Si mon frère Géry est un quasi Monfortois par l’esprit, y venant une fois par an pour le plaisir ou plus particulièrement pour apprendre à connaître nos origines familiales, je ne connaissais pour ma part, absolument pas cette superbe région. Si il y a plus de 10 ans les membres de l’association de famille Broqueville ont eu la chance d’y faire un voyage organisé, je ne pu y aller personnellement. C’est par le biais du bulletin familial ou encore par des discussions avec les uns et les autres que j’ai pu me raccrocher à notre histoire pas si ancienne que cela.
Cependant, quelques semaines avant son départ annuel pour le Gers où les archives de Monfort et du département l’attendent, Géry me propose de le rejoindre pour de la détente et découvrir cette belle région. J’étais encore loin de m’imaginer de ce que nous allions vivre !
Géry m’accueille à l’aéroport de Carcassonne et directement je tombe sous le charme de cette région. Nous nous établissons à l’Hôtel de France situé sur la Place de Auch. Dès le premier jour, nous nous sommes rendus à Monfort, par un temps gris, bien belge. Après une visite de l’église avec le blason Broqueville situé sur une clé de voûte, nous nous installons à midi autour d’une bonne table à l’arrière de « la Grignotière », restaurant tenu par Madame Laurier, née Bigourdan.
Géry me propose ce jour là une sorte de quête du Graal ! Cela fait des années qu’il sillonne les routes de la commune de Monfort et une chose l’a toujours intrigué : On parle toujours du château d’Esparbès (1), mais il n’en existe plus aucune trace photographique, de plans, de cartes postales, … Rien ! Alors que l’on sait qu’il était encore « debout » dans les années 1930… Aller à la rencontre du passé, voilà une belle manière de découvrir la terre de nos ancêtres !
Avant de raconter ce petit bout de cheminement, mon frère et moi-même nous voudrions remercier du fonds du cœur les Monfortois pour leur accueil aussi simple que chaleureux ainsi que leur esprit d’ouverture, nous recevant parfois à des heures tardives et souvent sans y être vraiment invité … Qu’ils reçoivent ici toute notre reconnaissance !
A notre connaissance, il n’existe aucune description, de ce mystérieux château d’Esparbès si ce n’est la carte de Cassini (2) qui indique au XVIIIe siècle qu’il y a bien un château à Esparbès. Comment était-il construit ? Mystère que nous avons décidé d’essayer de lever ! Allons-nous découvrir la vraie histoire de ce château ? Bref… Une véritable quête du Graal !
Nous sommes allez d’abord à Esparbès. La situation actuelle est simple : Lorsqu’on arrive au « lieu dit » Esparbès, à gauche de la route se trouve une grande marre d’eau entourée de murs épais retenant des terres en rehaut. Ces murs tiennent vaille que vaille mais semblent encore solides. Un des murs se prolonge en axe vers deux grands piliers encore debout aujourd’hui. C’est sur ce mur en axe qu’un membre de la famille Broqueville a acheté une « grosse pierre» ou était gravé le nom de Louis de Broqueville (3).
Dépassant ces deux piliers, on se trouve face à une immense grange qu’aujourd’hui abrite des dizaines de vaches. Sur la droite se situe une jolie maison, construites avec des pierres provenant de l’ancien château. A gauche, en face de cette maison se trouve un petit escalier de 6 marches entourées de deux petits murets. Cet escalier rejoint un espace plane ou se retrouve encore au sol des traces d’une « terrasse » et un peu plus loin une bâtisse qui est aujourd’hui un poulailler en rectangle. Sur sa droite un puits. Autour de cet ensemble se situe un grand fossé, mais qui s’arrête en demi-cercle. A gauche du poulailler, se trouve un jardin bien entretenu suivit d’un champ. Un puits s’y trouve bizarrement placé au milieu.
Cette propriété appartient à la famille Manzoni depuis deux générations. Elle a été achetée à la famille Hournac en 1968 (acte passé chez le notaire Brun à Mauvezin). Sur le château même, les Manzoni ne connaissent rien, et espèrent un jour en savoir plus. A force de discussion avec eux nous les avons incités à nous dire s’ils pourraient connaitre des témoins vivant et ayant peut-être connu le château. Bernard Manzoni (ci-contre) signale l’existence de Margot (Marguerite) Glauco, peut-être la famille Montaubric qui aurait travaillé pour les Hournac…
Avant d’aller plus loin avec les témoignages oraux, Géry avait déjà rencontré Madame Laurier, née Bigourdan à « La Grignotière ». Celle-ci lui avait proposé un rendez-vous avec son beau-frère, M. Roucolle, en début d’après midi de notre deuxième jour. Monsieur Roucolle aujourd’hui âgé de plus de 80 ans est sans aucun doute une des mémoires vivantes de Monfort. S’il se souvient bien d’Esparbès, c’est surtout la bâtisse de l’après-guerre. Il nous signale que l’on aurait dû venir un an auparavant pour rencontrer sa femme Elise Bigourdan, décédée depuis lors. Elle était un témoin privilégié puisqu’elle a vécu au château.
