqueville reçut des mains de George V la Grande Croix de l’ordre de Saint-Michel et Saint-George. Au nom de l’Empire britannique, le Roi l’avait félicité « pour sa clairvoyance et son énergie ».
Le G.Q.G. ne resta que trois mois et demi à Furnes. A la fin janvier 1915, les Allemands prirent la ville sous le feu de leurs canons. Le G.Q.G. s’installa à Houthem où il devait rester jusqu’à l’offensive victorieuse de 1918. Houthem était un village à une rue avec une petite église entourée d’un cimetière.Le salon de la cure servit de bureau pour le Roi jusqu’en 1918. C’est là qu’il présidait les Conseils des ministres « tenus au front » selon les communiqués des journaux du Havre. Des chemins furent réparés, rajoutés. De nouvelles rues construites, des quartiers entiers avec des maisons en bois, parfois en brique. Il a fallu aussi construire les maisons des missions militaires de France, de Russie et d’Angleterre. Les paysans complètement éperdus assistèrent à la création d’une imprimerie, d’un service postal y compris d’un poste de T.S.F. d’un parking pour voitures au pied du vieux moulin. un aéroport avec tous les services techniques, une centrale électrique pour éclairer toute l’organisation. Trois chefs commandèrent le G.Q.G. Le général Wielemans suivi du général Rucquoy et enfin le général Gillain.
M. de Broqueville connaissait bien le général Wielemans puisqu’il l’avait choisi comme chef de son cabinet militaire en 1912. Il mourut à Houthem dans les premiers jours de janvier 1915. Dans son ordre du jour adressé aux troupes, le ministre de la Guerre disait : « Les conditions actuelles de la guerre font que les chefs les plus élevés de la hiérarchie ne sont que rarement appelés à tomber sur le champ de bataille, mais celui qui meurt dans l’accomplissement du devoir militaire, comme le général Wielemans a aussi la mort du soldat… ».
Le 8 janvier, ses funérailles eurent lieu dans le petit cimetière d’Houthem. Le Roi avait tenu à être présent escorté des généraux Michel, de Witte et d’Orjo de Marchovelette. L’on se montrait aussi le colonel Wielemans, frère du disparu. Le général Plumer représentait le Q.G. britannique.
funerailles
Devant sa tombe M. de Broqueville lui adressa , au nom de l’armée, un dernier salut. Le discours du ministre de la guerre provoqua une émotion intense. Jamais un chef de gouvernement n’avait retracé en termes aussi précis, les graves responsabilités qui incombent à un chef. M. de Broqueville disait : « Le chef n’a pas seulement la responsabilité des destinées de la patrie qui repose sur la force des armes, il répond devant Dieu et devant les hommes de toutes les vies humaines qui lui sont confiées. Il répond de l’efficacité de cet admirable outil vivant qu’est l’armée ; il est responsable de la valeur du commandement qui, à tous les degrés de la hiérarchie, doit animer ce grand corps ; il ne doit connaître, ni aimer que sa patrie et les coeurs de soldats doivent battre avec le sien. Les générations futures sont en droit de lui demander compte de l’emploi qu’il fait de toutes les forces, de toutes les intelligences qui sont subordonnées à la sienne : et c’est parce qu’ils correspondent à de si terribles obligations que les hauts grades militaires sont entourés d’un tel prestige et sont considérés à juste titre comme les plus hautes charges de l’Etat… »
Le Roi était presque constamment à Houthem. Il se promenait dans le village au contact de ses troupes et rentrait vers 3 heures pour avoir souvent des réunions avec son ministre de la Guerre , pour évaluer les besoins en ravitaillement des troupes. Parmi les nombreux visiteurs de marque que le G.Q.G. recevait, il convient de citer Clemenceau qui visita le front le 24 février 1918. Il ne fut pas reçu par le Roi qui était absent et fit une courte visite au ministre de la Guerre de l’époque, le général de Ceuninck. On n’a jamais su si l’absence du Roi était due à un problématique hasard ou si c’est parce que Clemenceau avait rompu les pourparlers de paix avec l’Autriche à la fin de 1917. Il n’est pas défendu de croire à une absence diplomatique. Quelques semaines plus tard, M. Poincaré est reçu par le Roi à La Panne tandis que Foch sera à Houthem durant la bataille de Merckem. C’est à Houthem que se prépara dans le plus grand secret mais minutieusement la grande offensive de septembre 1918 qui allait libérer la Belgique. Le 19 octobre, le G.Q.G. quitta alors Houthem définitivement pour aller à Thourout.