A l’instar de l’hospice de Beaune 1 qui était bien possessionnée de terres et de vignes pour financer le fonctionnement de l’hôpital, celui de Monfort possède une métairie appelée la « métairie des pauvres ». Cette métairie a été donnée par testament par un habitant de Monfort. Visiblement cette métairie a été au centre de beaucoup de jalousies entre les habitants.
J’ai eu du mal pour trouver un texte liant la métairie des pauvres et l’hôpital jusqu’à ce jour. Ainsi, j’ai découvert 2 que Jean Broqueville fils à feu Antoine était marguillier et syndic des pauvres de Monfort. Le marguillier gère les biens qui dépendent de l’hôpital Saint-Blaise tout en étant le gestionnaire de ce dernier. Nous n’avons pas de description exact de cette métairie si ce n’est en 1757 où l’on sait aussi où elle se situe : « (…) acceptant savoir les biens appartenant aux dits pauvres situés dans la juridiction dudit Monfort pausant dit de la Barouilhe de Saint-Blaise 3 consistant en terre, pré, bois, tout joignant et contigu limité et confrontés au cadastre dudit Monfort (…)« . 4 En tout cas elle est mise très souvent en location auprès des laboureurs de Monfort, généralement à demi-fruit. Elle fait partie des biens des pauvres depuis au moins l’année 1551. Il n’est pas impossible qu’elle soit plus ancienne et donc que le système de protection des pauvres le soient aussi.
Tous les habitants de Monfort ont cotisé et fait des dons pour cet hôpital. Sans contestation, c’est Jean Barouilh qui a été le plus généreux puisqu’il a donné, par testament du 30 décembre 1571, la métairie qui porte son nom avec les terres, plus une maison, jardin et pâture situé à la Grande rue dans l’enclos de Monfort, à l’hôpital, ce qui fait dire à un procureur du roi (voir texte ci-dessous) que l’hôpital Saint-Blaise est bien doté et a de confortables revenus.
Gestion controversée chez les pauvres
Plusieurs documents se trouvant aux archives de Monfort montrent que la gestion des biens de l’hôpital ne s’est pas déroulée comme il fallait. Un arrêt du procureur du roi daté de 1655 5 nous indique qu’un contrôle des comptes des marguilliers a été fait par le juge de Mauvezin. Son constat a été qu’en connivence 6 avec les consuls de la ville, les marguilliers s’étaient rémunérés sur les revenus de la métairie des pauvres. Le procureur demande à certains marguilliers de rembourser la somme de 4.000 livres (l’emprunt et les intérêts) réparties entre eux dont des Broqueville. La liste des marguilliers indélicats est agrafées au texte :
– Rôle du sieur Guy Fons a signé en ?? de la requête ?? pour les pauvres de Monfort (illisible) la somme de 1200 livres en 1630.
– Bernard et Blaise Broqueville, père et fils ont été condamné à payer les intérêts de la somme de 785 livres depuis l’année 1626 fait par 49 livres et conduit de 29 années montant de 1421 livres et le principal 785 livres tout principal et intérêt 2.206 livres.