Quelques idées s’entrechoquent quand même, mais il ne va pas nous apprendre grand chose. Même si sa fille et son gendre essaient de raviver les souvenirs de leur aîné. Après quelques discussions acharnées, M. Roucolle nous parle d’Elie Montaubric qui aurait vécu au château ou travaillé pour les Hournac, ainsi que Margot Glauco qui serait une nièce de Hournac, ou apparentée. La famille Roucolle, après avoir téléphoné au Montaubric, nous emmène par mont et par vaux jusqu’à la demeure d’Elie Montaubric. Ce dernier, avec Denise Caubet sa femme, nous ont reçu sur le pouce, comme on dit chez nous !
Elie Montaubric se souvient que son père avait travaillé à Esparbès comme fermier et nous montre une photo de ce dernier à vélo en 1946 précise-t-il.
La photographie a été prise à l’arrière de la grange cachée par des baraquements. Ses souvenirs sont aussi ceux d’un jeune écolier qu’il était. Il passait à vélo au loin et se rappelle voir encore une tour qui indiquait le château d’Esparbès. Décrire le château lui est impossible, n’ayant jamais vraiment approché ce lieu. Il dit également se souvenir que la nièce de Hournac, Margot Glauco qui habite Monfort, pourrait nous aider ainsi que M. Bacquié.
Avant de rencontrer ce dernier, nous avons discuté avec Jacques Fourcade, à la Mairie, qui nous a confirmé que le bâtiment a été démoli, probablement dynamité au début de la guerre. Nous avions encore deux pistes : Celle de M. Bacquié et celle de Margot Glauco.
Après une nouvelle soirée de réflexion, nous avons rencontré les Bacquié. La difficulté majeure est que ce dernier ne peut plus s’exprimer à cause d’une paralysie presque totale. Son épouse nous a aidé à communiquer avec lui. Les informations que nous avions reçues précédemment ont été confirmées par M. Bacquié. Mme Bacquié nous a donné l’adresse du notaire successeur de maître Brun : Maître Saccaro. Bien que nous l’ayons contacté, cette dernière n’a pas encore donné de réponse. Cette recherche sera effectuée fin 2011.
Dés lors une seule solution s’imposait : rendre visite à Margot. Il est évident qu’elle devenait quelque part et à ce stade de nos recherches la seule à pouvoir nous confirmer ou infirmer ce que nous avions déjà appris. Arrivés chez Margot (4), celle-ci nous parla abondamment du Château d’Esparbès : C’est en 1938-1939 que le château a été démoli parce qu’il menaçait de s’effondrer. Son oncle Fernand Hournac a récupéré beaucoup de pierres qu’il aurait revendues dès qu’un amateur se présentait (voir note en bas d’article). Margot Glauco (ci-dessous) nous avoue avoir vendu encore, il y a quelques années, des marches d’escaliers qu’elle avait gardé dans sa propriété à Las Caillaouses.
Actuellement, il reste l’assise du bâtiment dont on voit encore un mur et un escalier (voir photos dans l’album ci-dessous). Un des murs d’angle du poulailler est très probablement le mur de la maison proprement dite. La largeur du bâtiment correspond très probablement à la longueur du
poulailler. Cette dernière devait être un parallélépipède, dont le coté restant actuel comportait une entrée secondaire de service. L’entrée principale se trouvait sur la façade de gauche qui faisait face au jardin et un peu plus loin au potager qui se terminait au pied de la mare.
Les habitants du château arrivaient sur la gauche du bâtiment. C’était des grosses marches qui accueillaient le visiteur (entre 8 et 10 m de large). Une grande porte s’ouvrait sur un hall qui précédait un escalier monumental qui montait à l’étage. Au rez-de-chaussée, quatre pièces structuraient la maison. C’était la même chose à l’étage. Ce parallélépipède était augmenté à l’arrière par un bâtiment appelé actuellement encore le chai. Selon des documents plus anciens, il devait y avoir un chai pour y préparer le vin vu qu’Esparbès était connu sous le nom de « Vignoble d’Esparbès ». Ce chai était relié au château par une porte qui devait se situer au niveau de la cave. On voit encore actuellement cette porte.
