Étant en vacances mais ayant mis mes bases de données sur le cloud, je peux rechercher des fichiers manquant notamment dans les registres paroissiaux pouvant encore se trouver ailleurs qu’à Monfort. C’est ainsi que j’ai découvert, en ligne, une nouvelle Colomé dans un registre possédé par les Archives départementales du Gers. Cette Colomé est en réalité une Broqueville.

Il s’agit de son acte de baptême. Elle est prénommée Marie Thérèse Félicité Colomé, fille de Louis Colomé-Broqueville (1752-1837) et de Amélie Marie Anne Viguerie (1771-1851). Nous sommes à la date du 5 germinal an III qui équivaut au 25 mars 1795. Nous sommes en pleine révolution française. L’officier d’État civil est le citoyen Deluc. C’est celui-là même qui va poursuivre Jean Joseph Bernard (JJB) de Broqueville, en justice pour le faire condamner par la justice révolutionnaire. Louis est le frère de JJB.

Louis Broqueville se cache sous le nom Colomé dans cet acte. Il est bien dit que c’est Louis Colomé-Broqueville qui donne naissance à une Colomé. Son épouse perd la particule à ce moment-là. Elle s’appelle dorénavant Viguerie.

Contexte de naissance de la Colomé

A cette époque, Monfort respire un peu avec la chute de Robespierre et la fin de la Terreur entraîne à l’automne 1794 la fin du « dirigisme » jacobin et le retour au libéralisme économique. Au moment où Marie Thérèse naît, sa famille sort d’une période hivernale d’une âpre rigueur, jamais subie depuis le Grand Hiver de 1709. Les oliviers du midi sont gelés. Les loups s’avancent aux portes de Paris. Du nord au sud, les routes sont enneigées et impraticables. Les fleuves sont gelés, d’où une paralysie de la circulation des marchandises.

La disette guette. Le rationnement mis en place par les municipalités permet d’éviter la famine, mais les rations ne cessent de diminuer à l’approche du printemps. Les conditions de vie des populations sont très difficiles. Le combustible est cher et rare tandis que la nourriture est de mauvaise qualité. Dans les campagnes, la vie est un peu meilleure, comme toujours.

Que faisait Louis Colomé à cette époque ?

Il est présent dans différents textes durant la révolution française en 1790 comme membre de la Société des amis de la Constitution monarchique. 1 La société de Monfort a été créée le 14 novembre 1790 devant le notaire Carrette. 2 On y voit la signature de Louis portant uniquement le nom de Colomé. Il est clair que Louis est très prudent face à cette révolution dont on ne sait pas quand elle se terminera. Les clubs jacobins 3 de Paris et de Toulouse apporte une extension des pouvoirs pour la Société..4

On y voit le bonnet phrygien placé en équilibre avec la couronne royale, dans la balance.

La société de Monfort est d’ordre monarchique. « Le nom pris par les restes du « Club de 1789 » et du « Club des impartiaux » regroupés. Ses meneurs furent Clermont-Tonnerre et Malouet. On l’a aussi nommé « Club monarchique », car son manifeste le posait en défenseur des droits de la monarchie. La Section de l’Observatoire sur le territoire de laquelle il était établi, demanda et obtint sa fermeture. L’emblème de ce club était une balance en équilibre, portant sur un plateau le bonnet rouge et sur l’autre la couronne royale. Il avait comme correspondants provinciaux des Clubs des « amis de la paix » et des « amis du Roi » 5 En 1792, le club monarchique a été dissous à Paris. Il a fallu au moins un an pour que tous les clubs soient dissous en province. En 1794, on ne trouve plus trace de ce club, nulle part.

