Par quel cheminement, un bout de papier daté du 26 mai 1679 soit arrivé, dans ma boîte aux lettres, le 2 juin 2025 ! Certes, il n’a pas été posté il y a 346 ans mais tout de même…A vrai dire je l’ai acheté sur le site d’achat Delcampe. Heureusement que c’était un achat et non pas une vente aux enchères. Dans ce dernier cas, on ne sait jamais si l’on va être le bénéficiaire final. Cela m’est déjà arrivé d’être coiffé au poteau par un illustre inconnu, en espérant toujours que ce ne soit pas un membre de ma famille.
Ce bout de papier est une reconnaissance de dette de Félix Broqueville envers le chevalier de Castelnau. La reconnaissance de dette est clairement libellée par Félix. Il est écrit ceci : Je soussigné confesse devoir à monsieur le chevalier de Castelnau, capitaine au régiment de Piémont la somme de 53 livres 10 sols qu’il m’a prêté dans ma grande nécessité et pour me conduire chez moi à Monfort lieu de ma naissance, laquelle somme lui promis payer le ?? ?? et à sa volonté fait à Ypres le 26 mai 1679. Signé F Broqueville. Au bas de ce papier il est écrit qu’il s’agit de Jean de Broqueville.
Il n’en est rien. Ce n’est pas Jean de Broqueville qui a signé mais bien Félix. Nous avons sa signature de multiples fois. J’ai déjà écrit trois articles sur Félix tant il a laissé des traces un peu partout. 1 Il est un simple soldat. Il est mort à Saint-Malo a un âge assez avancé avec le titre de pensionnaire des Invalides. Visiblement il a roulé sa bosse un peu partout. Cette reconnaissance de dette a été signée à Ypres en Belgique où son régiment était caserné. Effectivement dans son dossier de l’hôtel des Invalides, on peut voir qu’il a servi durant 18 ans dans le Régiment de Champagne comme soldat du Sieur de Cotignon. Félix s’est trompé dans ses déclarations puisqu’il déclare en 1686, qu’il a été soldat chez le sieur de Cotignon durant 18 ans. Cela suppose qu’il est entré à son service en 1668, soit à l’âge de 16 ans. Toujours aux Invalides, il déclare qu’il est resté 5 ans au Régiment de Piémont avant d’être attaché au sieur de Cotignon. Il a commencé sa carrière militaire en 1663, alors âgé de 11 ou 12 ans. Aurait-il commencé sa carrière militaire comme porte-drapeau ou jouant du tambour ?
Prenons le problème dans le sens inverse. On sait grâce à ce petit papier qu’il était au moins jusqu’au 26 mai 1679 dans le régiment Piémont. Admettons qu’il y est resté 5 ans. Cela veut dire qu’il y est entré en 1674, à 22 ans, ce qui est plus raisonnable. En 1679, où il vaque à diverses actes de ventes. C’est en 1680 qu’il écrit son testament parce qu’il est appelé au service du roi. C’est donc probablement en 1680 qu’il entre dans le régiment Champagne, chez le sieur de Cotignon.
Les faits et gestes du régiment Piémont (1674-1679)
L’arrivée probable de Félix au Régiment de Piémont coïncide avec la nomination d’un nouveau chef, Henri de Maclines, issu de petite noblesse, fut nommé colonel en 1674 pour ses nombreux faits d’armes depuis 1618 au sein du Régiment. Piémont quittait Maastricht le 1er juin 1675, pour se rendre au siège de Huy. Le 1er bataillon ouvre la tranchée le 4 juin , et, le même jour, se loge au pied d’une haute muraille qui reliait la ville au château. A la faveur de cet abri, il pousse sans perdre un seul homme, les travaux jusqu’à la base d’une des tours du château. Le 2e bataillon contribua à repousser une sortie des assiégeants; découragée par cet insuccès, la garnison capitula.
