Quand nous sommes en présence de l’évolution de la graphie d’un patronyme, il est intéressant de connaître les moments clés du changement. Avec l’ensemble des textes transcrits et enregistrés par Chatgpt, je lui ai posé la question en lui expliquant que selon moi, le changement s’effectue aux environs de 1550.

Mon estimation est plus ou moins bonne, mais l’IA est, dans ce cas là, d’une rigueur plus pertinente que la mienne. L’IA aime les statistiques contrairement à moi. Voici le tableau présenté par cet outil, d’autant qu’il est capable de faire la distinction entre latin, français du Moyen-âge et gascon. Son aide est donc précieuse.

Chronologie de l’évolution du patronyme Brocavilla → Broqueville

DécennieForme dominanteDétails et contexteExemple(s) précis
1480sBrocavillaLatin / gascon médiéval – actes notariés anciens (Bosquery)Jehan de Brocavilla, tisserand, 1480–1490
1490sBrocavillaTrès fréquent ; orthographes variables (Brocavilla, Brocavila)Actes du notaire Bosquery : Jehan, Anthoine, Pierre, Jacques Brocavilla
1500sBrocavillaEncore très dominant ; contextes en latin / gasconDonation à Jehan Brocavilla (1504), mariage Anthoine Brocavilla – Guilhema de Bordes (1506)
1510sBrocavillaPersistant dans les testaments, obligations, actes civilsActe de libération (1517) avec Pierre Brocavilla, jurat
1520sBrocavillaForme encore largement majoritaire ; documents de familleTestament de Santina (1521), opposition de Sans Brocavilla (1525)
1530sBrocavillaMajoritaire, mais quelques hésitations ; début d’usage francisé possibleActes notariés de Faget (Jean Brocavilla, 1533)
1540sBrocavillaBroqueville (transitoire)Quelques actes en français utilisent déjà la forme BroquevilleHypothèse d’apparition timide dans certains registres
1550sCoexistenceLes deux formes coexistent selon notaires et languesActes judiciaires (Saluste, Brocavilla), début d’usage stabilisé « Broqueville » dans certains contrats
1560sBroqueville en français / Brocavilla résiduel en latinApparition de « Broqueville » dans actes notariés français ; Brocavilla subsiste dans copies anciennesTestament de Yolande de la Tour (1560) : Jean Brocavilla
1570sBroqueville (majoritaire)Généralisation dans les registres notariaux modernes (Daguzan, Culheux)Jean Broqueville, fils de Joseph, 1597 (page 25237)
1580sBroquevilleUsage courant et stabiliséActes judiciaires, testaments, contrats (Joseph, Antoine, Jean)
1590sBroquevilleDisparition presque complète de la forme « Brocavilla » dans les actes contemporainsActes de gasaille (Jean, Joseph Broqueville), actes de compromis (1597)

Synthèse

  • Le passage est progressif entre 1540 et 1570, mais devient définitif vers 1550 dans les lignées principales actives à Monfort.
  • La forme Brocavilla disparaît presque totalement des actes originaux après 1570, sauf dans les copies de registres antérieurs.
  • Bien qu’il y ait tout de même de temps en temps un retour sur Brocavilla. Mais cela devient anecdotique.

Une évolution dans l’éthymologie

Celle-ci n’évolue quasiment pas par rapport à ce que j’ai écrit en son temps. Par gain de temps, j’ai demandé à chatgpt de me retrouver l’éthymologie des Brocavilla puisque je connais celui des Broqueville. Cela a donné une explication similaire à peu de choses près. Voici sa réponse très structurée :

Structure du nom : Broca + villa

ÉlémentOrigineSens
Broca-Probablement d’origine gasconne ou occitanePeut venir d’un nom de personne ou d’un lieu (broca, brouca, broc)
-villaLatin médiéval : villa = domaine, ferme, hameauFréquent dans les toponymes du Sud-Ouest

Hypothèse principale : toponyme rural médiéval

Brocavilla signifie littéralement : « la villa (le domaine, le hameau) de Broca »
ou « le domaine appelé Broca » ou encore « la maison/ferme de Broc ».

Le suffixe -villa est très courant dans les toponymes médiévaux, notamment en Gascogne, Languedoc, et Aquitaine (Montvilla, Lavilla, Castella-villa…).

Le radical Broc- / Broca- peut dériver : soit d’un mot lié à la nature : en gascon, brouca ou broca peut désigner une lande broussailleuse, un bois, voire un ruisseau obstrué (broc en ancien français : récipient, mais aussi ruisseau en dialecte local), soit d’un nom de personne (latinisé : Brocus),

Il est possible que Brocavilla ait été au départ un surnom toponymique désignant une famille issue d’un lieu-dit Brocavilla (domaine de Broca), et que le nom ait été re-latinisé par les notaires pour des raisons de forme juridique.

La ferme de Brocus, est-ce probable ?

Oui, tout à fait. Il est non seulement possible mais hautement probable que “Brocus” soit à l’origine un nom de personne, dont Brocavilla signifierait littéralement, la ferme de Brocus. Voici quelques détails philologiques et historiques.

Brocus est un nom propre attesté Le nom Brocus est bien formé selon les usages latins tardo-antiques. Il est utilisé comme nom de personne masculin (praenomen ou cognomen) dès le haut Moyen Âge, notamment en Gaule. Il dérive peut-être du gaulois broga (territoire, limite, frontière) ou du vieux latin broccus (proéminent, à grandes dents, surnom physique).

