La somme de 3.500 livres se retrouve au moins deux à trois fois par page tellement elle est au centre d’un compromis entre la Maison de Lupé seigneur de Maravat (1) et la Maison de Preissac, seigneur de Cadeilhan (2). Ce texte de 9 pages donne des informations intéressantes sur des contrats de mariage notamment des différentes familles entrant en jeu dans cet accord. L’intitulé de cet accord passé le 8 juillet 1604 chez le notaire Lauzéro (1) nous donne une indication restreinte de l’enjeu : « Accord de m. de Maravat, de m. d’Hordosse (4) et de m. de Cadeilhan« .
D’entrée de jeu, lors de la lecture de ce document, l’on commence par une longue introduction qui situe les seigneurs de Maravat. Cette seigneurie appartient à la Maison de Lupé. Les 3.500 livres représentent la dot de Anne de Lupé qui s’est mariée par contrat du 6 juin 1563 (5) avec noble Frix de Preissac, seigneur de Cadeilhan (6). Anne est fille de Carbon (ou Carbonel) de Lupé (7) et de Anne de Pins, dame de Maravat (8).
Le contrat de ce mariage dont nous avons ici la date, le 10 juin 1563 (9), stipule que, dans le cas où Anne de Lupé meurt sans descendance, son mari redonne la dot de 3.500 livres, acte qu’il fait dans cet accord. On le voit dès la première page : « (…) ledit noble Frix de Preissac a rendu la somme de 3500 livres comme en écrit dans la pacte de mariage d’entre ledit Frix et ladite Anne de Lupé« . En outre, deux autres actes de reconnaissances, chez le même notaire, daté du 25 juin 1563 et du 14 avril 1574, stipule que « (…) dudit mariage ladite somme de 3500 livres seront rendus aux hoirs dudit feu noble Carbon de Luppé dans les 10 ans« . Nous ne connaissons pas la date de décès de Anne de Lupé.
Nous savons que Frix de Preissac s’est remarié avec Jeanne de Lézir à une date inconnue. La somme de 3.500 livres a été retenue par cette dernière en pleine jouissance en stipulant dans un acte dont nous ne connaissons rien car les informations les plus importantes sont manquantes dans le texte. Jeanne de Lézir a retenu la dite somme après le décès de Frix de Preissac (date inconnue) en stipulant que c’était ses héritiers qui devaient rendre la somme en question aux héritiers de Carbon de Lupé et de Anne de Pins, c’est-à-dire, Jean de Lupé seigneur de Maravat (10).
Toujours est-il que ce 8 juillet 1604, la somme de 3.500 livres n’est toujours pas rendue, ce qui fait l’objet de l’acte. C’est le fils aîné de Frix, décédé depuis lors, qui se doit de rembourser cette dette. Il s’agit de Jonatan de Preissac, seigneur de Cadeilhan, né vers 1580 (11) et décédé avant 1644. Or, visiblement, Jonatan est dépourvu de la somme en question puisqu’il vient de se marier, le 18 septembre 1603 avec Isabeau Saluste du Bartas (vers 1574-avant 1624) (12).
Et c’est ici qu’intervient le troisième homme dans l’intitulé de l’accord : le sieur de Hordosse. Il s’agit en réalité de Barthélémy de Frère, seigneur de Hordosse et d’Andiran (vers 1558-1619). Celui-ci est marié avec la soeur aînée de Isabeau, Anne Saluste, dame du Bartas. C’est cette dernière qui a hérité de la seigneurie du Bartas et de toutes les terres attenantes ainsi que de certaines terres de Monfort, de son père Guillaume Saluste du Bartas.
Aussi l’on voit un deuxième accord qui se déroule entre Anne et sa soeur Isabeau à propos de diverses sommes d’argent qu’elle doit lui verser (13). Cette partie du texte est plus obscur et compliqué à lire car il s’agit d’addition de sommes diverses qui sembleraient monter à un total de 7.200 livres, somme que l’on trouve dans le contrat de mariage de Jonatan de Preissac et de Isabeau de Saluste daté du 18 septembre 1603 retenu chez maître Mathieu Sabathier de Monfort. Maître Lauzéro acte bien le transfert d’argent de la main du sieur de Hordosse qui éteint ainsi la dette qui sommeillait depuis une vingtaine d’année.
Ce que les protagonistes de cet accord ne savent pas encore, c’est que le fils aîné de Jonatan, Pierre va épouser Percide de Lupé, fille de Paul et de Olympe de Lustrac et petite-fille de Jean dont nous parlons ci-dessus. C’est ainsi qu’un rameau Preissac portera deux générations plus tard le nom de Preissac-Maravat.
Géry de Broqueville
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(1) Maravat est le nom d’une petite commune située à moins de 10 km au sud-ouest de Monfort. Plus d’informations sur Wikipedia.
(2) Cadeilhan est une commune située à environ 7 km à l’ouest de Monfort. Plus d’informations sur Wikipedia.
(3) Notaire Lauzéro, Archives départementales du Gers, cote 3E8846.
(4) Hordosse est un hameau qui fait partie de la commune d’Andiran. Celle-ci est située dans l’Agenais à environ 8 km de Nérac.
(5) Courcelles, Histoire de la Maison de Lupé, 1868, Toulouse.
(6) Frix de Preissac est le fils de Guillaume, seigneur de Cadeilhan marié avec Jacquette de Roquelaure.
(7) Ecuyer, seigneur de Maravat, de LaLanne, de Lauret, de Miremont, etc. co-seigneur de Casteljaloux. Il a servi en qualité d’homme d’armes de la compagnie du roi de Navarre, en 1556, 1557, 1559 et 1561.
(8) Contrat de mariage du 6 avril 1544. Par ce mariage, Anne de Pins apporte à Carbon de Lupé la seigneurie de Maravat et devient ainsi l’auteur de la branche des Lupé-Maravat.
(9) Ce pacte de mariage est reçu par maître Vignaux, notaire à Puycasquier. Il est probable que ce document soit perdu. En tout cas, il ne se trouve pas aux ADG à Auch.
(10) Jean de Lupé (+ 1618), écuyer, seigneur de Maravat et d’autres lieux, capitaine de 50 hommes d’armes des ordonnances du roi, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, gouverneur de la vicomté de Fezensaguet et de la ville de Mauvezin. Il a eu une carrière étonnante et a fait l’admiration d’Henri IV, Louis XIII et Catherine de Médicis. Sa vie peut être lue dans la généalogie écrite par Courcelles (Ci-dessus)
(11) Si Jonatan est né vers 1580 de Jonatan et de Jeanne de Lézir, Anne de Lupé est décédée aux environs de 1580. C’est une indication fort approximative bien sûr.
(12) Le lecteur aurait pu se poser jusqu’ici une question légitime sur mon intérêt à parler de cet acte où n’intervient en rien la famille Broqueville. Maintenant, tout s’éclaire. Isabeau Saluste du Bartas est une des quatre filles de Guillaume Saluste du Bartas et de Catherine de Manas. Pour rappel, la mère de Guillaume est Bertrande Broqueville femme de François Saluste. Dans ce blog, nous auront donc l’occasion de parler plus de la descendance très nombreuse de cette Broqueville.
(13) Certaines sommes sont déterminées dans le testament daté du 18 mars 1587 par Guillaume Saluste du Bartas le père des deux soeurs, Anne et Isabeau. Isabeau avait environ 12 ans au moment de ce testament. Elle ne pouvait hériter que si elle contractait une belle alliance. En 1603, ce fut chose faite.