Je me trouve à Auch ce soir dans un hôtel en train de vous rédiger cet article. Je ne tiens plus en place tellement j’ai envie de vous partager une découverte ! Et pourtant je vais vous retracer la genèse de mon voyage. Je suis parti de Bruxelles durant les inondations non pas parce que j’avais peur de me mouiller mais tout simplement parce que si je ne partais pas maintenant, je pouvais remettre mon voyage annuel à Monfort pour 2011 tellement les bonnes nouvelles s’accumulaient pour Asmae, mais cela est une autre histoire.
Et donc me voici parti avec la ferme envie d’en découdre prioritairement avec les Archives Départementale du Gers (ADG) dont j’ai déjà glâné l’année dernière des documents importants comme le procès de 1731 entre Joseph et Françoise de Broqueville contre Catherine Druilhet et l’estimation des biens de Louis de Broqueville datée de 1745 et j’en passe. Cette fois-ci j’ai approfondi mes recherches du coté des notaires de Monfort. J’ai trouvé de belles surprises que j’aurai l’occasion de placer petit à petit en ces pages…
Mais la plus belle et étonnante découverte vient de ma visite à Monfort qui a commencé ce matin. Les archives de Monfort sont en train d’être rangées, j’ai découvert de nouvelles sources qui commencent à me mener plus loin que 1591. Et pourtant ce sont des archives qui datent de la révolution qui m’ont permis de brosser le portrait d’un de nos ancêtres.
Les Broqueville sont généralement des noirauds, parfois roux, bien évidemment il y a des châtains et des blonds dû aux ascendances féminines plus récentes. Etant issus du Gers, c’est-à-dire du sud de la France, il semblerait plus normal que nos ancêtres étaient noirs de cheveux.
Que nenni ! Jean Joseph Bernard (JJB) de Broqueville (1755-1834) fils de Jean-Baptiste (1689-1771) et de Marguerite de Fraissé (+ après 1781), était blond avec des sourcils blonds ! Et en plus de cela j’ai découvert des détails de son anatomie au point où l’on pourrait faire son portrait robot sur base du tableau de Jean-Baptiste, son père et celui de son Charles , son fils !
En fait je cherchais des documents à Monfort en général dans des liasses de documents que je ne connaissais pas. Je suis tombé sur un témoignage de monfortois qui atteste que JJB Broqueville n’est pas un émigré. Le texte est écrit ainsi : « Nous administrateurs municipaux du canton de Monfort du département du Gers, suis l’attestation des citoyens Pierre Deluc, cultivateur, Jean-françois Cabaroque, cultivateur et Guillaume Saliné officiier d’infanterie habitants de la commune dudit Monfort et que nous déclarons bien connaître : certifions que le citoyen Jean Joseph Bernard Broqueville lieutenant réformé de l’ancien corps de la gendarmerie nationale est né le 27 août 1755 qu’il s’est présenté ce jourd’huy devant nous où il réside en France depuis le 9 mai 1792 jusqu’à présent, sans interruption qu’en a il n’est point émigré et qu’il n’est point détenu pour coup de suspicion de contre-révolution, certifions connaître que le sieur Jean Joseph Bernard Broqueville a acquitté en bonne et due forme sa quittance d’imposition nobiliaire de 1792 à celle de 1793 et celle du dernier tiers de la contribution patriotique et nous a présentement déclaré que depuis sa retraite il n’a joué d’autre jeu ni aucune activité. Son signalement : le dit Jean Joseph Bernard Broqueville âgé de 43 ans taille 5 pieds 3 pouces 6 lignes (1), cheveux blonds, sourcils de même visage plein avec une cicatrice à la lèvre supérieure du coté droit, délivré à Monfort le 24 fructidor an 6 (2) de la république française une et indivisible« . suivi des signatures des trois témoins et celle de JJB qui atteste donc sa description. (3)
A défaut de posséder un portrait de notre ancêtre, puisque JJB est l’arrière-grand-père de Stanislas donc l’ancêtre commun à tous les Broqueville belges, nous avons des données un peu plus précises sur le personnage.
