Berthe d'Huart et Charles de Broqueville, en mars 1933 dans le Parc de la Woluwe à Bruxelles.

Berthe d’Huart et Charles de Broqueville, en mars 1933 dans le Parc de la Woluwe à Bruxelles.

Octobre 1932, le gouvernement Renkin vacille. Deux de ses membres, Tschoffen et Carton de Wiart crient à qui veulent les entendre que le gouvernement devra, dans les jours qui suivent, demander à la Banque nationale de faire tourner la planche à billet. Le chef de gouvernement n’est pas en mesure de présenter un plan de redressement économique et encore moins de le faire voter. Anxieux de la tournure des événements les libéraux demande la dissolution du parlement. Renkin démissionna, lui qui avait rêvé de devenir premier ministre, mais la crise mondiale a eu raison de lui. Il laissait derrière lui un trou de 2 milliards dans le trésor.

Le gouvernement de 40 jours

Qui allait lui succéder ? Les socialistes, trop dépensiers, étaient peu enclins à accepter ce lourd héritage. Les regards se tournent alors vers Broqueville mais lui pardonnerait-on ses 72 ans ? Lui-même jouait au vieux sage racontant ses souvenirs, faignant d’être le bon grand-père, mais secrètement, il rêvait de revenir au devant de la scène, de redevenir chef de cabinet, poste, seul digne à ses yeux pour finir une carrière politique (1). Mais il fallait choisir le moment avec justesse et ne pas faire n’importe quoi. Broqueville avait cultivé ses amitiés libérales et le Roi lui devait une revanche et tout lui indique qu’il y était décidé.

C’est sans étonnement que les journalistes ont vu sortir le « maître de Postel » du Palais royal, de la meilleure humeur, alerte, affable et souriant. Il rencontra dans la foulée Francqui, Devèze, Jaspar, Max. Catholique et libéraux se réunirent chacun de leur coté, l’accord sur les objectifs furent immédiats. Il fallait alors distribuer les portefeuilles. Ce fut fait en deux jours.

Revoilà, Broqueville, premier ministre. Ce gouvernement n’était que provisoire puisque la dissolution des chambres eut lieu et la convocation pour les élections fixées pour le 27 novembre. En tout cas, ce gouvernement était composé d’hommes de talent, d’expérience et d’autorité. Tous avaient été ministres, plusieurs l’avaient été à maintes reprises, Quatre avaient déjà été premier ministre, il y a avait 6 ministres d’État. Ce grand ministère annonçait-il un grand gouvernement ?

Les élections

Une défaite même de peu d’ampleur aurait été catastrophiques. Les ressources financières étaient au plus bas pour le parti catholique. Segers, le président de la Fédération des associations et des cercles, tendit sans fausse honte la main. Il lui fallait trouver 300.000 francs pour les affiches, les tracts, les brochures. Broqueville se mit à la tâche et envoya une lettre pathétique à ses amis montrant que le péril rouge était à leur porte avec une volonté de taxer les grosses fortunes, exproprier les biens, etc. Les dons affluèrent en masse dépassant la demande (2). Il s’agissait de sauver la Belgique d’un marasme économique. Tous les catholiques se mirent en selle faisant parfois des promesses hasardeuses. La consigne était de faire flèche de tout bois contre les socialistes (3) mais en épargnant les libéraux. Broqueville ne ménagea pas sa peine pour expliquer que le seul gouvernement possible était un gouvernement catholique-libéral.

Les résultats furent intéressants pour les catholiques mais pas pour les libéraux. Les premiers gagnèrent 3 sièges, les seconds en perdirent 4. Les socialistes en gagnèrent 3.

Géry de Broqueville


(1) Nietzsche ne disait-il pas : « Les maîtres du premier rang se reconnaissaient en cela que, pour ce qui est grand comme pour ce qui est petit, ils savent trouver la fin  d’une façon parfaite. » (Haag 750)

(2) A la page 752 de Haag on peut voir les contributions des uns et des autres comme Waucquez, sénateur et négociant ; Galopin, directeur de la Fabrique nationale et gouverneur de la Société générale ; Vaxelaire, administrateur du Bon Marché ; le Baron Brugmann, riche propriétaire et des familles comme les Dorlodot, Theunis, Blaise, Empain, etc.

(3) Le socialisme est bon pour distribuer les richesses, il est incapable d’en stimuler la production. Broqueville reconnaît que les socialistes ont apportés des bienfaits dans le monde moderne mais au vu de la crise, c’est un autre type de gouvernement qu’il faut pour résoudre les problèmes économiques. (Haag 753)