C’est avec un peu d’appréhension que je me suis attaqué à des registres de notaires datant de la seconde moitié du XVIe siècle. L’écriture des notaires dans ces époques déjà lointaines ressemblerait à celle des médecins d’aujourd’hui, juste assez illisible. Un ami paléographe m’expliquait que c’était une question d’habitude que de lire ce genre de texte et que l’on finit par reconnaître la manière d’écrire chaque lettre. Certes, mais sur chaque document, l’évolution de l’encre sur le papier est parfois bien différente d’un texte à l’autre et selon la plume, le texte peut être plus ou moins visible, à une lettre près, lisible !
Ainsi j’ai découvert le testament de François Saluste daté du 29 décembre 1564 (1), chez le notaire Sabathier. (2) En effet, il n’est pas évident à lire d’autant que l’orthographe des noms est bien approximatif. Si l’on voit clairement Saluste, il n’était pas évident de découvrir le nom de son épouse qui ressemblait vaguement à Broqueville mais sans le « q », ce qui est probablement la traduction maladroite du nom latin Brocavilla. Et en même temps, Jean Morisse dans son livre sur l’histoire de Monfort (3) écrit à un moment que la famille Broqueville était en réalité une famille s’appelant Brocouille. En 1995, lors de la réédition de ce livre, la famille Broqueville a demandé la suppression de ce nom qui pourrait donner à croire que ma famille remonte à une origine honteuse. Il semblerait qu’effectivement au XVIe siècle, la famille Broqueville s’appelait plutôt Brocavilla ou peut-être Brocaville bien que de temps en temps on voit déjà apparaître le patronyme Broqueville. C’est à la fin du XVIe siècle que le patronyme « Broqueville » est définitivement accepté. Mais ayant rejeté d’un revers de la main ce nom « Brocouille » qui selon l’acte analysé ici, pourrait s’apparenter aussi à « Broqueville » alors que le notaire passe de « Bro » à « ville » par un trait entre les deux ! (voir photo ci-dessus). Il est évident que si un notaire n’a pas écrit mon patronyme comme celui arrêté à la fin du XVIe siècle, il est probable que certains textes soient repris sous un autre nom.
François Saluste, après les formules d’usage, demande a être enterré dans la sépulture de son père feu Guillaume qui sera rejoint par Guillemine Monge sa mère encore en vie. Ce caveau se trouve dans le temple de Monfort. Un érudit a fait ce commentaire dans la marge de la deuxième page : « tous les habitants de Monfort étaient protestants en 1564« . Je me permet d’en douter !
Le testateur François Saluste stipule que Bertrande Broqueville est son épouse et qu’elle est la fille de feu Sanson Broqueville. Ce dernier a d’ailleurs donné la moitié de son héritage à François Saluste comme je l’ai déjà écrit dans ce blog et la seconde moitié à Bertrande. Cette affirmation est donc bien confirmée dans le testament de François Saluste. Ce dernier laisse la jouissance de l’entièreté des biens donnés par Sanson à sa femme Bertrande mais en stipulant que les biens devront revenir à leurs fils Guillaume. Le testament décrit aussi quelques autres biens légués par Sanson qui sont aussi dévolus à Bertrande et qui devront être transmis à Marianne. Il est clair que Bertrande en aura besoin puisqu’elle va quand même passer la cap du début du XVIIe siècle et que son mari mourra vers 1588.
François Saluste cite un de ses fils cadets qu’il a eu de Bertrande qui est Marianne et qui est encore en vie en 1564 alors que les biographies donnent 1567 comme année de naissance et de mort. En ce qui concerne sa naissance, il y a aussi un doute puisqu’il serait né lorsque sa mère avait environ 62 ans ! Le testateur nomme aussi Domengue comme sa fille aînée qu’il a marié à Guillaume Delafitan, marchand de la ville de Mauvezin. François lègue à ses deux filles, Marie (4) et Isabelle (5), non mariées à cette date la même somme qui sera donnée par Guillaume, lorsqu’elles se marieront. En outre, il lègue aussi des terres à Alexandre Saluste, un autre fils, une bonne part de ses terres. On sait que la famille Saluste à cette époque est très bien possessionnée en terre tant à Monfort que dans les juridictions voisines dont Bajonnette.
Lorsqu’il parle de Guillaume, il dit qu’il est conseiller du roy et avocat au parlement de Toulouse. (6) Ce dernier reçoit tout ce que Marianne et Alexandre n’ont pas reçu. N’oublions pas que le testament fait 20 pages ce qui est énorme pour l’époque.
Dans l’avant dernière page, une phrase difficile à lire mentionne un jean Broqueville : « item confondant ledit testateur a Alexandre et Marianne et Isabel et Marie Saluste ses fils et filles ?? ?? ?? ?? par quoi il a promis de tenir et ?? de leurs et ?? savoir dudit sieur maître Pierre Saluste (7) et aussi de ladite de Broqueville ?? de Jean de Broqueville (8) ?? ?? » Pierre Saluste est le frère de François. Il serait alors normal que Jean Broqueville soit le frère de Bertrande puisque les deux hommes sont placés l’un à la suite de l’autre, bien que le texte ne dit rien du degré de parenté des deux personnages. Le pire est que cette partie me semble complètement illisible. Est-ce parce que j’arrive à la 19e page et que mes yeux se fatiguent ? J’ose espérer que non !
Toujours est-il que François Saluste signe dignement en fin de testament, comme du reste Antoine et Étienne Faget, les deux témoins.
Je laisse donc le testament telle quelle en pdf au point 2 des notes, si jamais un érudit se donne l’envie de m’aider surtout sur la compréhention de la 19 voire de la 20e page pour que je comprenne ce que vient faire ce jean Broqueville. Si c’est le frère, alors c’est celui qui est marié à Santina Marcassus dont nous avons son testament et que nous ouvrirons bientôt, appel qui avait déjà été lancé ici..
Géry de Broqueville
(1) Beaucoup de biographies donne comme date de son testament le 10 septembre 1566 chez le notaire Sabathier, comme date pour son testament. Il en va de même pour Louis de Broqueville, le dernier membre de la branche belge qui, en cherchant l’acte de mariage de Bertrande Broqueville, est tombé sur le testament de François daté de 1566. Le texte que j’ai sous les yeux date est bien de 1564 sans aucun doute. (2)Notaire Sabathier coté E1450 aux AD32 (21511-21531)
(3) Jean Morisse, Histoire de Monfort en Fezensaguet, bastide d’Armagnac, Auch, 1963. Réédité en 1995.
(4) Marie (vers 1556-après 1592) se mariera en 1581 avec Géraud de Gimat (v. 1551- av. 1634), co-seigneur de Serrempuy.(5) Isabel ou Isabeau (ap. 1560- av.1587) ne ‘est probablement pas mariée.(6) Dans les biographie écrite sur Guillaume, le poète, on dit souvent que son père était conseiller du roy. Or dans son testament il est dit qu’il est intendant du roy pour le diocèse de Lombez, ce qui n’est quand même pas la même chose.(7) Pierre Saluste (+ ap. 1605), conseiller au parlement de Toulouse, seigneur de Combirac, est le fils de Guillaume et de Guillemine Monge. Il s’est marié avec Anne Delpech dont il a eu un fils Marianne et une fille, Claire.