Remarquons tout de même que JJB est très pragmatique voire opportuniste. Il paie la quittance nobiliaire et est tout à fait en règle aux yeux de la loi de la république. Il paraît très sage aux yeux des révolutionnaires. Pourtant quelques semaines avant il était déclaré comme « ennemy de la révolution. Ses actions en sont la preuve. Il fréquentait Solirène, Lassale, Noguès, Mauléon, Bonnet, chefs de la bande royale et était général de cavalerie dans l’armée royale. Nous ne savons pas les faits qui l’ont déterminé. » Le paragraphe suivant concerne le fils (très certainement Jean-François qui avait 18 ans) où il est expliqué « qu’il a fait partie de l’insurrection ou ?? de cela qu’il a suivi l’impulsion du père« . (3)
Tous les ingrédients de la guerre civile étaient réunis. Les uns se méfiaient des autres. Et quand une personne était soupçonnée d’être contre-révolutionnaire sa famille pouvait servir d’otage aux révolutionnaire. Ainsi l’épouse de JJB, Ursule de Lherm de Larcène est notée dans la liste des otages de la révolution. (4) Dans une autre liste (5), nous avons Louis Broqueville-Colomé (frère de JJB) qui est considéré comme reclu. Il l’était en effet enfermé dans la prison de Auch, en 1793, au même titre que tous les nobles importants de la région (6). Dans la même liste on découvre que JJB et Marie François Broqueville (Il s’agirait de notre ancêtre Charles François Marie Hubert, père de Stanislas bien qu’ayant près de 14 ans) sont absents de Monfort.
La suspicion va loin puisque même les armes de quelque nature sont répertoriées par les révolutionnaires de peur que les rebelles ne les cachent ou ne s’en servent contre la république. Ainsi un Broqueville cadet (Jean-François probablement – il a 18 ans à cette époque) possède un fusil à deux coups sans bayonette tandis que Louis Colomé en possède un fusil simple, JJB possède un fusil à deux coups, deux fusils à un coup, une paire de pistolets et une paire de pistolets de poche, une épée, une livre de poudre et deux livres de balles. Ces armes seront taxées plus tard ce qui permettra à la cause révolutionnaire de récupérer bon nombre d’armes à bon compte, puisque les gens qui ne savent pas payer les déposeront à la municipalité. (7)
Voilà donc notre famille mise sous pression durant la révolution française par les aléas de la vie. Et quand on voit cela, JJB s’en est tiré à bon compte aussi. Il a été général d’armée royaliste, ayant monté une insurrection et il arrive à passer entre les mailles du filet de la terreur… grâce à des témoignages de laboureurs probablement sympathisant de La Cause.
Géry de Broqueville
(1) 5 pieds = 162.42 cm – 3 pouces = 8,12 et 6 lignes. Je n’ai pas trouvé d’informations sur cette mesure qui doit être probablement propre au Gers. Cela nous donne une taille d’au moins 1,71 m.
(2) lundi 10 septembre 1798.
(3) Il a fallu que ces mêmes témoins recommencent trois fois leurs déclarations de la même manière pour être approuvées par les autorités révolutionnaires. Les trois témoins ont d’ailleurs fait l’objet d’une enquête à leur sujet.
(3) Texte écrit par les administrateurs municipaux du canton de Monfort du 12 Thermidor an VI c’est-à-dire le lundi 30 juillet 1798 qui concerne tous les suspects de rébellion contre la révolution. JJB n’est pas le seul. Il y a environ une trentaine d’habitants de Monfort soupçonnés d’avoir participé à l’insurrection sur 150 maisons suspectes d’être contre la révolution. Cela fera l’objet d’un futur article en ces colonnes.
(4) Liste dans les archives de Monfort, sans date.
(5) Liste des absents, de ceux qui ont pris les armes contre la république ou de ceux qui sont pris en otage datée. Liste non datée.
(6) J. Noulens, Documents historiques de la Maison de Galard, tome III, 1874, page 710. Ce livre se trouve à la BNF (Bibliothèque nationale de France – Gallica.
(7) Cela fait penser à la chasse aux armes particulières en Belgique assez récemment.
Note : Nous avons retiré la particule qui n’était plus de mise durant cette période révolutionnaire.