Des signataires monarchistes

Il suffit de voir qui sont les signataires de ces deux actes de constitution. Outre la présence de Louis, on y voit un Jean Antoine Joseph Timothée de Solirène qui est procureur du roi. Les fondateurs de cette société étaient souvent riches ou avaient des fonctions importantes. Voici la liste de tous les fondateurs de la Société de Monfort : les sieurs Jean-François Marcassus ancien consul maire, Louis Colomé, ancien mousquetaire gris réformé, Guillaume Bayle aussi ancien consul maire, Jean Antoine Joseph Timothée de Solirène, procureur du roi, Jean-Joseph Noguès notaire royal et ancien consul-maire, Mathieu Breton négociant, Casimir Bayle officier, François Solirène homme de loi, Honoré Géron grenadier, Marc Breton négociant, Jacques-Marie Solirène, Guillaume Breton, négociant, Marc-Marie Breton négociant.

Les représentants du peuple, Chaudron-Rousseau et Dartigoeyte 6, décrètent l’arrestation de Louis Colomé-Broqueville. Ce dernier a été reclus à Auch en 1793. 7 On ne connaît pas les raisons de son emprisonnement mais le 13 juillet Marat est assassiné par Charlotte Corday. Est-ce une réaction à cet assassinat ? Je ne le sais.Je ne connais pas non plus la date, ni les raisons de sa libération.

Considérés comme monarchistes, les membres de cette société ne sont plus reconnus, révolutionnaires, dès 1793. Il est donc très probable qu’il soit enfermé pour cette raison. Son emprisonnement a probablement rapproché les deux frères ennemis. JJB était royaliste alors que Louis était pour une monarchie constitutionnelle ! Ce qui est assez étonnant est le résultat : Louis va en prison alors qu’il soutient la révolution dans la cadre de la monarchie, JJB ne va pas en prison alors qu’il combat la révolution au nom du Roi ! 8

Libéré, il se marie et donne naissance à Amélie

Le fait qu’il ait eu une enfant le 14 avril 1795, veut dire qu’il a été libéré au plus tard en juin 1794. Nous ne connaissons pas sa date de mariage. Il est possible qu’il se soit marié au début de l’année 1794 en sachant que son épouse est née en 1771 ! Il est très plausible qu’elle se marie à l’âge de 23 ans. Lui en a 42 cette année-là. Par supposition, sans avoir encore aucune garantie, je pencherais pour le début de l’année 1794. Il est possible qu’il se soit marié dans la municipalité de son épouse. Le lieu nous est inconnu. Donc nous ne pouvons pas chercher dans les archives de cette commune. 9 Je n’ai pas encore retrouvé son contrat de mariage qui aurait pu donner d’autres indications.

Géry de Broqueville

  1. Pour bien comprendre d’où vient cette société je vous envoie sutr un lien de la BNF. La Société des amis de la Constitution a fonctionné du 2 août 1790 au 18 frimaire an III (9 décembre 1794), où elle est suspendue à la suite d’un arrêté du représentant du peuple Charles Delacroix du 26 frimaire an III (17 décembre 1794). ↩︎
  2. Notaire Carrette côte aux Archives départementales du Gers 3E9026 – 14977-14981 ↩︎
  3. Le Club des Jacobins est un autre nom pour les Amis de la Constitution. Ceux-ci sont nés à Paris au couvent des Jacobins., rue Saint-Jacques. ↩︎
  4. Notaire Carrette côte aux Archives départementales du Gers 3E9026 – 14981-14984 ↩︎
  5. Data BNF : Les Amis de la Constitution monarchique. ↩︎
  6. Pierre-Arnaud Dartigoeyte, né le 12 mars 1763 à Mugron (dans l’actuel département des Landes), mort le 25 novembre 1812 à Lahosse (Landes), est un conventionnel français. Il est envoyé dans le département du Gers comme représentant en mission pour faire appliquer le décret du 26 août 1793 sur la levée en masse, mission qui sera renouvelée le 2 frimaire an II, et qu’il accomplit avec une rigueur exceptionnelle. Dartigoeyte est présenté comme un personnage cruel, cynique, grossier, plutôt porté sur le vin et les jeunes filles. ↩︎
  7. J. Noulens – Document historique sur la famille de Galard, 1871-1876, p. 710. ↩︎
  8. Voir l’article sur JJB dans ce blog ↩︎
  9. Il existe une famille de Viguerie à Toulouse. Est-ce la même ? ↩︎