Le Prince Charles et Charles de Broqueville au château de Postel – juin 1934. En retrait Robert Goffinet.

De tout temps, les chefs de gouvernement et même les ministres organisent des rencontres informelles dans tous les lieux possibles qui ne soient pas officiels pour se donner probablement plus de tranquillité face aux journalistes avides d’informations inédites. Cela se passe dans tous les pays du monde. Dans les archives Broqueville se trouvent ainsi des photos en ce qui concerne la présence de personnages importants de l’État belge sans comprendre vraiment ce qu’ils faisaient là.

Souvenons-nous que Charles de Broqueville, au sortir de la Grande guerre avait été rappelé par le Roi Albert, dès la fin novembre 1918, pour participer au gouvernement en tant que ministre de l’intérieur et ainsi faire passer l’amère pilule, aux catholiques, des élections au suffrage universel (1). Il aspirait à la paix et au retour vers sa Campine anversoise chérie qu’il n’avait plus vue depuis 1914. Ainsi dès sa besogne réussie, fin 1919, il déclina toute proposition politique pour s’atteler à une grande tâche : restaurer le château et le domaine de Postel (2).

C’est ainsi que l’on découvre en 1928 et 1929 l’une au l’autre visite du Prince Charles au château de Postel où les enfants du ministre essaie la voiture de course du prince.

Il avait bien besoin d’un endroit capable d’accueillir dignement, par exemple, le Prince Charles, frère du roi Léopold III. Plusieurs photos montrent que ce dernier était un hôte assidu des dîners de l’homme politique. Que se disait-il à ces déjeuner probablement politique ? Nul ne le sait puisque ces rencontres informelles n’ont pas été consignées par écrits et si tel devait être le cas, nous n’en n’avons aucune trace. Les seules traces que nous avons dans nos archives sont la composition manuscrite de quelques tables ainsi organisées.

Une de ces tables est datée du 21 février 1934. Ce repas n’a jamais eu lieu à cette date étant donné qu’il coïncide avec le décès du roi Albert Ier qui a eu lieu le 17 février. Ce dîner a été reporté en juin de la même où l’on voit le Prince Charles avec un bandeau noir agrafé à son uniforme militaire. En tout cas tel qu’il devait se dérouler le 21 février, le plan de table montre que le Baron Pierre de Broqueville (1892-1941), fils du ministre se trouve en bout de table devant la cheminée. Nous allons décrire les personnages l’un après l’autre dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir de Pierre. Ainsi à sa gauche se trouve Monsieur le chanoine Leclef. Ce chanoine était le secrétaire du Cardinal Van Roye. Le chanoine publia ses mémoires et celles de son cardinal après la seconde guerre mondiale.

La baronne Myriam de Broqueville. Elle est aussi la fille du ministre. Elle assista presqu’à tous les dîners et toutes les rencontres politiques que son père ait pu faire durant sa carrière politique en remplacement de sa mère, Berthe d’Huart. Par son esprit vif et son intelligence, elle était la véritable « Mme de Broqueville » qui accompagnait le ministre dans ses déplacements.

Vicomte Gustave du Parc est en réalité Maurice Gustave du Parc-Locmaria (1854-1952). Je ne connais pas sa fonction (non trouvée sur Internet) pour expliquer la raison de sa présence à ce dîner.

Comtesse de la Barre d’Erquelinnes. Elle est l’épouse d’un sénateur (voir ci-dessous).

Mr Theunis ministre d’État. M. Theunis, catholique, est chef de cabinet de 1921 à 1925. Après les élections de novembre 1921, le Roi Albert 1er nomme Georges Theunis comme formateur. Le congrès général du parti socialiste ayant interdit à ses membres toute participation ministérielle, l’équipe gouvernementale ne sera composée que de catholiques et de libéraux.

Madame Lippens, épouse de ministre. Voir ci-dessous.

S.A.R. Monseigneur le Comte de Flandre. Il s’agit du prince Charles que le ministre connaît depuis son installation avec son père, le roi Albert Ier, à la villa royale de La Panne durant la Grande guerre.

La Comtesse de Broqueville. Il s’agit de Berthe d’Huart épouse du ministre. Elle décèdera deux ans plus tard en 1937.

