Le 27 juillet, Charles de Broqueville prépare deux notes brèves (1) pour son cabinet militaire. Le ministère de la guerre venait de mettre en mouvement les multiples rouages de la mobilisation générale. A ce moment-là, certains députés étaient persuadé que la neutralité serait préservée comme en 1870 et devisait dans le Parc royal : « C’est encore ce vieux renard de Broqueville qui veut nous impressionner pour nous faire accepter ses lois militaires ». Certains catholiques n’étaient-il pas partisan de tirer quelques coups de canon sur la Meuse et se retirer en la place d’Anvers, en cas de guerre ? L’ensemble des institutions nationales, provinciales et communales étaient prévenues par voie de circulaires, d’affiches de proclamations, d’avis aux habitants, en prévision de la mobilisation générale.
Le 29 juillet, l’Autriche bombarde Belgrade. L’Europe vient de prendre feu. Le 31 juillet, Charles de Broqueville convoque les représentants de tous les grands journaux pour s’assurer de leurs concours. L’entrevue a lieu au ministère de la Guerre, situé à l’angle de la rue de la Loi et de l’avenue des Arts où les états-majors travaillaient nuit et jour à la préparation de la mobilisation. Les journalistes trouvèrent le premier ministre conscient de sa lourde responsabilité de la charge qu’il assumait devant son pays et devant l’Histoire.
Il annonce alors que la mobilisation est imminente et officielle. Il demande aux journalistes présents « d’éviter soigneusement ce qui pourrait nuire à la Belgique. les questions de partis doivent s’effacer en ce moment. » L’étoile Belge, en publiant le compte-rendu de l’entretien faisait en même temps le compte-rendu d’un incident : « …l’un des fils de M. de Broqueville et un de ses neveux, tous deux déjà revêtu de l’uniforme du Ier régiment de guides, entrèrent brusquement dans le bureau ministériel. A leur vue le premier ministre ne put cacher une vive émotion. les deux jeunes gens venaient faire leurs adieux non au ministre mais au chef de famille. Le père prit son fils dans ces bras, l’étreignit longuement, l’embrassa longuement avec effusion et lui dit : « j’ai confiance en toi, je sais que tu sauras faire tout ton devoir, et il répéta, plusieurs fois : » tout ton devoir, tout ton devoir » , puis il embrassa également son neveu, le comte de Briey. Les deux cavaliers rectifièrent ensuite la position, s’inclinèrent devant le ministre, saluèrent les journalistes et se retirèrent… » La scène ne dura que quelques instants. Un peu pâle, le ministre s’en excusa et, d’une voix qui se raffermit rapidement ajouta : « reprenons notre conversation ».
Le journal « Le Peuple » publiait : « Bruxelles, 31 juillet : Nous sortons du cabinet de M. de Broqueville, Président du conseil des ministres et ministre de la Guerre. Il a voulu communiquer en personne à la presse la grosse nouvelle de la mobilisation de notre armée sur pied de guerre. Pour dimanche soir, il est probable que 200.000 hommes auront rejoint leurs positions. Cette mesure est une mesure de prudence : à l’heure où nous écrivons rien de tout à fait décisif n’a encore été fait par les grandes puissances. Tout espoir de paix n’est pas encore perdu. »
Sans doute, mais Bruxelles ne savait pas que le ministre d’Allemagne possédait dans sa poche un pli soigneusement fermé et qui portait le numéro 87. Or, le pli 87 renfermait l’ultimatum à la Belgique d’avoir à livrer son territoire à l’armée allemande.
A la fin de la journée, le roi préside le conseil des ministres au Palais royal. il dure deux heures. Immédiatement après, le ministre de Broqueville signait l’ordre de mobilisation générale pour le 1er août, c’est à dire le lendemain. A Bruxelles, moins d’une heure après, les services de l’hôtel de ville faisaient alerter les mobilisables dans tous les quartiers par les agents qui se tenaient consignés dans les commissariats. L’avis fut instantanément transmis à toutes les autorités du pays. A Anvers le tocsin sonna à 10h du soir pour annoncer la mobilisation tandis que dans presque toutes les communes les cloches des beffrois et églises furent mises en branle. Bientôt, sur les murs de Bruxelles l’on vit apposer les affiches invitant les hommes mobilisés à rejoindre leur poste dans les 12 heures.
