Les signatures des époux.

Les signatures des époux.

Il s’agit de celui de Jean-Baptiste de Broqueville qui épouse Jeanne-Marguerite de Fraisse. Cet acte de mariage (1) donne des précisions importantes sur Jean-Baptiste et sa future épouse. Tout d’abord Jean-Baptiste. Il est dit qu’il est majeur de 30 ans au moment de son mariage ce qui le fait naître en 1719. Or selon Ludovic Mazeret, il est né le 16 juin 1689 (2).

Être majeur de 30 ans. Voilà une drôle d’expression. Jean-Baptiste étant présent dans la cérémonie n’aurait pas laissé écrire ce qui s’avère une ineptie. Son père s’est marié en janvier 1688, il est donc normal de naître en juin 1689. Rappelons-nous qu’au XVIIe siècle, l’âge de la majorité est de 25 ans, si l’on rajoute 30 ans, ce qui donne 1694, cela nous rapproche, quand même à 5 ans près, de la bonne date de naissance. De plus ses qualificatifs de « chevalier de l’ordre royal de Saint-Louis », son titre d’écuyer, son grade d’ancien capitaine ne s’obtiennent pas à 30 ans.

Pour être chevalier de Saint-Louis, il faut au moins 40 ans de carrière militaire comme officier. (3) Si Jean-Baptiste ne connait pas réellement son âge, ce qui est possible, la notion de carte d’identité étant beaucoup plus récente, il semblerait qu’en réalité il a 60 ans à son mariage ce qui supposerait qu’il commence sa carrière militaire à 20 ans comme officier. Voilà donc l’ambiguïté levée concernant ses 30 ans supposés au moment de son mariage.

De plus, quand on voit la majorité reconnue au XVIIIe siècle, elle est communément admise à 25 ans, bien que dans certaines régions l’âge est de 30 ans. N’est-ce pas là les 5 ans qui manquent pour faire en sorte que Jean-Baptiste se marie effectivement à 60 ans. Bien entendu, écrire que le premier mariage de ce dernier ne se déroule pas à 60 ans est peut-être une coquetterie qui fait écrire le terme « majeur de 30 ans » par le curé de la paroisse de La Daurade ! Ceci n’est qu’une supposition.

Il était donc temps qu’il se marie pour continuer la lignée sans quoi je ne serais pas là pour écrire ces pages. Il a eu de cette union 4 garçons et deux filles. Trois de ses enfants sont morts en bas âge. Seul Jean-Joseph-Bernard a eu une descendance.

Une demoiselle délurée ?

L’acte de mariage nous en dit un peu plus sur son épouse Marguerite de Fraisse (4). On connaît le nom de son père, Joseph, et celui de sa mère, Marie d’Albert (5). On sait qu’elle est « habitante depuis plus d’un an dans le couvent des religieuses de Salenques, paroisse de Saint-Sernin« . Or les religieuses de Salenques, spécialisée dans l’éducation des jeunes filles de bonnes familles, ont eu très mauvaise réputation quand elles étaient installées dans la ville de Foix.  Alors que leur intention est d’éduquer les jeunes filles dans la foi et la rigueur de l’enseignement religieux, les cisterciennes des Salenques laissèrent aller les choses. Après plusieurs années, on découvre que les filles du couvent étaient plus attirées par les mondanités que la vie religieuse. Elles mènent en réalité une vie trépidante : présents de toutes sortes, sorties masquées… Les hommes se poussent au parloir. L’affaire fait scandale. L’évêque François de Caulet exige leur départ pour Toulouse, en 1681, sous peine d’excommunication. Elles y restent jusqu’à la Révolution. Arrivées à Toulouse, les jeunes filles qui s’y succèdent sont effectivement élevées dans la piété religieuse.

Jeanne-Marguerite de Fraisse n’a pas connu ces moments de débauches et n’était probablement pas une jeune fille délurée. On peut le voir avec les nombreuses interventions de vicaires, d’évêques, de prêtres passant outre la publication des bans par trois fois. Ainsi intervient, « maître Blanquet vicaire de monseigneur l’évêque dudit Lavaur » (6), « un ban ayant encore été proclamé dans les dues formes dans la paroisse Saint-Sernin sans opposition, la dispensant des deux autres ayant été accordé par maître Darquel vicaire général  de Monseigneur l’archevêque de Toulouse. Le curé de La Daurade a aussi proclamé un seul ban. Bref tout ce beau monde proclame tous les bans possibles et imaginables tant Jeanne-Marguerite était pieuse. Sa famille devait l’être aussi. Seulement les trois bans d’usage ont été proclamés à Monfort par le recteur de l’église Saint-Clément de Monfort.

Toujours est-il que c’est à cet endroit, dans la paroisse Saint-Sernin que Jean-Baptiste a trouvé sa future femme. L’histoire ne retient pas comment ils se sont rencontrés ou si c’est un mariage arrangé. Les parents de Jeanne-Marie de Fraisse sont natifs de Lavaur à l’ouest de Toulouse. Il était probablement de bon ton de mettre leur fille dans ce type de couvent pour leur donner une bonne éducation avant de se marier. En tout cas, la différence d’âge est flagrante. Pour connaître la date de naissance de Jeanne-Marguerite et de son père, il faudrait se plonger dans les registres paroissiaux en ligne de Lavaur qui sont très nombreux et anciens. Quand à la date de décès de son père ce fut chose facile, il est décédé et enterré dans la chapelle Saint-Jean de l’église paroissiale à Monfort le 14 avril 1766.

Géry de Broqueville


(1) Archives municipales de Toulouse, Paroisse de la Daurade, 1649, coté GG172 folio 45 (20947). Cet acte se trouve en ligne sur le site des archives municipales. Cliquez ici.

(2) Ludovic Mazeret ne cite évidemment pas ses sources. A moins de la retrouver.

(3) Voir l’article sur l’édit de Louis XVI (milieu de page).

(4) Fraisse ou Fraissé. Les deux orthographes sont utilisées dans l’acte. Cela ne facilite pas la tâche pour connaître un peu mieux cette famille. Il reste qu’il y a une famille qui porte le patronyme « de Fraisse » à Lavaur.

(5) Il est dit qu’elle est de la famille des Albert de Laval, mais ce n’est pas prouvé. Cela reste encore un mystère.

(6) Lavaur est le siège d’un évêché situé dans le Tarn à l’ouest de Toulouse.