Dans le Nobiliaire de Guienne et de Gascogne de 1860, l’on peut aisément aborder la famille de Gères qui est seigneur de Sainte-Gemme et que l’on retrouve de temps en temps dans des documents chez les notaires de Monfort, notamment. Ainsi l’on trouve Jean-Bernard-Raymond de Gère, seigneur de Sainte-Gemme et du Bustet, baron de Saron né en 1169, mort en 1249 qui se croisa et reçu la baronnie de Saron en Palestine des mains du roi de Jérusalem. Il y a épousé en 1223 Agnès Kirwan de Malvin d’Esparbès (1205-1225) fille d’un seigneur croisé comme lui. (Les châteaux d’Esparbès, de Gères et de Sainte-Gemme étaient très voisins). Il reçut de Bernard d’Armagnac la partie de la terre de Sainte-Gemme qui appartenait à ce dernier. Son fils, Arnaud de Gères, né en 1230, signa comme témoin l’acte de fondation et des coutumes de Monfort daté du 10 novembre 1275.
Son autre fils, Bernard-Raymond était considéré comme co-seigneur de Sainte-Gemme, de Bustet et d’Esparbès en 1249. De son mariage avec Ide de Biran, il eut Bernard qui lui aussi était co-seigneur de Sainte-Gemme et d’Esparbès en 1255. Le petit-fils de ce dernier, Odon de Gères, seigneur de Sainte-Gemme en 1352, né en 1322 mort en 1399, a épousé en seconde noce en 1353, Jeanne du Faur dont il eut 5 enfants dont Manauton qui continue la lignée. Je cite ce personnage à propos de son épouse qui est une du Faur de la même famille que celle qui s’est alliée par deux fois, environ deux siècles plus tard avec la famille Saluste du Bartas.
Antoine de Gère, fils de Manauton est seigneur d’Esparbès en 1456. Le 21 mars 1421, il rend hommage pour quelques portions d’Esparbès. De son mariage avec Françoise de Léaumont, il a quatre fils dont Bertrand de Gère. Celui-ci se marie avec Catherine du Bourg qui en a 6 fils dont Antoine de Gère né en 1453 et mort en 1522. Il figure comme témoin, en l’année 1502, dans l’acte de partage de la famille d’Astugue de Corné et d’Esparbès. Il rend hommage des terres de Sainte-Gemme et d’Esparbès, avec les autres seigneurs du Fezensaguet, le 17 août 1519 à Charles, duc de Vendôme, époux de Françoise d’Alençon.
La famille de Gères avait pris le parti des comtes Jean IV et Jean V d’Armagnac contre les rois de France. Lors de la chute de Jean V, Antoine de Gères fut presque entièrement dépouillé de ses biens. Trois ans plus tard, il réussit à rentrer en possession des droits et revenus féodaux de la seigneurie d’Esparbès mais ce fut pour une courte durée. La famille de Gère se dispersa notamment en s’installant dans le bordelais. Mais ceci est une autre histoire.(1)
Revenons plus en arrière dans le texte qui précède.Nous avons vu que Jean-Bernard-Raymond de Gère a épousé en 1223 Agnès de Malvin d’Esparbès fille d’un seigneur croisé comme lui. (Les châteaux d’Esparbès, de Gères et de Sainte-Gemme étaient très voisins). Le château d’Esparbès existait-il déjà au début du XIIIe siècle ? Ce n’est pas du tout impossible puisque le château d’Esclignac remonte au XIe siècle sous la forme de Castrum.
Visiblement, Esparbès a été possédée en coseigneurie probablement depuis toujours. Ainsi au comme on le voit la famille de Gères a été de nombreuses années coseigneur d’Esparbès avec l’autre famille qui possédait la majorité des terres et le château : les Astugue. Cette notion de coseigneurie existera jusqu’à la révolution française.
Les Astugue
Dans le texte déjà publié en 2012 à propos d’un document d’une page qui fait référence à la donation, en 1436, du Comte Jean IV d’Armagnac à un de ses capitaines en remerciement, probablement, de services rendus, nous avions des difficultés à déchiffrer le nom de la personne qui reçoit le bien. Maintenant, nous sommes absolument certains que le nom de cette famille est d’Astugue.
