Jusqu’à présent, n’ayant pas trouvé traces d’écrits, les Broqueville et les Radzitzky n’ont pas laissé de journaux de bord racontant leur vie quotidienne durant la guerre 14-18.
Seule Lydia della Faille de Leverghem, née en 1899 a écrit un journal qui commence en 1913 et se termine en 1914, bien qu’elle ait continué à écrire jusqu’à ses 17 ans environ. Tentée un temps par l’écriture, il est indéniable qu’elle a développé son art du dessin et de la peinture tout au long de sa vie. (1)
Lydia della Faille raconte sa vie insouciante en 1913 et décrit celle de la vie sous les bombes allemandes à Anvers et sa vie d’exilée en Angleterre avec sa famille. Ces textes ont été rassemblés par Huguette de Broqueville, sa fille, écrivaine et journaliste dont des extraits ont été publié en divers lieux. (2)
« Mardi 4 août : « L’enthousiasme est très grand à Anvers. Les troupes de passage vers la frontière sont saluées de nombreux « vivats » et de « vive l’armée ». On les suit, on les restaure et ils chantent et répondent à la population par les cris de « vive les bons anversois! » Le peuple leur donne à boire tandis que les magasins bourrent les poches, les charrettes, les chevaux mêmes, de nourriture variée. Les soldats continuent leur route en chantant la Brabançonne à plein gosier. Beaucoup de chevaux et d’autos sont réquisitionnés, celle d’oncle Fio aussi, mais celui-ci l’a sauvée en s’engageant de la conduire pour le service de la Commune. Oncle Henry met la sienne à la disposition du bourgmestre et en est le chauffeur. Ainsi leur auto reste entre leurs mains. » (3)
« Lundi 24 aout : Le soir, en nous couchant, le ciel sombre était pioché d’étoiles. La ville ne laissait entrer aucun bruit. Je rêvais que brassard au bras, je soignais les blessés, je marchais entre les lits rouges, des pansements dans les mains, je rêvais aussi que j’entendais un bruit sourd, inexpliqué ! … Qu’est-ce que cela pouvait être ? Je voyais aussi mes blessés s’agiter. Je m’avançai pour faire cesser le bruit…. Boum !!!!!!! O stupeur !! …. Je me réveille en sursaut, ma première pensée est « ce sont les forts qui tirent sur les Allemands ». Mais non ! J’entends des crépitements, je me perds en conjectures, ffzzzz !! Boum !!!!! Cette fois, plus de doute, les Allemands jettent des bombes sur Anvers du haut d’un dirigeable. Je sors comme un bolide de ma chambre située au premier, je monte quatre à quatre l’escalier, j’entre dans la chambre de papa et de maman. Papa est à la fenêtre, dans la rue, pas un chat fffzzzzz !!!! Bououououm !!! Cette fois « il » est tombé à cent mètres de nous sur la place de Meier. Le coup a été beaucoup plus fort que les autres. Papa crie « tout le monde en bas ! » Maman, Elodie prennent les petits dans leurs bras et les portent en bas, moi je me charge d’André. Là, dans l’arrière cuisine, serrés les uns contre les autres, tous nous prions en chœur pendant que les coups se succèdent, puis semblent s’éloigner par degrés. Un peu rassurée, j’allai voir à la fenêtre. L’automobile des pompiers passait à toute allure. Un incendie, pensai-je, pauvres gens, que de mal a fait ce maudit zeppelin ! Les obus cessèrent de tomber, le ronflement continu ne se fait presque plus entendre, le zeppelin est parti ! Quelle joie, quel bonheur de se sentir sauvé d’un grand danger« . (4)
Ce texte de Lydia ainsi que d’autres feront l’objet d’un colloque à Bruxelles, le 11 octobre 2014 dont vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse et la liste des intervenants.
Géry de Broqueville
(1) Voir Huguette de Broqueville, Lydia, l’éclat de l’inachevé, Édition Michel de Maule, Paris, 2007.
(2) Le journal de Lydia, in Les Moments littéraires, no 21, 2009. et dans une anthologie : Gislinde Seyberg et Thomas Stauder, Misère de l’héroïsme, la première guerre mondiale dans la mémoire intellectuelle, littéraire et artistique des cultures européennes, tome 1, Edition Peter Lang, 2014.
(3) Lydia della Faille de Leverghem, Journal de la jeune Lydia, Édition Michel de Maule, Paris, 2014, page 41.
(4) Op Cit. page 53.
Cliquez sur le lien pour charger le pdf du communiqué de presse : files_fichier_1315_cp-ecrits-de-guerre-fr