Le grand cimetière de Monfort

Le grand cimetière de Monfort

J’étais confortablement installé dans l’hôtel « La Tour de Fleurance » dans ladite ville en écoutant mes mp3 sur iTunes et s’égrainaient les morts. Les morts, rien que les morts… les morts du registre paroissiale de l’église saint Clément de Monfort…

Et je me suis arrêté à cette année 1651 en me demandant si ce saint-Clément pouvait arrêter ce fléau de la peste qui assassine à ce point les habitants de Monfort ! Soyez clément pour eux ! Hé non ! tout le monde y passe : des Limoges, des solirène, des Dufaut, des Broqueville, des Sabathier, des Ponsin, des Breton… tous y passent et trépassent sur leur lit de mort…
Et invariablement, le vicaire de Monfort inhume sans arrêt dans le cimetière de l’église de Monfort, dans l’église même, dans le cimetière de la chapelle Saint-Blaise, ne trouvant plus de place pour les morts tombant comme des mouches… les uns après les autres…

Et ce registre est si hâtivement écrit qu’il est parfois difficile de le lire… ces si courtes notices : « le 6 octobre 1650 a été inhumé Jean Sabathier fils de Isaac, substitut du procureur du roy et de Damoiselle Guillemine Broqueville » Et ce jour-là, il n’y avait qu’un mort ! Et quand, il y en a plusieurs, le vicaire de Monfort n’a même plus le temps d’écrire les qualités de chacun. Ainsi Claire Sabathier fille du même est assassinée par la peste quelques jours auparavant… Mais quelles-ont dû être les douleurs d’alors. Guillememine Broqueville a-t-elle crié de douleurs en voyant partir ses enfants ainsi ?

Et puis je découvre un Mario Broqueville fils de feu Jehan sans pouvoir l’identifier tellement il y a de Jehan Broqueville à cette époque… il est mort le 30 juin 1651 et a été enterré dans le porche de l’église de Monfort… même là, ils ont trouvé de la place pour enterrer les morts… Mais par le fait que je découvre un Mario Broqueville, c’est une manière de le ressusciter dans notre mémoire collective… Et qui sait au travers de mes lectures successives de ces milliers de pages photographiées systématiquement dans les archives de Monfort, je trouverai peut-être la trace de sa naissance, de sa vie…

En 1652, il y a eu tellement de morts ces quatre dernières années que les consuls ont du créer un nouveau cimetière qui s’intitule dorénavant le « Grand cimetière » car celui de l’église ne suffit plus et l’on n’ose enterré que les morts des notables dans l’église comme les Broqueville, les Ponsin, les Sabathier ou les Sibéros…

Cette hécatombe me fait subitement pensé à ce qui doit se vivre dans les pays en guerre ou subissant la famine : Soudan, Afghanistan et probablement d’autres régions oubliées où les morts tombent aussi comme des mouches… Comme tous ceux qui tombent sous le coup de Sida, de la faim, de la soif, de la malaria, sans que l’on y fasse attention. J’ai lu récemment un article qui indiquait quelque part en Afrique, il n’est pas impossible que la peste ait refait son apparition, ces derniers mois…

1655-1660, années d’espoir, l’on ne voit plus qu’une page consacrée aux inhumations et l’année suivante, l’on saute allègrement un mais sans décès… même si d’autres causes produisent les mêmes effets ! mais combien de familles ont été ainsi décimées… par dame la Peste !

Géry