La volonté de neutralité est si grande que les troupes sont disposées de façon suivante alors que l’ennemi potentiel viendrait visiblement de l’Est : la 1ère division à Gand pour la garde de la côte contre un débarquement anglais, la 3e à Liège, face à l’Allemagne, les 4e et 5e à Namur et Mons surveillant la frontière française, les 2e et 5e sont rassemblées en réserve à Anvers et à Bruxelles.
Le 29 juillet s’achevait au Cirque royal de Bruxelles, un grand congrès socialiste international. Hui mille partisans fiévreux s’entassaient dans la vaste enceinte pour y entendre les appels pacifistes les plus émouvants mais aussi les plus dangereux. Emile Vandervelde les présidait. Il apparut que la sincérité de ses convictions subissait de rudes assauts. Il fit preuve d’une parfaite lucidité mais aussi d’une grande prudence. Le député allemand Haase déclara que les socialistes allemands étaient une garantie pour la paix. Pour la dernière fois, le grand tribun et orateur, socialiste français, Jaurès s’exprima sur les horreurs des conflits menaçants et s’enflamma lorsqu’il revendiqua la paix au nom du gouvernement français.
Dans une fièvre sans précédent, les ménagères commencèrent à dévaliser les magasins au point où certains d’entre-eux durent fermer boutique en un jour faute d’être approvisionnés à temps. A 6 heures du matin, le 30 juillet, une foule impressionnante assiégea les banques et les caisses d’épargne. En une journée la Banque Nationale dut rembourser la somme considérable de 10 millions de francs contre des pièces d’or. Et certains feront la file des heures durant, logeant la nuit sur les trottoirs devant les banques dans l’espoir d’être les premiers à échanger leurs billets.
Le théâtre se trouve dans la ville. Tout est prétexte à réunion politique en commentant les rumeurs les plus folles les uns dans les cafés devant des demis blonde ou brune, les autres devant les affiches du bourgmestre Adolphe Max.
L’Ecole militaire a été dissoute et les élèves versés dans les régiments avec des grades divers. Au parc du Cinquantenaire l’on rassemble les autos réquisitionnées par centaines. La plaine d’Etterbeek située dans la banlieue de Bruxelles n’est plus qu’un vaste parc d’artillerie où s’alignent dans un ordre parfait les canons, caissons, fourgons ; des sentinelles placées partout, en interdisent l’accès. La réquisition des chevaux se poursuit sans arrêt. Chaque cheval « pris bon » est immédiatement numéroté à coup de pinceau sur la croupe ou sur l’encolure. Déjà, la chaussée de Wavre, les soldats logent chez l’habitant.
Les journaux publient des éditions spéciales où s’accumulent les nouvelles les plus contradictoires, mettant les nerfs des habitants à rude épreuve. Les mariages ne purent avoir lieu. Par ordre de l’autorité militaire l’on refusa de célébrer ceux des mobilisables. Dans les rues, les autos remplies d’officiers commencent à apparaître portant sur la carrosserie les lettres fatidiques « S.M. (Service militaire) ; elles filent rapides de tous les cotés. par contre les tramways sont désorganisés par le départ « des hommes ». Ceux qui circulent sont pris d’assaut par les civils mais aussi par les mobilisés. En cette première journée de mobilisation, les soldats fourmillent à travers les rues. « Il en sort de partout » dira un habitant. Les voies ferrées et leurs ouvrages d’art sont gardés militairement par crainte d’attentats.
Dans les gares, désormais sous les ordres d’officiers, chaque train qui arrivent déversent sont flot de mobilisables. D’autres trains bondés de soldats rejoignent Gand, Anvers ou Malines et l’on voit se côtoyer, chasseurs, guides, artilleurs, etc. Toute une foule bigarrée d’uniformes inonde la gare qui est devenue trop petite .
A cinq heures du soir, les premiers régiments de guide ou de grenadier quittent leurs casernes en tenue de campagne pour rejoindre leurs positions. Les bruxellois commencent alors à s’en prendre aux commerces tenus par des Allemands, ceux-là même qui ont osé troubler leur tranquillité. Rue Neuve, un magasin tenu par un Allemand est mis au pillage comme certains autres aussi. Les magasins « ennemis » restant intacts sont protégés par la police et l’on verra très rapidement des drapeaux belges ou français flotter aux fenêtres probablement pour répondre à l’adage : « le pavillon couvre la marchandise ».
