Tant que son nom était sali dans la presse et que l’affaire Coppée n’était pas terminée, Charles de Broqueville ne pouvait en aucun cas revenir aux affaires politiques. L’affaire Coppée était donc terminée dans un sens favorable. Le champ est libre pour revenir aux affaires politiques, Bien que Charles s’en défendait. La politique ne l’intéressant plus.
« Onze Charles, écrivait Neuray à Chabeau, dit maintenant très haut qu’il a renoncé au gouvernement pour toujours. C’est justement pour cela que je ne le crois pas… Tout en protestant de sa renonciation à toute idée de pouvoir, il me raconte des faits qui me donnent à penser qu’il cherche déjà des escabeaux pour remonter en selle. En comparaison des loustics qui nous gouvernent et de ceux qui attendent dans l’antichambre, c’est un grand homme et malin ! Il est très chic et très adroit vis-à-vis du baron Coppée. Il a une manière habile, crâne et détachée qui lui fait non seulement du bien, mais de l’honneur. Et il a la chance d’avoir pour ennemi cet imbécile de Patris qui l’attaque avec la fureur du désespoir. Comme il est couvert, à propos des événements de 1917, par Briand et par la Chambre française, il est sur le velours. Inutile de vous dire qu’il a besoin de Fernand et que le susdit Fernand entend, une fois de plus, le chant de la sirène. Cela m’ennuie, et je marche tout de même, parce qu’il a raison et que c’est notre réserve nationale. Mais je crois que je marcherai rien que pour le plaisir d’être avec un beau joueur… » (Haag 726)
Après Delacroix et Carton de Wiart, c’était Theunis qui tenait les commandes de l’État. Les conséquence de la guerre pesait de tout son poids sur la vie publique. Les conséquences financières étaient préoccupantes. En février 1925, le gouvernement Theunis bat de l’aile, les chambres furent dissoutes et les élections sont prévues pour le 5 avril. C’est le moment choisi par Broqueville pour sortir de l’ombre. Fin mars, il prononça un discours à Dinant dont 10.000 exemplaires furent répandus dans le pays. Ce discours n’était pas original car il parlait de paix religieuse, d’assainissement économique mais surtout de sécurité nationale. Il développa longuement cette dernière idée. Après la paix perdue de Versailles, il annonçaient le relèvement de l’Allemagne. « La revanche se prépare, disait-il, plus ardente, plus passionnée qu’elle ne fut au lendemain d’Iéna« . La première guerre mondiale n’a été que le prélude d’une seconde, laquelle surprendra « les rétheurs en pleine conférence de la paix et la Société des Nations en pleine impuissance« . La Belgique, une fois de plus n’est pas prête. Son outil militaires, si remarquable en 1918, est dans un état lamentable. Pour remédier à cet état de chose, il faudrait ou bien revenir à la loi de 1913, ou bien instaurer le service de 6 mois avec des cadres aussi solides que ceux de l’armée qui nous sera opposée demain. (Haag 727)
Pourquoi Dinant ? Comme on l’a vu précédemment, le seul poste politique qu’il a accepté après la guerre était celui de député de cette ville. Mais les dissensions qui régnait entre les catholiques conservateurs et la démocratie chrétienne était tel qu’il a démissionné de son poste en demandant de devenir sénateur coopté après les élections (ce qui fut fait). Les élections furent dans l’ensemble, un succès pour les socialistes, une catastrophe pour les libéraux. Les catholiques perdirent 2 sièges. Pour la constitution du gouvernement, Vandervelde se voyait bien à la tête d’un gouvernement socialiste/démocratie-chrétienne. Mais l’aile droite du parti catholique refusa. Une bi-partite comme une tri-partite avec le libéraux échoua. Dans les négociations, le nom de Broqueville apparu deux fois dans les rapports au Roi. Broqueville fut convoqué au Palais. La traversée du désert était-elle terminée ? Il osait à peine l’espérer. « Quelle revanche, lui écrivit aussitôt Lichtervelde, ceux qui ont été si faibles à vous défendre, attendent de vous le salut« . (Haag 729) La combinaison qu’il avait en tête était un cabinet catholique avec des personnalité de gauche non-parlementaires (1), de façon à assurer, pour quelques temps, la bienveillance des libéraux. Ces derniers s’opposèrent à ce principe. Ils préféraient un gouvernement catholique minoritaire. Le Roi proposa à Broqueville d’essayer de composer un gouvernement bien qu’il lui signala la difficulté. Broqueville prononça quelques noms auquel il pensait : Poullet, Forthomme, Tschoffen, Wodon, Blaise, Jadot et d’autres encore mais signala au Roi qu’il devait se rendre à Paris pour « affaires urgentes » disait-il (points d’interrogation et d’exclamation dans les carnets du Roi ! (Haag 729)
De retour le 1er ami, il vit beaucoup de monde : Vandervelde, Van Cauwelaert, Magnette, Digneffe, Hymans, Devèze (qui lui fit des déclarations nettement agressives). Les socialistes qui parlaient de « défi » et de « complot fasciste », annonçaient de leur coté « une opposition implacable ». Les libéraux ont finit par avoir une attitudes tout aussi extrêmes. Broqueville retourna chez le Roi et lui fit part de son échec. Le Roi demanda alors à Poullet de lancer une initiative dans la recherche de solutions.
Un mois s’était écoulé depuis les élections. Il a fallu un autre mois pour lancer un nouveau gouvernement catholique-socialiste Poullet-Vandervelde qui débuta sous de funestes auspices et s’écroula un an plus tard, sous les coups de la haute finance, irritée par sa politique financière.
Géry de Broqueville
(1) Pour rappel, les libéraux étaient de de gauche tandis que les socialistes représentaient l’extrême gauche. A la droite, il y avait un seul parti politique, les catholiques avec deux tendances : les conservateurs de droite et la démocratie-chrétienne de gauche. Charles de Broqueville était démocrate-chrétien.