Peut-on-rire de tout ? Visiblement oui pour certains, non pour d’autres. Classons l’album de Jacpé dans la catégorie intitulé « 14-18, par l’absurde et l’humour noir » (1) dans la catégorie « oui, on peut rire de tout ». L’humoriste et cartooniste du célèbre « Ubu Pan » (2) ne risque pas grand chose dans cet album, certainement pas un attentat suicide fait par un poilu, ils sont tous morts dans les tranchées ou de vieillesse.
Et ce n’est pas moi qui vais lui lancer un anathème alors que son préfacier, Alain De Kuyssche, rédac’chef de Ubu Pan range, sans le nommer, Charles de Broqueville, dans la séries des « quelques fieffés imbéciles qui y ont gagné leur nom sur les plaques de rues et des places – c’est fou ce que les idiots aiment prendre des noms de rue » (3)
Le dessin est clair, net, lumineux et les thèmes choisis sont sympas, rougeoyants, voire même excitants. Oui, on peut rire de la mort, surtout 100 ans après comme dans la double page 18-19 qui représente la « chronique d’une journée ordinaire sur le front, programme du jour : prise d’une tranchée ennemie« . C’est un véritable hommage au courage du général français Nivelle (4) d’avoir envoyé plusieurs milliers d’hommes à la mort pour rien, en quelques heures. En 1917, les généraux français considéraient la piétaille comme de la chair à canon alors que les jeunes à l’arrière piétinaient d’impatience pour faire la leçon aux boches, la fleur au fusil.
un album trop français ?
L’album parle de tout cela… il faut lire et surtout regarder les nombreuses allusions. Jacpé est belge et il oriente ses dessins vers la France, dans l’espoir probable d’en avoir de bonne vente de ce coté-là… C’est peut-être la seule critique que j’ose émettre, cet album est trop français. Il est vrai qu’il est plus difficile de dessiner les mornes tranchées belges où le front est resté figer durant quatre années, derrière l’Yser et où le chef de l’État, le Roi, et son « fieffé imbécile » de chef de cabinet, ont été très parcimonieux des vies humaines belges ! (5)
Pourquoi j’ai choisi l’avant-dernier jour de 2018 pour publier cet article ? Tout simplement parce que j’ai reçu cet album fin novembre et qu’en plus il est intéressant de pouvoir terminer cette dernière année de commémoration par un grand rire qui ne peut qu’augurer une très belle année 2019.
Géry de Broqueville
(1) Publié aux éditions Ubu Pan en 2014.
(2) Ce journal est l’équivalent français du Canard enchaîné pour les Belges ignorants.
(3) 14-18, par l’absurde et l’humour noir, page 3.
(4) Contrairement aux bouchers de la Grande Guerre comme Foch, Joffre, le général Nivelle n’a pas de rue à son nom en France. Pan sur les fesses, on ne valorise que ceux qui font des trucs biens !
(5) La totalité des soldats belges morts pour la patrie en quatre ans équivaut à une journée de l’offensive Nivelle de 1917, soit 37.000 morts !