Une autre long cheminement
Piémont fit ensuite le siège de Limbourg, où fut tué le capitaine Ledel. Rentré dans Maastricht, le régiment y passa l’hiver et fut désigné pour y rester en garnison pendant toute l’année 1676. La ville ne tarda pas à être investie par le prince d’Orange (juillet). Le 12 juillet, le lieutenant-colonel de la Pleignière, avec 400 hommes de Piémont, abat toutes les maisons du faubourg Saint-Pierre (entre la redoute de la Motterie et celle de l’Inondation ). Le régiment se distingua pendant toute la durée du siège ; il était chargé de la défense du dehors. Le 29, le feu prit à son camp, les armes de trois compagnies furent brûlées. Le capitaine de Fleurac mourut des blessures que lui firent les fusils qui se déchargeaient au milieu de l’incendie. Le capitaine de Ligny était chargé de la défense de la redoute Dauphine avec sa compagnie (80 hommes environ ). Il eut à subir, le 30 , une furieuse attaque des assiégeants, et fut tué après des prodiges de valeur. Ses hommes essayèrent de résister, mais, découragés par la mort de leur capitaine, et d’ailleurs trop peu nombreux pour défendre l’ouvrage (qui avait une brèche praticable même à la cavalerie ), ils durent se replier. Le même jour, le lieutenant-colonel de la Pleignère réoccupe la redoute Dauphine, après une affaire très chaude où furent blessés les capitaines Deslandes et Dargillé . (…) Les ennemis furent chassés, leurs ouvrages bouleversés. Cet exploit ne coûtait à Piémont qu’un lieutenant, 12 hommes tués et 30 blessés. (…)
Le prince d’Orange levait le siège le 27 août. Le roi sut reconnaître les services que Piémont avait rendus dans cette mémorable défense : M. de Maclines fut fait maréchal de camp. La plupart des officiers furent récompensés et chaque soldat reçut deux pistoles. (…)
En 1678, un de ses bataillons, en garnison à Douai, alla assister au siège de Gand (qui ne dura que huit jours ). Les bataillons de Maastricht fournirent un détachement à M. de la Brelesche pour son expédition hardie contre la ville de Lewes, dans la nuit du 3 au 4 mai. (…) 2
La vie quotidienne de Félix
Voilà donc la vie quotidienne de Félix. Il est évident que Félix était sous les ordres de M. de Castelnau, capitaine. Mais dans le livre présenté à la note 2, il n’y a point de référence de ce personnage. Je n’ai pas trouvé d’autres sources concernant le personnage de Castelnau. Il est trop fastidieux de chercher, dans les 5000 références de Généanet, un Castelnau dont on ne connaît pas le prénom !
En tout cas, nous connaissons un élément de plus. Effectivement Félix a été engagé dans le Régiment Piémont où il est resté environ 5 ans. On a pu découvrir la vie aventureuse et militaire, supposée, de Félix durant ses premières années d’adulte. Sa vie durant il s’est consacré à la vie militaire, retournant de temps en temps à Monfort.
Il est à supposer que sa vie dans le régiment Champagne a été tout aussi mouvementé. Et l’on ne connaît pas grand chose de sa vie après son passage aux Invalides à Paris.
Gageons que d’autres documents remontent tout doucement à la surface en se retrouvant en vente. Ce dernier document a été acheté chez un professionnel des écrits anciens situé à Montpellier. Quel cheminement pour ce papier qui provient de Ypres et qui est passé de famille en famille depuis autant d’années.
Géry de Broqueville
- Le premier article est sa biographie où l’on peut comparer sa signature, en cliquant ici. J’ai écrit un second article intitulé Félix de temps en temps à Monfort. Le troisième article est son testament avant de partir au service du Roi. ↩︎
- Lieutenant Marius Bourgue, Historique du 3e régiment d’infanterie, ex-Piémont, 1559-1891, 1894, p.88. ↩︎