Plan napoléonien qui montre les restes de l'abbaye de Gimont au début du XIXe siècle.

Plan napoléonien qui montre les restes de l’abbaye de Gimont au début du XIXe siècle.

L’article que j’avais écrit sur l’éthymologie du nom Broqueville était là aussi pour en finir avec certaines vieilles chroniques que j’ai reléguée dans les oubliettes vu que rien ne tenait debout. Je n’ai pas encore abordé l’affirmation de Ludovic Mazeret à propos de l’évolution du nom Broqueville. Selon lui, Broqueville provient de la famille Rocosville que l’on peut trouver dans le cartulaire de Gimont dans quatre actes différents.

A la fin de son essai sur la généalogie de la Famille Broqueville écrite en deux parties (1914-1915), Ludovic Mazeret écrit une note qu’il intitule « note importante ». Il écrit ceci : « Nous avons fait de nouvelles recherches sur les origine de le famille de Broqueville. D’après le cartulaire de l’abbaye de Gimont, la famille de Rocosville, qui ne peut-être identifiée qu’à celle des Broqueville, ne viendrait nullement de Normandie et serait originaire des environs de l’abbaye, c’est-à-dire entre Gimont et Montfort, où elle s’est perpétuée jusqu’à nos jours. En effet, plusieurs membres des Broqueville, dans les années 1152, 1163 et 1194, cèdent plusieurs dîmes et prémices qu’ils possèdent à Témart sur la terre dite de Montaut (Homps) et à Tilhac (le château existe encore). Cette dernière dîme avait été achetée par les moines à Raymond de Goyon. Certains membres de la famille de Broqueville, en cédant leurs dîmes, se font même assurer le droit d’entrer comme moines à l’Abbaye de Gimont ». (1)

Pour en connaître un peu plus sur cette abbaye aujourd’hui presque complètement disparue la page Wikipedia peut apporter quelques éléments supplémentaires mais est clairement à compléter bien que j’y ai déjà rajouté deux paragraphes.

J’ai acquis il y a un certain temps chez un libraire parisien un livre publié par les Archives historiques de la Gascogne en 1905 intitulé « Cartulaire de l’abbaye de Gimont ». C’est le travail considérable l’abbé Clergeac qui a systématiquement repris toutes les pièces du cartulaire et les a recopié dans sa langue d’origine, le latin, et publié en caractère d’imprimerie.

Le cartulaire de Gimont est très ancien et regroupe des documents de 1142 (acte de la fondation) à 1233 date ultime repris dans le cartulaire. Il regroupe ainsi 290 actes qui concernent l’abbaye de Notre-Dame de Gimont et de ses granges. Il est l’œuvre de quatre ou cinq scribes qui ont une belle écriture gothique de la fin du XIIIe siècle. Les initiales sont rouges à quelques exceptions qui sont vertes ou noires. Elles mesurent deux centimètres  environ.

Fort heureusement une table des noms des personnes et des lieux, en français, se trouvent à la fin du volume, ce qui permet très rapidement de trouver ou non les noms recherchés. Et de Broqueville, bien entendu, il n’y en a point. De la famille de Rocosville voire Roscoville non plus ! Je me suis alors plutôt rapproché des noms de lieux comme Tillac et Homps qui sont incorporés dans le territoire d’une des granges de l’abbaye.

Le cartulaire consacré à la grange de Franqueville consiste en 102 actes qui concernent notamment des terres à Tillac (2) : J’ai pris le temps de les lire et il y en a quatre qui effectivement reprennent un nom de famille dont la phonétique pourrait nous amener à imaginer que c’est le nom ancêtre du nôtre. Les voici donc :

  • 12 – Aner de Bocosville (3), Gassion son frère, et Bernard, son beau-frère, donnent la moitié des dîmes et prémices de la terre d’Odon de Montaut, de l’artigal du prieur de Montaut, de la terre Atémard, moyennant le paiement à chacun d’eux que quatre conques de blé (1152)
  • 18 – Gassion et Aner de Bascusvilla vendent pour 10 sols la dîme et prémice de la terre que Guilhem de Labrihe a donné aux moines (1163).
  • 47 – Aner de Bocosville, Gassion, son frère, Bonne, sa sœur et leurs enfants donnent leurs droits sur la dîme et prémice de la terre de Tillac et de 12 concades d’une terre des seigneurs d’Arcomval (1163).
  • 100 – Gassion de Bacosville (4) donne la moitié des dîmes et prémices de la terre que les moines tiennent d’Odon de Montaut, de la terre du prieur de Montaut et de la terre Atémart afin d’être reçu à l’abbaye avec son fils, quand ce dernier aura 17 ans (1194).

Ludovic Mazeret a donc repéré un nom qui ressemble au nôtre. Dans sa restranscription, il transforme le patronyme Bocosville en Rocosville, histoire de nous ressembler un peu plus. Je ne vois pas comment Mazeret peut affirmer avec autant de certitudes que Bocosville et Broqueville sont en réalité la même famille, même si effectivement la première est restée du coté de Tillac. On imagine difficilement que cette famille qui est possessionnée du coté de Homps va s’installer à Monfort en 1275 pour y reprendre une vie à zéro ! Et encore l’on a aucune preuve que notre famille s’est installée dès la création de la bastide. Et si vraiment Mazeret avait raison, il faudrait quand même combler un trou de 325 années. Et ce n’est pas gagné vu la rareté des documents écrits de l’époque.

Je suis partisan de laissé tomber cette théorie puisque l’on a aucune preuve et que tout mon travail ne repose que sur des preuves matérielles établies. La porte reste ouverte bien sûr pour le miracle qui comblerait autant d’année d’histoire, avec documents à l’appui, bien sûr.

Géry de Broqueville

(1) Ludovic Mazeret, Essai généalogique de la famille Broqueville, in Bulletin historique et archéologique du Gers, Auch, 1914 et 1915.
(2) Tillac est situé à l’extrémité-nord de la commune d’Homps. Ces trois endroits, Atemard, Tillac, Frajastville ou Rajast sont contiguës.
(3) En latin : Anerio de Bocosvilla
(4) Non, ce nom n’est pas d’origine normande !