Charles de Broqueville, début du XXe siècle.

Charles de Broqueville, début du XXe siècle.

Le Roi Albert restait décontenancé. Lui qui voulait devenir un arbitre, il se sentait prisonniers de la gauche libérale, de Paul Hymans qu’il voyait de temps en temps en grand secret pour essayer de désamorcer la grande grève commencée le 14 avril 1913. Dans un entretien avec Hymans, il dit clairement son sentiment vis-à-vis de Broqueville. A ses yeux, ce dernier était mauvais, mais les deux autres, Schollaert et Helleputte étaient pires. Il fallait accepter de travailler avec Broqueville. Le roi pris même sa défense et se porta garant des bonnes intentions du chef de cabinet. (Haag I, p. 117)

Et nous n’étions guère avancés puisque nous sommes toujours sur les questions de la révision de la constitution sur la question du suffrage universel. ! Tant que ce sujet épineux n’avançait pas, la loi militaire ne pouvait voir le jour !

Et le 19 avril, la proposition de travailler sur la révision de la constitution fut adoptée dans les chambres. Broqueville rayonnait, il avait obtenu ce qu’il voulait plus avec l’accord des gauches qu’avec l’accord de son propre parti. Oui, vraiment, le roi avait affaire avec une forte tête qui a réussit là ou beaucoup d’autres ont échoué !

Les lois militaire, sociale et scolaire

Dans la foulée, Broqueville obtient le vote des lois militaires, non sans peine, bien sûr. Le contexte international est des plus précaires. Par des manœuvres assez étonnantes pour l’époque en contactant secrètement les chef de l’opposition, en métrant dans la confidence les caciques de son parti comme Woeste, il arrive à ses fins : les lois militaires comme le bilinguisme dans l’armée, la loi de financement de la loi militaire par l’augmentation de taxes ou d’impôts lui permet d’apporter à son roi une loi bien ficelée. Et dans la foulée, ceux qui décrivaient Broqueville comme un gentilhomme d’un autre siècle égaré au XXe siècle, fade et sans envergure, en sont pour leur frais. Toute la classe politique apprend à se méfier de cet homme qui est capable en quelques mois d’obtenir tout ce qu’il veut.

Ce fut pareil pour les deux autres lois. L’opposition comme les certains membres de son parti attendaient le moindre faux pas de Broqueville, Et là encore, il maîtrisa l’art de la négociation pour faire passer les quatre lois fondamentales de son programme politique.

La stratégie utilisée par Broqueville tant pour la loi sur le suffrage que sur celle de la loi militaire montre la dimension hors norme du personnage. Jamais un homme politique n’a autant été maître d’un parlement. Haag (I p.137) se pose la question à propos du caractère de cet homme qui arrive à obtenir le vote de lois impopulaires pour son propre parti pour ce qui concerne le suffrage universel et impopulaire pour tous les partis pour la loi de la milice. Broqueville est donc prêt à payer le prix de sa popularité ce qui fait de lui un véritable homme d’Etat, c’est-à-dire un homme au service de l’Etat.

Les élections partielles de mai 1914 est une belle démonstration de ce qui précède. Le parti catholique est en recul et perd quatre sièges au total. Malgré cela, il garde la majorité nécessaire pour gouverner valablement. Il est clair que les Catholique ont été victime des lois impopulaires. Mais il n’y a pas que cela. La propagande corrosive des Flamingants y est pour quelque chose aussi.

En effet, ces derniers accusaient Broqueville de ne pas respecter les engagements concernant la flamandisation de l’université de Gand. Broqueville était membre du Davidsfond qui était une des associations qui réclamait que tous les cours soient donnés en néerlandais et plus du tout en français. Or Broqueville voulait en faire une université bilingue.

Géry de Broqueville