A Anvers, l’agitation fut également considérable. Les navires anglais quittaient le port, tandis que les allemands n’osaient plus sortir de peur d’être capturés par les flottes de guerre. Dans les autres villes la tension se faisait aussi sentir même si certaines villes plus touristiques feignaient de lancer leur saison d’été comme si de rien n’était. Ainsi à Spa, l’on continuait à programmer les fêtes du mois d’août.
Le 1er août, le roi Albert fait un dernier appel (pdf) vibrant à l’empereur Guillaume de Prusse sans passer par la voie diplomatique, en allemand et en invoquant les liens de familles et d’amitié, il lui demande de lui renouveler l’assurance qu’en cas de guerre, il respecterait la neutralité de la Belgique. Bien que la Belgique venait de recevoir l’ultimatum allemand depuis 24 heures, l’empereur adressait le 3 août à 8h20 du soir une lettre (pdf) qui dit en substance : La Belgique tenait encore entre ses mains la possibilité de rester « camarade » avec l’Allemagne, c’est-à-dire en se soumettant à ses ordres. La suprème tentative du roi pour protéger son peuple avait échoué.
Le roi envoya à Guillaume II un bref message de protestation (pdf), écrite, cette fois-ci, en français. Il lui donnait une sévère leçon de probité et d’honneur politique. Le roi déclarait « qu’il n’aurait jamais supposé que l’Allemagne lui donnerait un jour à choisir entre la guerre ou la perte de l’honneur ».
Le dimanche 2 août, le journal « Le soir » publie un interview du ministre d’Allemagne, monsieur von Below-Saleske. Ce dernier déclarait : « L’idée a toujours prévalu chez nous que la neutralité de la Belgique ne serait pas violée, les troupes ne traverserons pas le territoire belge. Des événements graves vont se dérouler. Peut-être, verrez-vous brûler le toit de votre voisin mais l’incendie épargnera votre demeure ». Ce matin-là, le XXe siècle annonçait la déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie et annonça l’information que le Luxembourg avait été attaqué par les Allemands. L’attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne exigea une édition spéciale en droit de réponse signalant que l’Allemagne n’avait pas déclaré la guerre à la Russie. Mais l’attaché militaire a simplement signalé que l’Allemagne a du prendre certaines mesures de précaution mais qu’il ne fallait pas en préjugé pour la Belgique. Or n’oublions pas que M. von Below-Saleske a dans sa poche le pli n°87 ! Ayant donné des nouvelles rassurantes à la presse belge, la population a senti un vent d’optimisme soufflé dans toute la capitale.
A midi, M. von Below-Saleske quitta la rue Belliard pour rendre visite au directeur du Ministère des affaires étrangères, monsieur de Gaiffier d’Hestroy pour lui demander amicalement de faciliter le départ pour l’Allemagne des réservistes allemands. M. de Gaiffier d’Hestroy accepta mais en signalant qu’elle ferait de même pour les réservistes français. Presqu’au même moment, le général Mascart, commandant militaire d’Arlon, téléphone au ministère de la guerre pour signaler la capture d’un espion allemand en civil. Après avoir consulté son collègue M. Julien Davignon, Charles de Broqueville, pour éviter tout incident, donna l’ordre de le faire reconduire « immédiatement » à la frontière « avec beaucoup d’égard », ajouta-t-il.
A 15h, M. Julien Davignon prenait connaissance d’une nouvelle grave : toutes les trois minutes un train militaire partait de Cologne pour arriver à Aix-la-Chapelle, c’est-à-dire en direction de la Belgique. L’on conduisit le vice-consul de Belgique à Cologne au grand état-major. Elle ne laissait plus aucun doute sur le sort réservé à la Belgique.
Au ministère des Affaires étrangères, M. Davignon attendait la réponse de von Below-Saleske sur les garanties qu’il pouvait apporté à la neutralité de la Belgique. Un peu avant 19h, ce dernier demanda une audience immédiate. Il venait de recevoir le télégramme en provenance de Berlin lui prescrivant qu’il pouvait donner le pli n°87, renfermant l’ultimatum. En entrant dans le bureau du ministre des Affaires étrangères, il était d’une pâleur affreuse et remis le document à M. Davignon. Comme ce dernier ne connaissait pas l’Allemand, il demanda à von Below-Saleske de traduire. Celui-ci le fit fort courtoisement. (le français était la langue diplomatique. Comme le texte était écrit en allemand, il s’agissait d’un ordre.)
