L’Histoire n’a retenu probablement que sous une seule ligne le fait que des chants patriotiques berçaient les soldats dans leurs tranchées humides infestées de vermines. Coûte que coûte, il fallait tenir bon. Le moral de la troupe passait aussi par des chants composés la plupart du temps par des militaires ou des artistes sous l’uniforme. Ainsi, en rangeant les papiers de feue ma mère, j’ai découvert deux opuscules savoureux qui proviennent de la succession de mon père. Ces deux documents jetés en vrac parmi d’autres partitions de musique, sans mon œil aguerri de chercheur-fouilleur-archéologue historien généalogiste amateur, auraient pu tomber dans l’oubliette définitive, au pire d’une poubelle, au mieux d’un brocanteur à qui, j’aurais, sans le savoir, racheté ces deux feuillets.

Le premier, est intitulé, « Cœurs virils » (1). Les paroles sont de Rodan et la musique de M. Spoel (2). En page deux l’on voit que cette composition est « dédiée à Monsieur le Comte de Broqueville, le grand ministre au cœur viril« , chanson marche dont la signature des deux auteurs est placée de part et d’autre du titre.

Si le Roi Albert Ier fait partie du texte, chose qui est normal puisqu’il est le chef d’état, Broqueville est représenté par la fin de la quatrième strophe : « Toujours actifs » est leur devise ardente, « Jamais soumis », leur superbe serment« . Cette dernière phrase est donc une allusion à la célèbre phrase de Charles de Broqueville devant les Chambres réunies, le 4 août 1914 : « Un peuple qui ne s’abandonne pas, s’écrira-t-il, peut être vaincu, mais il est certain qu’il ne sera pas abattu, et moi, je le déclare, au nom de la Nation tout entière, groupé en un même cœur, en une même âme, ce peuple, même s’il était vaincu, ne sera jamais soumis.« 

Le second opuscule a été édité sous le nom de « En toi, j’ai foi » pour piano et chant avec les paroles de Rodan et la musique de R. De Ceuninck, lieutenant chef de musique aux Grenadier. (3) Cette chanson est dédiée au Roi Albert Ier mais nous avons une note manuscrite de l’auteur qui nous donne le nom réel de Rodan : A. Daneels. Cette dédicace date du 26 décembre 1930 : Hommage d’admiration à Monsieur le comte de Broqueville, de la part de l’auteur de « Cœurs virils« . Contrairement au chant précédent, celui-ci est bilingue français néerlandais, ce dernier texte étant écrit par EM. Thys.

Je comprends mieux pourquoi, l’on a gardé dans les archives de mon père le livre de Théodore Botrel (4) qui a mis aussi une dédicace : « A monsieur de Broqueville, ce deuxième recueil de mes chants de guerre, en témoignage à ma reconnaissance et de mon dévouement. Signé Botrel. Ambulance Carrel. Compiègne« .

Un dernier opuscule n’est pas un hommage à Broqueville mais il est inscrit au dessus de la page que ce document se trouvait au « 32 Rue Joseph II » qui était la maison du ministre à Bruxelles. Ce texte a été donné à son fils André, mais au hasard des partages, il est arrivé chez mes parents. Ci-dessous dans l’album, vous pourrez fredonner les deux premières chansons patriotiques si vous avez le talent d’un musicien.

Géry de Broqueville


(1) Editions Vergucht à Bruxelles et Paris. sans date.

(2) M. poels est le chef de musique du 8e régiment de Ligne

(3) Editions J. Polfliet à Bruxelles. sans date.

(4) Théodore Botrel, Chanson de route, refrains de guerre, Ed. Payot, Paris. s.d.