La Maison d’Astugue est très ancienne. On les retrouve comme consul de la ville de Auch : en 1418, nous voyons Bertrand d’Astugue, en 1428, Bernard est trésorier général du comté d’Armagnac. En 1434, Noble Bernard est aussi seigneur d’Augnax. En 1447 et 1448, c’est au tour de Pierre d’Astugue d’être consul d’Auch (3). Cette famille gravite autour de la capital du Comté d’Armagnac durant un ou deux siècles. Plus tard, Abraham d’Astugue est sieur de Merens et épouse Catherine de Frère arrière-petite-fille de Guillaume Saluste du Bartas (4) tandis qu’Alexandre épouse en 1633 Jeanne de Frère la petite-fille du poète.
Chez le notaire de Bosquéry (coté 3E8791 aux Archives départementales du Gers), nous avons retrouvé un testament de Johanna de Plaugala femme de Jean d’Astugue, seigneur d’Esparbès, daté du premier novembre 1521. Ce texte très difficile à lire cite par deux fois le patronyme Saluste. Un Johanes de Brocavilla (Broqueville) est témoin de ce testament qui semble être écrit dans le château d’Esparbès à Monfort.
Nous avons retrouvé un autre texte manuscrit daté de 1544-1545 dans la série B (B1 (folio 206) des Archives départementales du Gers et est une pièce de procès qui oppose Jean et Pierre Lagravère et Antoine d’Astugue, seigneur d’Esparbès. Ce même Antoine a maille à partie avec « Bertrand Bidailhet, sergent de Monfort, arrêté pour avoir contrevenu aux statuts de la cour, statuts qu’il ne pouvait ignorer, ‘car chaque année, à la fête de Saint-Louis, en l’auditoire, la publication dudit statut se fait en présence des sergents de la Sénéchaussée avec les prohibitions de de n’exploiter lettres royales sans parréatis (?) de la présente court ou que au préalable soient vues » (6). Antoine vit toujours en 1564-1565 où un procès l’oppose toujours comme sieur d’Esparbès à Jean de Manas, co-seigneur d’Homps (5).
En 1578, lors d’une procédure faite par Henri Groslot, seigneur de Chambaudoin, conseiller au Grand- Conseil pour le roi de Navarre, comte d’Armagnac, au sujet des usurpations de justices faites par différents seigneurs d’Armagnac. On y trouve Marguerite d’Astugue, dame d’Esparbès (7).
C’est à ce moment que l’on peut faire intervenir cette fameuse page découverte et qui nous donne une indication importante puisque les consuls de Monfort demande à Anne de Rey, propriétaire d’Esparbès de fournir un document daté du 14 février 1576. Dans cet intervalle de 10 ans, la transmission du château d’Esparbès s’est effectuée vers la famille de Rey, sans encore savoir si ce bien est arrivé dans cette famille par héritage ou par achat.
Ce texte d’une page est fondamental puisque les consuls proposent que l’intégralité de la terre d’Esparbès soit considérée comme noble en y incluant des portions de terres qui ne le sont pas. Les consuls ont perdu la trace de l’histoire de ces terres éparses qui étaient certainement nobles puisqu’elles sont issues de la propriété de la Maison de Gères donné aussi par Jean IV d’Armagnac.
Toujours est-il que dans le cadastre de 1591-1597, on y voit le sieur d’Esparbès dont malheureusement on ne donne pas son véritable nom est propriétaire d’une cinquantaine de concades de terre à Monfort dont 3 à Esparbès (pré, vigne, fibre et jardin) et 39 concades à En Barret. Il s’agit probablement de Etienne de Rey.
Au XVIIIe siècle, les d’Hélies, les Gimat, les Vigiers
Anne de Rey est décédée le 6 novembre 1680 à Monfort. Pour le petite histoire, sa mère est Marie Saluste du Bartas qui avait épousé, en 1608, Estienne de Rey. Elle est donc la petite fille du poète Guillaume Saluste du Bartas. Anne a épousé Jean-François d’Hélies seigneur de Lasplaignes qui devient ainsi seigneur d’Esparbès. De ce mariage, nait sept enfants dont Marguerite d’Hélies (8) qui épouse Charles Gimat sieur de Larroque qui prendra le nom de Gimat de Larroque et d’Esparbès. De ce mariage naitra trois enfants, Jean-Pol, Suzanne et Marthe. Suzanne aura deux enfants naturels Marie et François, dont nous ne connaissons pas la postérité.
