Charles de Broqueville en 1912

Charles de Broqueville en 1912

La victoire de Broqueville le 2 juin 1912 lors des élections était inattendue par tous et en premier lieu par le Roi. Celui-ci s’attendait à voir débarquer Paul Hymans au palais, car c’était convenu comme cela entre les deux personnages. C’est Broqueville qui est venu ! Il faut rappeler que Paul Hymans avait secrètement contacter le roi pour lui proposer de nommer un Broqueville fade et sans avenir politique comme chef de cabinet intérimaire avant les élection qui devait voir le triomphe du cartel de gauche : les libéraux et les socialistes. Le Roi avait déjà sa préférence. Cette-ci fut déçue. Le Roi voulait, non pas qu’il ait eu une préférence politique pour les gauches, qu’il y ait une alternance politique. Il lui semblait normal qu’après 30 ans de pouvoir catholique, il y ait une alternance de pouvoir et ainsi, pour lui même tenir un rôle d’arbitre sans devoir montrer des amitiés politiques. Le 2 juin, les électeurs en ont décidé autrement ! (Haag I, p.88)

Et pourtant s’était opéré aussi chez Broqueville un changement fondamental, lui qui est catholique convaincu que la clé de voûte social est d’une part l’église et d’autre part, la monarchie et donc son représentant : le Roi. Broqueville avait un souverain qu’il respectait profondément. De même, il avait une considération importante pour la reine qu’il disait être « une femme exceptionnelle ». Il était donc temps de montrer au Roi qu’il n’était pas le gentilhomme provincial aux vues étroites comme le décrivait ses opposants politiques et spécialement Paul Hymans, mais bien qu’il épousait les idées du Roi et que c’est par lui qu’elles s’accompliront.

Pour ce faire, Broqueville va s’isoler, le 15 juin, à Châtel-Guyon à l’écart de sa famille et de tout importun. C’est là qu’il va rédiger une lettre envoyée au Roi datée du 19 juin où il va faire le choix d’une voie difficile, celle d’une espèce d’union nationale en reprenant certaines idées de ses opposants :

  • Un nouveau projet scolaire (avec au préalable des pourparlers très discrets avec certains membres de l’opposition)
  • Un projet de loi sur les pensions ouvrières et les habitations bon marchés.
  • Une nouvelle loi militaire
  • La modification du mode de suffrage avec une révision de la Constitution.

Les deux premiers points ne devraient pas soulever d’opposition majeure. Il savait que les deux autres étaient beaucoup plus délicates. Il y avait une question de timing. A ses yeux, la loi militaire était urgente tandis qu’il programmait la loi sur le suffrage pour 1916. Et ce n’est certainement pas sur la loi militaire que le Roi allait s’opposer tant c’était une préoccupation pour lui au regard des bruits de bottes qui se faisait entendre ça et là. La loi sur le suffrage universel était le pendant de la loi militaire : Si tout le monde devient soldat, alors tout le monde devient électeur. Le fait de reporter le dernier point à 1916, c’était pour permettre à Broqueville de convaincre les opposants de son propre parti de droite dont la majorité de ses membres étaient farouchement opposés aux deux propositions.

Broqueville montra ainsi au Roi sa valeur non pas de politicien mais bien d’homme d’État qui a, certes gagné les élections, mais qui est aussi capable de projets pour le bien de tout le pays.

Géry de Broqueville