Les 6 et 7 octobre, Dunkerque vit dans sa rade l’arrivée de dix transporteurs ayant à son bord la 87e division territoriale du Havre, Trois jours après, six autres transporteurs amenèrent la 89e division provenant du camp retranché de Paris. Le débarquement de ces troupes se fit avec une grande rapidité car le ministre des Affaires étrangères belge, M. Davignon avait signalé qu’Anvers n’allait pas pouvoir tenir encore longtemps. Ces troupes arrivèrent trop tard mais ont servi pour protéger l’aile droite de l’armée belge sur l’Yser.
Le 13 octobre, le roi Albert fit sa fameuse proclamation aux troupes : « Soldats, voilà deux mois et davantage que vous combattez pour la plus juste des causes, pour vos foyers et l’indépendance nationale… Que dans les positions où je vous placerai, vos regards se portent uniquement en avant, et considérez comme traître à la patrie, celui qui prononcera le mot de retraite, sans que l’ordre formel en soit donné« .
Dès le 14 août, l’armée belge de campagne occupe sur l’Yser tout le secteur de Nieuport. Sur un front de 40 Km, elle aligne 82.000 hommes dont 48.000 fusils. Les soldats du roi sont dans un état pitoyable, certes, mais farouches et résolus, ils vont résister désespérément et victorieusement à la poussée allemande. Plus que jamais le roi est au milieu de ses troupes, il les réconforte par sa présence et lors des attaques on le verra dans la tranchée comme jadis les rois de France. C’est de ce fait que ses soldats lui décerneront le titre de Roi-soldat.
Il fallait défendre désespérément Nieuport si nécessaire. Déjà Vauban au XVIIIe siècle prétendait cela en sachant que les inondations peuvent être provoquées à partir de Nieuport pour protéger toute cette partie de territoire. Les Français et trois corps d’armée britannique du général Rawlinson sont dans la région de Furnes-Ypres, bientôt renforcés par les quatre divisions de cavalerie du général de Mitry, puis par la brillante division du général Grossetti. Quant aux fusiliers marins , en contact avec les Allemands depuis Gand, ils sont à Dixmude avec l’amiral Ronarc’h.
Le 16 octobre au début de la bataille, le général Ferdinand Foch qui a reçu le commandement direct des forces françaises, avance son Q.G. à Cassel et le même jour, rend visite à M. de Broqueville qui l’accompagne à Furnes où le roi et Foch ont une longue conférence à laquelle seul assiste le colonel Brécart, chef de la mission militaire française.
Nous n’allons pas raconter cette bataille qui a déjà été maintes fois décrite. Mais il est sûr que le premier problème était celui du ravitaillement en munitions et en matériel. Entre le 17 et le 22 octobre, l’artillerie belge tire 60.000 obus de 75 et l’on s’aperçoit qu’à cette cadence, les réserves d’obus tiendront 3 jours. Le 21 octobre, l’état-major installé à Wulpen signale qu’à 17h45, les obusiers de 150 ont brûlé toutes les munitions et espèrent en recevoir rapidement du Creusot. Or dès le mois d’août 1914, le ministre de la Guerre belge faisait acte d’autorité et avait pris l’initiative d’acheter deux canons de 155 destinés au Roi de Roumanie sur lesquels étaient gravés les armes du roi Carol, et 12 obusiers de 120 destinés à la Grèce. Les deux groupes étaient approvisionnés de 10.000 obus. L’on juge donc de la satisfaction de M. de Broqueville quand il apprit que les pièces arrivaient juste au moment où il fallait retirer celles qui n’avaient plus de munitions.
Lorsque les premières batailles autour de Liège eurent montré qu’il fallait beaucoup de réserve, que le ministre de la Guerre envoya à Paris une mission composée des commandants Blaise et Quintin pour étudier la possibilité d’utiliser des munitions françaises. A la suite de cette mission, M. de Broqueville avait demandé et obtenu 100.000 obus de 75. Ce sont ceux-là que l’on achevait de tirer sur l’Yser. Le 24 octobre, le commandant Blaise repart avec les commandants Quintin et Guy d’Oultremont où ils obtiennent de nouvelles munitions.
Quatre jours après, à Calais, eut lieu une conférence franco-belge pour préciser les besoins de l’armée belge. Le 28 octobre, dans la nuit, Joffre faisait parvenir un message chiffré à M. de Broqueville, l’avisant que l’armée belge serait ravitaillée en munitions dans la limite de 2000 coups par jour pour les 75 et pour les autres calibres suivant les besoins. Joffre rajoutait : « Que l’artillerie belge économise les munitions comme nous le faisons nous-mêmes ». Le 30 novembre, Joffre transmettait un message à Bordeaux signalant que l’artillerie belge avait une confortable réserve d’obus. Par ailleurs M. de Broqueville avait déjà donné des instructions pour la création, dans la région du Havre, de vastes établissements d’artillerie qui consacreront l’indépendance de l’armée belge. Nous verrons cela dans une autre page.
Géry de Broqueville
(1) Pour voir son contenu, je vous recommande l’excellent site Internet du Dr Loodts : http://www.1914-1918.be/insolite_dessins_bastien.php