Le ministre se borna à déclarer qu’il examinerait la demande avec le roi et les autres ministres et ajouta : « La Belgique pouvait s’attendre à tout, sauf à ce que l’Allemagne, qui se disait son amie, voulût lui imposer le déshonneur. » Von Below-Saleske signala que la Belgique avait 12 heures pour répondre à la sommation. M. Davignon inscrivit l’heure fatidique : 7 heures du soir. M. von Below a peine sorti que le ministre était entouré de son chef de cabinet, le comte Leo d’Ursel, le baron van der Elst, secrétaire général du ministère et MM. Gaiffier d’Hestroy et de de Bassompierre. La traduction du document commença mais Davignon prévint tout de suite Charles de Broqueville qui ne tarda pas à arriver. Dans ses souvenirs, Albert de Bassompierre écrivait une page poignante (pdf)]. L’ultimatum, on le sait, demandait que la Belgique laissait le libre passage aux troupes allemandes. Si la Belgique venait à s’y opposer, l’Allemagne considérerait la Belgique comme ennemie. Pour convaincre la Belgique, l’Allemagne était même prête à faire des concessions territoriales au dépens de la France. Cette proposition a été supprimée par Berlin, le 2 août, la trouvant trop cynique. Après la lecture de l’ultimatum, M. de Broqueville déclara, maître de lui : « La mobilisation s’accomplit dans des conditions merveilleuses. Commencée hier matin, elle est presque achevée. Demain soir l’armée sera en état de marcher… ». Charles de Broqueville arrêta brusquement la conversation, tira sa montre. Il est 20h10, dit-il, il n’y a pas un instant à perdre. Il faut prévenir immédiatement le roi. Je vais prendre ses instructions, lui demander l’autorisation de convoquer les membres des ministères pour 21h et les ministres d’Etat pour 22h ; que l’on prenne des dispositions en conséquence.
Le premier ministre partit aussitôt pour le Palais où il est reçu immédiatement par le roi. M. de Broqueville apportait avec lui l’original et la traduction. Que se dirent le roi et le premier ministre au cours de ce tête à tête où se jouaient l’honneur d’un peuple et d’une dynastie ? M. de Broqueville s’est toujours tu, et chaque fois qu’on y a fait allusion l’on a pu voir quelle émotion ce souvenir éveillait en lui. Ce que l’on peut imaginer, ce fut la douleur d’un roi à la minute même où le souverain devait mettre l’honneur de son pays avant toute chose, avant ses affections et ses sentiments les plus intimes. N’avait-il pas épousé une duchesse de Bavière et son grand-père n’était-il pas un Saxe-Cobourg-Gotha ? La lourde charge du devoir royal le reprit corps et âme. Albert Ier examina les propositions présentées par son premier ministre, et celui-ci quitta le Palais, fortement ému.
A partir de 21h, les ministres en charge arrivèrent au Palais. Il y eu deux conseils. Le premier commença vers 21h30. Un second conseil eut lieu ensuite avec les ministres d’Etat que l’on a réussi à prévenir. Les quatre généraux, de Sellier, de Ryckel, Jungbluth, chef de la Maison militaire du roi et Hannoteau, aide de camp du roi assistèrent aussi à la réunion que l’on appela le « Conseil de la couronne ». La réunion eu lieu dans le Cabinet du roi. Ce dernier présidait. Les délibérations furent dirigées par M. de Broqueville. Le ministre des Affaires étrangères donna lecture de l’ultimatum. Un grand silence se fit. Malgré une violente indignation que l’on sentait contenue, la question que chacun se posait : est-ce la guerre ou non ? Quelqu’un demanda une relecture du document et, lorsqu’elle fut terminée, les ministres furent immédiatement d’accord pour repousser une pareille atteinte à l’indépendance nationale. M. Woeste, ministre d’Etat demande alors de connaître les forces dont disposaient la pays. M. de Broqueville, en quelques phrases courtes montra que l’Allemagne commençait une lutte d’asservissement de l’Europe. Se soumettre ne sauverait rien. Mourir pour mourir mieux valait tomber avec honneur. En livrant bataille l’on pourrait peut-être peser sur la balance des destinées et gagner la partie. Puis en se tournant vers les généraux, il ajouta : « C’est aux militaires à nous dire ce qu’ils peuvent faire ».
