Voici le deuxième texte recopié qui est cette fois-ci signé par le baron Henri Cochin (1) que nous avons un peu découvert dans l’article écrit par Firmin Vanden Bosch. Nous donnons ici un extrait d’un texte de 49 pages écrits par le M. Cochin à propos de la transformation de son domaine et du village de Saint-Pierrebroeck sous le nom de « Camp de Zenneghem ». Cette fois, je ne prends que les extraits qui concerne Charles de Broqueville. Le texte en pdf ci-dessous donne une très bonne explication du camp de Zenneghem
Le vieux petit château du Weez (2) où je me trouvais au début de la guerre sur les bords de l’Aa, dans la commune de Saint-Pierrebroech, n’est pas inconnu des historiens du pays. On connaît les vieux seigneurs de la maison de Guines qui y ont vécu longtemps, et après eux les Arnaud-Jeanti, grands bâtisseur de ports, d’écluses, de remparts, dans la région maritime, pour les rois de France. Dans ce petit coin reculé, on a passé les débuts de la guerre dans l’angoisse et l’incertitude n’en connaissant que les bruits lointains, entrecoupés de longs silence, que les passages de réfugiés, les cantonnements de troupes. Nul n’oubliera ces jours, heureusement sans pareil, où isolés du monde, sans lettres, sans journaux, nous entendions jour et nuit de quart d’heure en quart d’heure, passer les trains qui portaient nos soldats sur l’Yser. la rivière était coupée de batardeaux ; les eaux du pays tenues prêtes pour l’inondation générale. Ensuite ce fut le tumulte des canonnades.
Le Weez n’a eu d’histoire propre qu’en 1915 au mois d’avril, quand il devint la demeure du Comte de Broqueville. Le vaillant ministre de la guerre de Belgique, Président du Conseil des ministres, devait quitter Dunkerque, par ordre de son Roi, le bombardement y rendant impossible la vie pour les services du ministère. Le ministre s’établit au Weez tandis que ses bureaux se casaient comme ils pouvaient dans le bâtiment tout neuf du bureau de poste à Saint-Pierrebroeck ; on y avait ajouté des baraquements).
Ce fut le plus beau moment de l’histoire u petit château. Il vit défiler jour par jour toutes les célébrités de la Belgique et des pays alliés, homme politique, diplomate, princes, hommes de guerre. Moi et les miens, nous nous glissions discrètement par la porte de derrière pour gagner le coin de maison qui nous était laissé ; et nous voyions à tous moments déboucher de grandes autos poudreux et descendre toutes sortes de personnages pour entrer chez le Président belge : tout ce qui se traitait parmi les alliés avait là naturellement sa correspondance. En particulier le corps diplomatique resté à Bruxelles ne manquait pas, dans es allées et venues entre la Belgique et son pays d’origine, d’aller prendre langue au Weez.
C’est ainsi que j’ai vu maintes fois au Weez ce fin et profond diplomate, l’ambassadeur du roi d’Espagne, le Marquis de Villalobar. Un jour que je n’oublierai pas, j’ai vu sur le pont, devant la maison, la svelte silhouette du prince Sixte de Bourbon. Ce sont de vivants souvenirs. Je garde et j’ai fait mettre dans un petit cadre une mauvaise photographie parue dans un journal illustré, où je me reconnais moi-même sur le pont de bois avec mon hôte illustre, et son petit chien Chiffon. Cela me rappelle des jours dont la mémoire n’est pas mauvaise. Broqueville était bon à voir ; vaincu, chassé de son pays, il gardait et il inspirait une confiance sereine. Je lui reste reconnaissant de bine des choses, d’une entre toutes : le 23 juillet 1916, il m’a procuré la joie d’aller à La Panne avec un de ses officiers, pour y saluer, superbe de calme, l’admirable roi Albert.
Ainsi j’ai vécu, intrus dans ma propre maison et m’y dissimulant. Je crois d’ailleurs que je ne gênais guère mon hôte, et je me serais bien accommodé pour mon compte de lui céder plus longtemps mon toit. Mais les destinées de la guerre allaient en décider autrement.
Un certains jour, au début 1916, alors que le ministre belge allait commencer sa seconde année de séjour, en me promenant au bord de la rivière Aa, j’aperçus des soldats de l’armée britannique qui plantaient des piquets, mesuraient des distances et prenaient des niveaux. Je leur posai quelques questions sans grand succès. J’en su assez pourtant, en comparant leurs dires avec divers bruits qui couraient, pour soupçonner que le commandement britannique avait des visées sur notre coin de pays.
J’en dis un mot à M. de Broqueville qui ne voulut pas le croire, songeant que l’état-major anglais, s’il avait eu quelque projet, n’eut pas manqué de l’avertir. Mais on ne l’avisa de rien ; un eu plus tard, on vit arriver de Calais, de beaux bateau organisés à merveille pour les travaux aquatiques. (…) Le ministère belge avait en vain réclamé. Il était trop tard. Une mission fort courtoise fut envoyée de Boulogne. Elle avait à sa tête un des plus beaux, des plus grands officiers généraux britanniques que j’ai rencontrés, le général Maxwell. Avec une grave courtoisie, il fit tout le possible pour atténuer l’ennui imposé au chef d’une armée alliée, proposa quelques petites modifications qui ne pouvaient rien changer à la situation. M. de Broqueville dut en prendre son parti. Vers l’automne, il alla s’installer au château de Steenbourg (4), près de Bergues tandis que ses bureaux étaient organisés à Socx. (5)
Baron Henri Cochin
(1) Ce texte complet se trouve sur le site Internet de la bibliothèque National de France – Gallica. Nous ne fournissons que la première partie de son texte en pdf en cliquant sur la référence : cochin. (2) Le château du Weez est à l’état de ruine actuellement sous forme de tas de pierre. Le château étaient entouré de douves. un pont de bois était situé à l’avant du château tandis qu’un pont de fer était situé l’arrière et donnait sur la cour d’une ferme et sur la gauche la chapelle. Ces derniers bâtiments sont toujours debout. (3) Assis de gauche à droite le commandant Chabau et le major de Winter. Debout : Le comte Louis de Lichtervelde et le général d’Orjo de Marchovelette. (4) Contrairement au château du Weez, le château de Steenebourg est toujours debout quoiqu’il attend une sérieuse rénovation. C’est en juin 1917 que la famille Broqueville a été réunie à nouveau. Le service photographique de l’armée a fait une série de photos officielles célébrant ce moment. La Reine Elisabeth est venue au château de Steenbourg probablement au début de l’année 1917. (5) Après la guerre, Charles de Broqueville s’est inscrit sur la liste de souscription pour élever un monument aux morts de Saint-Pierrebroeck. Le général Lawrence qui commandait le camp de Zenneghem a lui aussi versé un don. Ce dernier avait eu d’excellente relation avec toute la population vivant dans ce camp qui couvrait un territoire de près de 40 km2.