– Bernard de Belin, sieur de Saint-Clar comme héritier de feu Guillaume Saluste sieur de Canet
– Guillaume Saint-Martin et Jacques Libéros ont été condamné à payer les intérêts de 307 livres de l’année 1630 à raison de 20 livres durant 25 années montant de 518 livres
– Virgile Taules marguillier Jean ?? consul
– Arnaud bordier et Blaise Gissot en 1633
– Alexandre Caubet de l’année 1634
– Guillaume Saint-Martin pour l’année 1635
– Jehan Saubat et Alexandre Saliné pour l’année 1636
– pour l’année 1637 Jehan Lafont
– Pour l’année 1638 Jehan Daguzan
– Pour l’année 1639 Orens Saliné
– Pour l’année 1640 Jehan Saubat et Jean Pona
– Pour l’année 1641 Isaac Sabathier et les héritiers de Vidal Garros
A l’arrière de cette liste il est indiqué cette phrase : « Faudra assigné Jehan Broqueville sieur d’Empiroy à être condamné à rendre compte des années qu’il régit et gouvernait les biens de l’hôpital et a rebâtir y celui capital (… illisible) »
L’affaire n’en reste pas là
Dans un texte de 1678 qui oppose Marguerite Broqueville et les pauvres de Monfort l’on constate que la métairie de La Barrouilhe dépend de l’hôpital de Monfort mais que Bernard Broqueville, père de Marguerite a joui de cette métairie toute sa vie : « Concluent les dits seigneurs de l’ordre en premier lieu à ?? disposition fait suite à leur profit des biens saisis par ladite Broqueville la métairie appelée à la Barouilhe avec les contenances et dépendance contenant de quinze concades, 27 places et tout ainsi que le dit feu Broqueville en a joui de son vivant situé en la juridiction dudit Monfort« . 7
Ce genre d’affaire a duré durant tout le XVIIe siècle avec à chaque fois reprise des anciens documents pour vérifier ce qu’on fait les descendants, de certains revenus par eux « dévier » vers leur propre fortune. Le problème qui a été soulevé aux XVIIIe siècle est que les marguilliers ne sont jamais payés pour le travail fourni. Ils ont droit de se rémunérer sur les revenus sans que quiconque ne précise le montrant de la rémunération. La dérive vient donc de là. C’est pour cette raison que le procureur parle de connivence. Ce sont les consuls qui avaient le pouvoir de décider de mettre une rémunération fixe pour les marguilliers. Ils n’ont rien fait. Il sont donc coupable par omission et complice des détournements.
La métairie de Barouilhe, abandonnée !
On retrouve encore la métairie de Barouille de Saint-Blaise en 1759 comme étant en friche depuis de nombreuses années. C’est Bernard Broqueville qui est premier consul qui décide, en tant que gestionnaire des biens des pauvres de la remettre en ordre et d’y placer une famille pour la cultiver et l’entretenir des années durant.Sa fonction est décrite ainsi : « premier consul du dit Monfort et en cette qualité du bureau d’administration des biens des pauvres du dit Monfort« . 8
Les marguilliers ont pourtant essayé de poursuivre tous les contrevenants en les faisant rembourser que ce soit sous forme d’argent, de terrains, de sacs de blé froment, etc. C’est ainsi que les registres des notaires de Monfort sont remplis de ces actes où les marguilliers font rembourser les personnes. A se demander si, comme je l’ai dit dans un article précédent, les donateurs n’étaient pas aussi généreux qu’ils ne paraissent, à l’exception unique semble-t-il de Jean Barrouilh.
Comme la métairie de Saint-Blaise est située derrière la chapelle du même nom, l’on pourrait se demander si cette chapelle ne faisait pas partie d’un ensemble plus vaste qui devait être constitué d’une partie de l’hôpital. N’oublions pas que durant différentes périodes de peste la chapelle avait un cimetière qui accueillait les nombreux morts. Dans aucun plan cadastral, ni dans la carte de Cassini, on voit le nom la métairie de Barrouilh. C’est donc au début du XIXe siècle que le nom de la métairie disparaît des plans cadastraux !
Géry de Broqueville
Note : pour mieux connaître les histoires de l’hôpital Saint-Blaise et les bassins des pauvres, tapez « pauvre » dans le champ recherche, dans la colonne de gauche.
- L’hospice de Beaune est fondé par Nicolas Rolin et son épouse en 1443. ↩︎
- Notaire Lauzéro, Archives départementale du Gers, cote 3E8856 (ref : 18227-18231) ↩︎
- Dans la nomenclature des adresses et des lieux-dits de la juridiction de Monfort, cette métairie est tombée définitivement dans l’oubli. ↩︎
- Bail de vignes au tiers des fruits Broqueville contre Pommés, notaire Jean-François Dabrin, AD32, côte 3E8809, (10489-10496) ↩︎
- Arrêt du procureur du Roi, monsieur d’Ollivier, Archives municipales de Monfort, ref : 11796) ↩︎
- Termes utilisés dans l’acte du procureur. ↩︎
- Acte des pauvres de Monfort contre Marguerite Broqueville, Archives municipales de Monfort (ref : 10098) ↩︎
- Notaire Jean-François Dabrin 17456-1759, coté 3E8809 aux AD32 (10524-10530) ↩︎