Son éminence le Cardinal Van Roey, archevêque de Malines. Le Cardinal Joseph-Ernest Van Roey (1874-1961) a succédé au cardinal Mercier. Professeur à l’Université catholique de Louvain, Il a été fait archevêque en 1926 et Primat de Belgique en 1927.

Madame Tschoffen, épouse de ministre. Voir ci-dessous.

Prince Louis de Mérode (1882-1949). La seule chose que l’on sait de lui est qu’il est le dernier possesseur du château de Loverval au sud de Charleroi.

Madame Reylandt. Épouse.

Comte de la Barre d’Erquelinnes, Sénateur. Henri de la Barre (1885-1961) est membre du parti catholique. Il est sénateur de l’arrondissement de Mons-Soignies depuis 1929. Il rentrera comme ministre de l’agriculture dans les gouvernements Pierlot I et II après la seconde guerre.

Baronne Pierre de Broqueville, née Esthelle de Tornaco (1897-1975).

Monsieur Neuray. Fernand Neuray (1874-1934), l’ami de toujours, rédacteur en chef du Vingtième siècle et de la Nation belge. Celui qui est l’écoute attentive du ministre et le passeur d’informations savamment distillées dans la presse, quand il faut. Si assurément Fernand Neuray était prévu pour le déjeuner du 21 février, il n’était assurément pas présent en juin puisqu’il décède en Grèce, en mars de la même année.

Monsieur l’abbé Van Den Hout. Il a été directeur de La Libre Belgique clandestine entre 1917 et 1918. Il se trouve en bout de table et fait face à Pierre de Broqueville. A sa gauche est placée la baronne Anne-Marie de Broqueville (1911-1997). Célibataire, elle épousera en 1936, Robert de Dieudonné de Corbeek over Loo.

Ensuite vient M. Reylandt, chef de cabinet du ministre de l’Intérieur. Ce dernier est Proper Poullet, catholique, qui était aussi membre du gouvernement Broqueville à Sainte-Adresse, durant la Grande guerre.

Madame Brifaut. Epouse.

Baron Goffinet, intendant honoraire de la liste civile. Robert Goffinet est le secrétaire du prince Charles et l’accompagne dans tous ses déplacements.

Comtesse t’Kint de Roodenbeke. On ne connait pas son rôle dans ce repas.

M. Lippens, ministre de l’Instruction publique. Maurice Auguste Lippens (1875-1956), libéral, fut ministre d’État, ministre des Chemins de fer, Postes et Télégraphes, ministre de l’Instruction publique, président du sénat, gouverneur honoraire de Flandre-Occidentale et gouverneur général du Congo belge.

Comtesse della Faille de Leverghem, Grande maîtresse de la maison de S.M. La Reine. Il s’agit ici de la reine Elisabeth bien évidemment, épouse du Roi Albert Ier.

Comte de Broqueville, Premier ministre. Il s’agit de Charles de Broqueville (1865-1940).

Mme Theunis. Epouse. (voir ci-dessus)

M. Tschoffen, ministre des Colonies. Paul Tschoffen (1878-1961), avocat du barreau de Liège, était déjà ministre catholique sans portefeuille dans le gouvernement Theunis de 1921-1925.

Vicomtesse du Parc. Epouse, suivi du Comte della Faille de Leverghem. époux et de Madame Neuray.

M. Brifaut. Valentin Brifaut, né en 1875, peut être présenté comme catholique, antimaçon et scout. Il est parmi les fondateurs de la Ligue antimaçonnique en 1910 en prenant le poste de secrétaire. Il devient député en 1912 et sénateur suppléant en 1933.

Et enfin la table se termine par la présence du baron de Broqueville qui est l’aîné des fils du premier ministre, Jean (1886-1948).

Nul ne pourra plus témoigner de ce qui a pu se dire, en juin 1934, autour d’une table si auguste. On y parle certainement de politique belge, puisque Charles de Broqueville est encore premier ministre jusqu’au 20 novembre 1934. On y parle peut-être aussi de la menace ressentie par le premier ministre qui plus d’une fois a déjà tiré la sonnette d’alarme à propos de la montée en puissance de M. Hitler. Parlent-ils de la visite faite par Charles de Broqueville à Benito Mussolini pour connaître ses intentions ?

Géry de Broqueville


(1) une article intitulé « Broqueville 14 : ministre de l’intérieur » est lisible en cliquant ici.

(2) Un article intitulé « Broqueville 15, une accalmie politique » est lisible en cliquant ici.