Le 12 octobre 1617 (9), une confrontation violente a lieu entre Jacques et Janeton de Vigier fils de Bertrand, seigneur d’Esparbès et les consuls de Monfort ainsi qu’une vingtaine d’habitants de Monfort dont des Broqueville. Les deux frères veulent empêcher le paiement du denier royal par son père. Apparemment, lorsque la troupe de monfortois arrive à la demeure du sieur Bertrand de Vigier, c’est sa fille Héliane qui les reçoive. Il semblerait qu’elle apaise les choses et acceptent que payer les deniers royaux.
Et en même temps, nous avons Suzanne d’Hélies, femme de Jean de Vigier qui signe sur l’acte de baptême de sa fille Marguerite, en 1685, Suzanne d’Esparbès (10). Elle est dite coseigneuresse dans un document (11). Ce couple a donné deux garçons, Guillaume et Estienne, et 6 filles (Marie, Claire, Marie-Anne (deux fois), Anne et Marguerite). Ils sont tous nés au château d’Esparbès.
Claire de Vigier (vers 1680-1729) a épousé Jean-Pierre Gimat (vers 1675-1755) qui a changé son nom en Gimat d’Esparbès. Ce couple a eu trois enfants, Suzanne née en 1709, Marie-Anne née en 1710 et Etienne-Louis né en 1729. Ce dernier a épousé Marie-Anne Louise de Solirène en 1780. Nous ne connaissons pas leur postérité. Mais nous avons retrouvé au Parlement du Royaume de Navarre à Pau deux actes de dénombrement montrant clairement que le père (hommage fait en 1754) et le fils (hommage fait en 1755, 1761 et 1777), sont coseigneurs d’Esparbès.
En 1786, il semblerait que certaines parties d’Esparbès passent encore dans d’autres mains. Toujours au même Parlement de Navarre, on trouve l’hommage du sieur de Solirène, procureur du roi en la juridiction de Monfort pour les directs de Canet et d’Esparbès qu’il a acquis du sieur de Bonnefont habitant du lieu de Fieux. Or le sieur de Bonnefont est l’époux de Catherine de Vigier qui fait hommage, le 6 juin 1760, pour la terre d’Esparbès. Catherine est la fille de François de Vigier, capitaine au régiment de la Couronne.
Ainsi l’on voit que la seigneurie d’Esparbès passe, en partie, la plupart du temps entre les mains de différentes familles par héritage ou par achat. Et c’est comme cela que l’on avance petit à petit dans la connaissance de la généalogie du château d’Esparbès à défaut d’en trouver une gravure, une photo ou un texte desciptif.
Géry de Broqueville
(1) La généalogie de la famille de Gères est issue du tome III du Nobiliaire de Guyenne et de Gascogne publié en 1860 (pp.13-36).
(2) Sénéchaussée de Lectoure 1648-1660, coté aux Archives départementales du Gers (ADG) B135 (folio 52 vo) qui reprend une pièce de procès de noble Abraham d’Astugue, sieur de Merens, contre noble Julien de Cahuzac, sieur de Saint-Lane, fils de noble Etienne de Saint-Julien, sieur de Saint-Lane.
(3) Prosper Laforgue, Histoire de la ville d’Auch depuis les romains jusqu’en 1789, Paris, 1851.
(4) Mérens est situé dans le diocèse d’Auch pas loin de Jegun, de Castéra-Verduzan et du château de Lavardens.
(5) Sénéchaussée de Lectoure 1548-1549, coté aux ADG, B2 folio 113.
(6) Sénéchaussée de Lectoure 1564-1565, coté aux ADG, B13 folio 271 vo
(7) J. Noulens, Document historique sur la maison de Garlard, tome 3, 1874, page 48.
(8) Les six enfants sont Marguerite et Michel, tous les deux nés avant 1636 sans être forcément des jumeaux, Marianne née en 1637, Jacquette née en 1644, Marie née en 1653, Antoine, mort en 1652 et Jeanne, décédée en 1688).
(9) Verbal fait sur la confrontation en ?? des deniers royaux pour Nandin ?? à lui le procureur du roi contre contre le sieur Jacques et Janeton d’Hélies fils du sieur d’Esparbès, pour le syndic de la communauté de Monfort contre le sieur Gimat d’Esparbès. Papiers de Monfort (ref : 9793)
(10) . Je ne sais de qui elle descend. Elle est peut-être la soeur de Marguerite.
(11) Extrait d’un procès se déroulant à Monfort sous la supervision de la Justice royale de Mauvezin.