Vers le 15 août 1914, le service de santé de l’armée belge disposait de 50.000 lits dans ses ambulances. 520 médecins avaient été mobilisés en même temps qu’une centaine de pharmaciens et 3000 infirmiers ou brancardiers. Cette organisation, croyait-on, allait pouvoir subvenir aux besoins. L’invasion brutale bouleversa toutes les dispositions prises. Après la retraite d’Anvers et à la veille de l’évacuation d’Ostende, seize hôpitaux militaires avec plusieurs centaines de médecins, les deux tiers des approvisionnements médicaux du service de santé et deux trains sanitaires avaient disparu ou étaient tombés aux mains de l’ennemi.

Ostende et ses vastes hôtels furent utilisés comme hôpitaux qui accueillirent 13.000 blessés. Mais il fallut évacuer très vite ce lieu comme on l’a déjà vu. En apprenant dans les journées du 12 et du 13 octobre que la ville allait être abandonnée, un vent de panique souffla dans les ambulances. Et l’on vit des blessés dont les bandages n’étaient pas terminés prendre les trains d’assaut. Ces trains conduisirent ainsi près de 8.500 blessés jusqu’à Calais. Certains prirent des véhicules, d’autres passèrent la frontière à pied. Les blessés intransportables furent laissés à Ostende. Depuis le matin, le gouverneur militaire de Calais s’attendait à recevoir l’hospitalisation de 4000 blessés pouvant arriver le jour même. L’hôpital Richelieu ne disposant que de cent lits de libres, les autorités désignent les hangars du quai de la Loire. Ces derniers encombrés de marchandises sont inutilisables. Dans les écoles, l’on déménage en hâte les bancs et les tables, l’on étend de la paille sur le plancher tandis que les blessés attendaient la fin de ces malheureux préparatifs.

Les trains ne cessaient d’arriver en gare de Calais. Dans le hall des machines mille blessés étaient étendus par terre ou sur des civières. Le baron d’Huart, sergent, engagé volontaire, beau-frère du ministre de la Guerre, prend la direction de cette ambulance extraordinaire improvisée où l’eau chaude est donnée par une locomotive sous pression à coté de wagons aménagés en salles de bains. Dans les bassins, quatre transporteurs sont transformés en hôpital avec 1.200 places. Les 5 derniers wagons de médicaments qu’avaient encore l’armée belge furent utilisés. Heureusement, les Anglais en adressèrent plus de 200 Kg au maire de Calais. La journée du 26 octobre fut l’une des plus critiques. On annonçait l’arrivée de trois trains avec 1000 blessés. Le capitaine Brassines neveu d’un ancien ministre de la Guerre muni des pleins pouvoirs donna 10 minutes aux élèves et aux professeurs pour vider les lieux. Pendant la bataille de l’Yser, Calais est un immense hôpital. L’intendance militaire française fait envoyer 3.600 lits complets supplémentaires .

Le 23 octobre, la malle Marie-Henriette, avec 600 blessés quitte Calais pour Cherbourg, mais fait naufrage. Les trois médecins belges à bord (les docteurs van Campenhout, Lenaers et Boiremans) assurent l’évacuation des blessés et ne quittent le navire qu’après avoir sauvé les pansements.

Le 24 octobre, le médecin général Roland prend la direction du service de santé belge de Calais. Il s’efforce de rassembler ses médecins et infirmiers. Un grand nombre de femmes d’officier et de soldat répondent à l’appel du général Clooten et s’engagent comme infirmières, cuisinières, buandières, etc. Deux services de buanderie occupent 200 personnes pour le nettoyage et la réparation des linges pour les hôpitaux.

Un hôpital anglo-belge avec les installations les plus modernes de chiurgie, de mécanothérapie et de radiologie est créé à Rouen sous la supervision de Miss Clarck et de Miss Dorner-Maunder et installé dans l’école professionnelle, rue Saint-Lo, sous le nom « d’hôpital anglo-belge Albert Ier « 

Finalement tous ces services seront réunis en un seul grand hopital à Bon-Secours, dans la banlieue de Rouen. La reine Elisabeth le visitera longuement en mai 1918. Les hôpitaux militaires français de la région de Rennes sont réservés à l’armée belge et peuvent recevoir 5 à 6000 blessés. 500 infirmiers ayant suivi des cours au camp d’instruction d’Auvours y sont envoyés. Les malades et les blessés arrivent directement du front ou de Calais par trains sanitaires. Des hôpitaux, des ambulances, des centres de convalescence s’organisent à Château-Giron, à Caen, Port-Bail, au Mans, à Dinard, Saint-Jacut-la-Mer, Yport, Pourville, Asnelles-sur-Mer, Honfleur, etc. La ville de Paris a mis à la disposition du gouvernement belge l’hôpital Villemin et ses annexes. Enfin sur l’initiative de la comtesse de Béarn, un hôpital de 400 lits est réservé à l’Hôtel-Dieu pour les blessés belges. A Courbevoie, « l’Union belge » reçoit les convalescents en provenance des hôpitaux de Paris. Le centre particulièrement important de Saint-Pair, près de Granville, comptera jusqu’à 5000 entrées. D’autres formations belges existent dans le centre de la France comme à l’abbaye bénédictine de Ligugé (Vienne) et celle de Fontgombault. Le Havre possède son hôpital militaire installé dans une magnifique école. A Cannes, la duchesse de Vendôme a ouvert des ambulances dans sa splendide propriété de la villa Saint-Jean. A Calais, l’armée belge construit un vaste hôpital à la porte de Gravelines pour y rassembler en trente-cinq baraquements les milliers de blessés jusqu’alors dispersés dans trop de formations improvisées. Le duc et la duchesse de Vendôme se consacrèrent aux hôpitaux de Calais et notamment l’hôpital-ambulance « Elisabeth » que la reine visita à différentes reprises.

D’autres hôpitaux secondaires sont ouverts à Bourbourg, Petit-fort-Philippe, Guemps, Neuville-sur-Montreuil, Recque-sur-Course, Valloire. Un institut militaire à Port Villiez disposait de nombreux ateliers où l’on enseignait les métiers les plus divers pour la rééducation des invalides. Les trains ambulances belges évacuèrent vers l’arrière 120.000 blessés du 1er novembre 1914 au 1er mars 1916. Au cours de la même période, des navires hôpitaux embarquèrent 21.000 blessés pour l’Angleterre, la Normandie ou la Bretagne.

En Flandre fonctionnaient quatre hôpitaux chirurgicaux. La Croix-Rouge de Belgique répondant à l’appel de la reine, installait en novembre 1914 un hôpital (L’Océan) à La Panne et en confiait la direction au docteur Depage. Les baraquements que l’on construisit successivement permirent d’abriter un millier de blessés. À proximité, l’hôpital dit « Cabour » (autre photo) ) renfermait 16 baraquements de trente lits chacun pour les gazés et les fiévreux (visite du prince Léopold à Cabour). Trois autres sont à Hoogstade, Vinckem et Beveren. Ils peuvent accueillir 3000 blessés. Sur l’initiative de la reine, on organisait encore à La Panne et à Elsendamme des services de buanderie et de bains chauds pour la troupe.

En 1917 le personnel ouvrier comptait 1500 personnes dont 900 femmes. Annuellement les buanderies nettoyèrent 14 millions de pièces de linge dont de diligentes ravaudeuses bouchèrent les trous notamment pour deux millions de chaussettes. L’armée belge, après sa réorganisation possédait 17 trains sanitaires et des réserves de pharmacie pour 6 mois.

Géry de Broqueville