Charles de Broqueville en discussion avec le maire de Dunkerque et le gouverneur militaire de la ville en 1914.

Charles de Broqueville en discussion avec le maire de Dunkerque et le gouverneur militaire de la ville en 1914.

Lors d’une conférence interalliée à Dunkerque le 1er novembre 1914 en présence de Kirchner, Poincaré, Millerand, Ribod et Foch, Broqueville sous son éternelle sourire d’homme optimiste, n’en menait pas large. Il venait de recevoir une lettre du Roi lui intimant l’ordre d’écrire un démenti à l’adresse du journal « Le Petit Parisien » qui avait fait paraître une interview du Chef de cabinet qui décrivait le roi sous des aspects peu flatteurs comme « celui d’un brave homme, troublé par les événements, en prise aux hésitations et aux scrupules » (Haag 296)

De plus, il proposait le démantèlement de l’empire Allemand qui était dominée par une Prusse autoritaire et violente alors que les autres duchés comme la Saxe, Bade ou le royaume de Wurtemberg n’étaient pas du tout de la même trempe que les Prussiens. C’était bien la Prusse qu’il fallait abattre. Cela se disait partout, à tous les échelons de la diplomatie mais jamais personne n’avait osé écrire cela. Broqueville ne s’y connaissait pas en politique étrangère. Il fit ainsi sa première entrée dans le domaine. Le Souverain lui reprochait ainsi de briser la stricte neutralité de la Belgique. En un mot comme en cent : « Être neutre, c’est se taire » ! Le 5 novembre, Le Roi redoubla de fureur car en guise de démenti, Broqueville accepte que « Le Petit Parisien » fasse paraître un extrait de la lettre du Roi à Broqueville datant de 1913 où le Roi écrit « Il n’est pas pour moi de plus complet apaisement que d’en référer à un ministre dont j’ai constamment apprécié les sentiments si élevés de loyauté et de justice » (Haag 298)

Même la reine dira dans ses notes : « Chose incroyable. Broqueville est fou d’orgueil !« . Broqueville remis sa démission qui fut acceptée par le Roi, tout en se réservant d’y donner suite quand il jugera utile de le faire. Ce n’est pas en ces moments aussi difficiles que l’on accepte la démission d’un ministre d’autant que le 6 novembre le Roi avait une rencontre avec le président Poincaré et Broqueville. « Le Petit Parisien a publié le démenti le 11 novembre.

Haag dans ses pages 304-306 exprime ses réflexions personnelles sur les relations entre le Roi et Broqueville. Ainsi il écrit : « Broqueville supportent difficilement les conseillers intimes du Roi, qui croyait-il; sabotait sa politique. De par la constitution, les véritables conseillers étaient les ministres -en particulier lui-même-, et il entendait maintenir ce droit. Toujours prêt à accepter les recommandations du monarque, il refusait d’être un simple exécutant. Le Souverain pouvait, certes se séparer de lui. Loin de lui contester ce pouvoir, Broqueville lui avait même remis, comme nous savons, une démission valable en tout temps, geste au premier abord déférent, bien qu’à la réflexion il exprima une sorte de défi. Le chef de cabinet, qui savait le Roi incapable actuellement de le congédier, entendait le lui prouver. La surveillance constante de l’un par l’autre, et les coups de griffes, n’empêchaient pas cependant le compromis et la collaboration« . (Haag 306)

Voilà donc le premier moment où Broqueville donna sa démission au Roi Albert Ier. Ce ne sera pas la dernière fois qu’il utilisera ce subterfuge pour faire passer certaines idées, comme on le verra par la suite.

Géry de Broqueville