On le retrouve dans plusieurs documents :

  • Cartulaires ecclésiastiques : Brocus y est mentionné comme nom d’homme.
  • Anthroponymie gallo-romane : Brocus figure comme cognomen en Narbonnaise ou Aquitaine.

Brocavilla comme toponyme anthroponymique

La structure [Nom propre] + villa est très fréquente dans les toponymes médiévaux :

ExempleSignification
Martinvilladomaine de Martin
Johannisvilladomaine de Jean
Brocavilladomaine de Brocus

Oui, Brocus est vraisemblablement un nom de personne ancien, dont Brocavilla dérive par construction toponymique latine. Cela indique que la famille Brocavilla → Broqueville est probablement issue d’un lieu nommé d’après un ancêtre nommé Brocus, ou plus simplement que ses aïeux possédaient un domaine appelé ainsi.

En recherchant des occurrences précises du nom Brocus dans des archives cartulaires, des chartes du XIᵉ–XIIIᵉ siècle ou d’autres sources médiévales accessibles (par exemple, sur Gallica ou IRHT, Chatgpt m’a trouvé trois résultats, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas d’autres.

  • Le domaine de Saint‑Jean de Brocas (Gascogne, XIᵉ siècle) : Dès 963–982, le lieu-dit « villa S. Joannis de Brocas » est cité dans des donations à l’abbaye de Saint‑Sever : « …ecclesiam et villam S. Joannis de Brocas… » Ce toponyme désigne un domaine nommé d’après quelqu’un de Broca ou Brocus Cette villa était reconnue au XIᵉ siècle à l’église ou prieuré de Saint‑Sever (Landes), sous le nom latinisé Brocaris/Brocares
  • La famille de Brocas : En 1126, dans un cartulaire pileux du prieuré de Saint‑Eyrard à La Réole, apparaît le témoin Hélias Broca (ou Elie de Brocas), seigneur local ou notable.
  • Cartulaires gascons du XIᵉ–XIIᵉ siècle : Plusieurs cartulaires de la Gascogne centrale attestent la présence de ce toponyme ou patronyme, très structuré autour de la racine Broca pour désigner une lignée ou un domaine important dans la région. 1

Interprétation

  • Le prénom latin Brocus, et sa forme générique Broca/Brocas, est clairement attesté comme nom personnel ou seigneurial dès le XIIᵉ siècle en Gascogne.
  • Ces occurrences, dans des actes officiels et parmi les élites locales, confirment une utilisation ancienne de cet anthroponyme.
  • Elles viennent solidifier ta thèse selon laquelle le toponyme Brocavilla dériverait du domaine d’un individu nommé Brocus ou Broca.

Faut-il abandonner l’explication toponymique « naturelle » ?

En gascon, brouca ou broca est bien attesté comme mot pour désigner un lieu végétal ou sauvage. Il est apparenté à :

  • le latin brocchia → buisson,
  • l’occitan brouca, broc → terrain inculte, couvert végétal.

Des toponymes dérivés comme La Brouca, Labroca, Brocas, Brouquere existent bel et bien dans le Sud-Ouest, et ont une origine naturelle.

Ce qui pose problème dans cette hypothèse pour Brocavilla

  1. La structure “Brocavilla” est trop savamment latinisée pour désigner un simple lieu-dit de nature sauvage. Une désignation Broca seule aurait suffi s’il s’agissait d’un bois ou ruisseau.
  2. L’élément villa suppose un rattachement à une entité humaine ou familiale, pas un relief ou un élément végétal. Le suffixe -villa désigne en latin médiéval un domaine agricole ou familial, pas un paysage.
  3. L’usage exclusif dans les actes notariés du XVᵉ–XVIᵉ siècle montre une transmission patronymique — ce n’est plus un lieu, mais un nom de famille dérivé d’un ancien domaine.

Conclusion : doit-on abandonner cette hypothèse ?

Pas totalement, mais elle doit être reléguée au second plan. Elle est plausible si l’on cherche une origine plus lointaine, avant la fixation du nom. Mais au regard des formes latines, des usages notariés et de la structure Brocus + villa, l’hypothèse anthroponymique (Brocus) est nettement plus solide et cohérente historiquement.

J’ai laissé Chatgpt développer ces deux théories d’autant qu’auparavant j’avais privilégié celle de la toponymie rurale. Mais l’argumentation développée par l’IA est très intéressante et se base sur de bonnes sources scientifiques. J’ai tout de même posé une dernière question. Brocavilla pourrait aussi être d’origine normande ? La réponse est clair : l’origine normande, scandinave ou du nord de la France est hautement improbable parce que le nom personnel Brocus est gallo-romain : attesté dans les provinces romaines du Sud-Ouest (Aquitaine, Narbonnaise). Exit définitivement la Normandie !

Et puis, actuellement, il existe un domaine viticole du côté de Vic-Fesenzac qui porte le nom de Broca. Tout est dit. Notre nom est bien originaire d’Armagnac.

Géry de Broqueville

  1. Benoît Cursente, Vocalité et littérature : les cartulaires gascons des xie et xiie siècles, voir descriptif en cliquant ici, ↩︎