Le général de Sellier de Moranville fut attentivement écouté. Les questions posées étaient utiles. On était loin d’un débat politique et l’exposé de la situation militaire a été d’une lucidité parfaite tant en ce qui concernait l’armée de campagne que les places fortes. le roi commence à interroger successivement tous ses ministres en commençant par M. Woeste : « Sire, il faut répondre, non. » Tous les autres consultés opposent le même refus. Le roi décida alors de faire rédiger une réponse à l’Allemagne. Ce travail commença immédiatement à la table même de la délibération. Chacun avait son idée de phrase et l’on ne pouvait aboutir. La séance fut suspendue. MM. de Broqueville, Davignon, M. Carton de Wiart, Paul Hymans, van der Elst et van den Heuvel quittèrent le Palais et se rendirent au ministère des Affaires étrangères, rue de la Loi. Il était presque minuit. Or pendant que les ministres délibéraient, M. de Gaiffier rédigeait déjà un texte que les ministres trouvèrent fort bien, car le directeur général du ministère y avait noté avec précision ce qu’il y avait à répondre. Le projet définitif ne tarda pas à être au point. M. Carton de Wiart, ministre de la Justice, fit office de secrétaire. A 2 heures tout le monde retourne au Palais où la séance du Conseil de la couronne repris. Le texte de la réponse fut adopté directement. On y lisait notamment : « Le gouvernement belge, en acceptant les propositions qui lui sont notifiées, sacrifierait l’honneur de la nation en même temps qu’il trahirait ses devoirs vis-à-vis de l’Europe. Le gouvernement belge est fermement décidé à repousser par tous les moyens en son pouvoir toute atteinte à son droit… ». Vers 4 heures du matin, le Conseil de la Couronne prenait fin après avoir décidé que le Parlement serait convoqué pour le 4 août à 9 heures du matin. Le roi déclara qu’il s’y rendrait pour prononcer le discours du Trône.
Le ministre d’Allemagne avait reçu aussi comme instruction d’essayer de connaître, avant l’heure fatidique, la réaction de la Belgique. A une heure du matin, il se présenta au ministère des Affaires étrangères au moment où les ministres rédigeait la réponse. Il annonça qu’un aviateur français avait lancé des bombes alors qu’aucune déclaration de guerre n’avait eut lieu. Gaiffier lui demanda où les bombes avaient été lancées. La réponse fut : l’Allemagne. Gaiffier répondit qu’il ne voyait pas pourquoi von Below lui parlait de cet incident puisque c’était une affaire entre la France et l’Allemagne. Le ministre d’Allemagne fut éconduit proprement sans qu’il n’ai rien appris de la réponse de la Belgique.
Le directeur du ministère des Affaires étrangères, M. de Gaiffier d’Hestroy a été désigné pour notifier la réponse à l’Allemagne. A 4h15, M. de Broqueville rentrait à son ministère, aussi calme et maître de lui qu’à l’ordinaire. Ils eut immédiatement de longues conférences, notamment avec le colonel Wielemans et les chefs d’état-major de l’armée. Des ordres devaient être donnés pour permettre aux troupes de couverture de gagner aussitôt leurs postes de combat. Puis les allées et venues cessèrent et tout rentra dans le calme.
Commentaire de Louis de Lichtervelde, secrétaire particulier du ministre : « … Dans son bureau encore brillamment éclairé M. de Broqueville était enfin seul, ses traits avaient pâli sous la fatigue et sous la tension de l’esprit, la respiration un peu courte témoignait de l’émotion contenue qui débordait maintenant. Voulant profiter d’un court répit qui lui restait, il me pria d’emballer sans retard les papiers confidentiels conservés dans son cabinet. Nous fîmes rapidement un tri de ce qui devait être envoyé à Anvers et de ce qui devait être déposé en lieu sûr à Bruxelles même. Puis il commença à annoter les dossiers, à dresser la liste des entrevues à aménager, des mesures politiques à prendre. Toutes les conséquences de la déclaration de guerre devenue fatale se présentait à son esprit réaliste qui savait mesurer l’obstacle (…)
« Au dehors, le jour triomphait de la nuit. Sous le premier soleil, les maraîchers entraient gaiement en ville. La vie s’animait. Les détenteurs de ce qui étaient encore un terrible secret avait le cœur serré en voyant par les fenêtres enfin ouvertes passer des Belges calmes, gais , insouciants, alors que leur patrie était vraiment en péril de mort… »
(1) note 1 : http://www.broqueville.be/documents/charles/1914/note-ministere-guerre-27-07-14.pdf
note 2 : http://www.broqueville.be/documents/charles/1914/note-ministere-guerre-sd(1914).pdf