Le chai est une bâtisse qui possèdent des murs très épais (au moins 1,5 m au niveau de la porte). Il est construit dans la prolongation de la grange. Cette dernière a été construite il y a bien longtemps et était là avant l’arrivée des Hournac.
Une tour existait. Bien que selon les témoignages, son emplacement diffère, Margot soutient que cette tour
était construite à l’angle du chai, donc à l’arrière du bâtiment. Cette tour semblerait être plus ancienne que le reste du bâtiment. Sous la tour une cave plus profonde fait dire à Margot qu’il s’agissait d’oubliettes. La tour était ronde avec un toit pointu et de grosses tuiles rouges. C’était une grosse tour bien droite un peu comme celle du château de Bouvées, près de Mauvezin. (Photo ci-contre)
Margot insiste sur la profondeur des fossés qui entouraient la demeure. En visitant l’endroit avec Bernard Manzoni nous avons vu, en effet, des fossés profonds à certains endroits. Margot nous explique aussi qu’un chemin partait de l’arrière du chai vers un endroit très ombragé où il faisait bon de manger le repas de midi en plein été sur une table et des chaises de jardins en fer.
Nous montrons à Margot une carte postale représentant le château d’Esparbès situé au sud de Plaisance. Bien que ce château ne soit pas le même, Margot trouve qu’il y a tout de même une ressemblance sur la question de la disposition de la tour. Ci-dessous, un plan reprend l’état de nos connaissances actuelles. (Plan du château tel qu’il aurait pu être et dessiné sur base des informations recueillies – pdf)
Nous voilà à la fin de ce périple, faute de temps, nous ne pouvions aller plus avant, avec pleins d’idée en tête. Restera à vérifier auprès du notaire, s’il est encore en possession d’actes concernant cette propriété. Nous espérons aussi des réactions des Monfortois. Nous espérons, qu’à Monfort, les anciens ou encore les habitants d’aujourd’hui puissent trouver de vieilles photos ou des cartes qui pourraient représenter le Château d’Esparbès … Qui sait !?
Ferdinand de Broqueville
Note : Depuis la parution dans le « Petit monfortois » qui est la revue de Monfort, Roger Hournac, fils de Fernand et Jeanne Cornac, a contacté la mairie de Monfort pour signaler quelques corrections qui seront faites dans le bulletin suivant. Grâce à ce contact, j’ai pu aller un peu plus loin dans la connaissance de ce lieu. M. Hournac a pu aussi corriger quelques informations comme le fait que son père n’a pas revendu les pierres du château mais celle-ci ont bien servie à construire la grande maison actuelle en 1938-1939 et non en 1942. M. Roger Hournac se souvient de la maison en 1941 alors qu’il était encore un enfant. Il se souvient aussi d’une table ancienne qui se trouvait près de la marre et qui a été probablement dérobée. Il me confirme qu’il y avait bien des oubliettes qui se situaient devant la grange actuelle.Il me signale aussi que son père lui avait dit que le château était construit avec deux murs séparés par de la terre argileuse ce qui donnait des murs de grosse épaisseur. Géry de Broqueville.
(1) C’est Louis de Broqueville (1784-1864) fils de Jean-Joseph-Bernard de Broqueville et d’Ursule de Lherm de Larcène qui a habité le château d’Esparbès jusqu’en 1864, année de son décès. Il y vivait avec Basilide d’Aspe (1803-1882). Sans postérité. Actuellement, on ne sait pas de qui provient ce bien ni à qui il a été vendu après sa mort. Dans un prochain article, je publierai des informations nouvelles sur les habitants d’Esparbès.
(2) La famille Cassini a établi les premières cartes géométriques de l’ensemble du territoire français. La carte du Gers a été publiée vers 1771. (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_de_Cassini)
(3) Cette pierre se trouve actuellement dans une propriété Broqueville en Provence.
(4) Le père de Margot, Guy Glauco a épousé Anne, sœur de Jeanne épouse de Fernand Hournac. C’est ce dernier qui a acheté la terre d’Esparbès en 1937 à M. Labat.
(5) Construit sur la rive droite du Boues, ce château remonte au XIIème siècle. Trois siècles plus tard, sa tour quadrangulaire a été remplacée par une tour ronde.