Albert et Elisabeth peint par Jacques Madyol. (Collection MRA)

Albert et Elisabeth peint par Jacques Madyol. (Collection MRA)

Après 3 mois de combats et de retraites incessantes, l’armée belge s’est retranchée derrière l’Yser. Après la bataille de l’Yser gagnée par la Belgique et les alliés, le front se fige le long de ce fleuve qui n’est pas très large. Mais c’est l’ouverture des écluses de Nieuport qui a permis d’inonder les plaines de l’Yser et ainsi créer une immense surface d’eau, barrage naturel face aux ennemis largement supérieurs en nombre. Le Roi Albert Ier reste près de ses troupes en sa qualité de commandant en chef. Pour sa sécurité et celle de sa famille, le palais royal s’est installé dans des villas de La Panne.

Cette dernière est une ville balnéaire proche de la France, ce qui aurait permis au Roi de fuir vers la France ou vers la mer au cas où les Allemands auraient procédé à une large offensive et auraient enfonçés les lignes belges, ce qui faillit arriver en mai 1918.

L’image du Roi Albert Ier et de la Reine Elisabeth est associée non seulement à leur présence à La Panne mais aussi auprès des troupes belges.

Un petit village, une grande destinée

La Panne, petit village ignoré dont le nom allait devenir brusquement célèbre dans le monde entier, se composait de pauvres maisons construites dans les replis des dunes et abritant des pêcheurs de crevettes. Le long de l’inévitable digue qui longe la plage, des villas modernes et sans faste, s’alignaient les unes derrière les autres. Brusquement le décor de la plage flamande s’animait. A l’extrémité ouest de la digue, trois villas venaient d’être promues «Palais royal».

Les canons de l’Yser, d’Ypres, du Kemmel ne cesseront de faire entendre leurs sourds grondements. Le long de la plage, les villas furent remplies de fonctionnaires et d’officiers. A l’autre extrémité de la digue, c’est l’hôpital Océan que le drapeau de la Croix-Rouge n’épargnera pas des obus allemands. La plage et les dunes servirent de zones d’entrainement pour les régiments au repos.

Dès son installation à La Panne, la reine Elisabeth s’est consacrée entièrement aux oeuvres de secours aux réfugiés. au sauvetage des enfants des zones pouvant être bombardées et aux ambulances et hôpitaux de ses soldats.

Sur son intervention, M. de Broqueville écrivit, de Saint-Pierrebrouck,  au général  Andringa, gouverneur militaire de Flandre Occidentale, pour lui signaler qu’un trop grand nombre de familles continuait à séjourner avec des enfants dans les zones de l’avant et presque jusqu’aux lignes de l’Yser. Un recensement rapide montre que dans la région de Woesten, 410 enfants dont 234 de moins de 7 ans vivaient dans des zones de combats. Les parents avaient le choix, soit de laisser partir leurs enfants vers des centres d’accueil, soit de quitter leur maison et aller dans des camps de réfugiés en France.

Broqueville, Millerand (ministre des Affaires étrangères) et Joffre - La Panne 1916. (Photo prise par la Reine Elisabeth)

Broqueville, Millerand (ministre des Affaires étrangères) et Joffre – La Panne 1916. (Photo prise par la Reine Elisabeth)

De nombreux chefs d’Etats vinrent à La Panne pour saluer celui qui resta jusqu’au bout près de ses soldats. Certains conseils des ministres se déroulaient dans la villa de l’Etat-major.

Le Roi remit de nombreuses médailles aux combattants blessés qui s’étaient distingués durant les batailles.

Le Roi, remettant la Croix de Guerre à un artilleur de Saint-Ghislain, lui dit : «Il me semble vous avoir déjà vu !» Le Roi eut un regard amusé lorsque le soldat lui répondit dans son patois : «Vous m’verrez co !». C’était sa façon d’affirmer son engagement.

Le général Joffre vint plusieurs fois à La Panne pour essayer de convaincre le Roi de se démettre de sa fonction de commandant en chef de l’armée belge au profit du général belge Wielemans, chef d’Etat-major. Joffre espère par là contrôler l’armée belge en vue de réaliser ses attaques sanglantes qu’il affectionnait.

Le Roi refusa toujours en vue de préserver la vie de ses soldats et la neutralité de la Belgique. Son argument était que la neutralité de la Belgique avait été violée par l’un de ses garants, dès lors que l’Allemagne avait décidé de traverser la Belgique pour attaquer la France. La guerre en cours n’était donc pas une guerre contre la Belgique.

En gardant la tête du commandement de l’armée, le Roi montrait son indépendance par rapport aux alliés.

La question du commandement de l’armée fut à de nombreuses reprises, une pierre d’achoppement entre Broqueville et le Roi.

Géry de Broqueville