Je viens de terminer le déchiffrement d’un texte de quatre pages (PM 11810), non daté, consacré à l’hôpital Saint-Blaise (1) et au bassin des pauvres « Jésus-Christ » de l’église de Monfort. Étant donné que le document fait référence à un arrêt du roi Louis XIV visant à faire passer tous les hôpitaux (hôtel-Dieu) du Royaume sous l’autorité de l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, on peut aisément situé le document aux alentours de 1672.
Étant donné que l’arrêt de Louis XIV a un effet contraignant le texte décrit les questions que se posent diverses instances monfortoises sur le statut, d’une part, de l’hôpital Saint-Blaise et d’autre part le bassin des pauvres de Monfort. On y voit ainsi deux institutions toutes consacrées aux pauvres. L’hôpital Saint-Blaise gèrent les soins donnés aux malades fussent-il riches ou pauvres. Si le patient est pauvre, il peut avoir recours au bassin des pauvres de l’Église en faisant une demande aux consuls de la communauté qui demandaient alors aux marguilliers de s’exécuter selon leurs décisions. Beaucoup de papiers de Monfort font référence à la gestion soit du bassin des pauvres soit de l’hôpital saint-Blaise. On voit à travers ces textes toutes les imprécisions et les difficultés de gestion et de contrôle aussi sur les gestionnaires. (2) Et l’arrêt de Louis XIV était justement d’empêcher toutes les malversations et les magouilles à propos des biens de ces institutions.
Le texte montre clairement que l’hôpital Saint-Blaise est déjà passé sous l’autorité d’un certain Rolin qui a déjà fait des dégâts dans l’institution en n’apportant pas l’appui nécessaire aux pauvres. Le dernier paragraphe est édifiant à ce propos : « Cette arrestation peut être demandée non seulement à cause de l’impétration de l’an 56 en opposition de jugement mais encore par ce que quoi que l’intention de sa majesté fait de recréer l’hospitalité et faire le service quand bien l’arrêt de réunion serait juste et substituera néanmoins ledit Rolin à tout pris depuis deux ans sans faire aucune hospitalité, distribution ni servir dans un temps de calamité et misère publique comme celle de l’année passée où les pauvres mouraient de faim dans les rues nonobstant les secours ecclésiastiques et la distribution des pauvres logés comme des soldats dans les maisons des particuliers suivant les ordres reçu, parmi les supérieurs ecclésiastiques des communauté. »
Cela veut dire que si les institutions des pauvres étaient mal gérées avant 1672, depuis l’arrivée d’un gestionnaire au nom de l’ordre de saint-Lazare, la situation est catastrophique par le fait dudit Rolin qui est entré en possession de l’hôpital en spoliant le système qui avait été mis en place précédemment : « En conséquence duquel le nommé Rolin en vertu de sa procuration est entré en possession dudit hôpital et en suite fait assigner tous les syndics dudit hôpital et autres détenteurs des titres et documents d’icelui, en remise directe de la communication des ordonnances de liquidation et condamnation contre tous les particuliers faisant rente au dit hôpital. » Clairement, les Monfortois se méfient de ce personnage puisque dans le même texte mais un peu avant il est dit : « Et s’il est trouvé à propos comme on le soustrairait toutefois il est bon de commencer l’instance à la requête des marguilliers comme étant le moyen qui semble le plus plausible et le plus prompt pour le mettre à couvert de la vexation dudit Rolin Procurateur de l’ordre (…)« . Et pour cause, l’hôpital Saint-Blaise et le bassin des pauvres sont riches grâce à deux testaments décrits au début du texte. On comprend mieux les convoitises dudit Rolin dan sa volonté de s’approprier les biens et leurs rentes à son profit personnel.
Le premier testament est celui d’un certain Duillens : « L’hôpital de Monfort est établi pour ses rentes en deux façons en vertu de deux testaments, l’un fait par le nommé Duillens lequel institue pour son héritier universel le bassin des pauvres de Jésus-Christ en l’église paroissiale de la ville de Monfort afin que résulte dudit testament auquel l’héritage consiste en le plus grand revenu dudit hôpital. » Le deuxième testament est celui de Barrouilh (3) que l’on retrouve souvent dans les papiers de Monfort : « L’autre testament est fait par le nommé Barrouilh qui après l’institution et et substitution de deux héritiers substitue les pauvres de la ville de Monfort et le cas de la substitution étant arrivé en faveur des pauvres, elle leur demeure ouverte en vertu d’un arrêt et font pour la cour d’hui possesseurs des biens ?? à icelle« .
Visiblement, l’arrêt de Louis XIV proposait des exceptions si les hôpitaux prouvaient la possession avec des titres. Dans le texte on voit que même l’évêque de Lectoure propose ses services pour éviter que les biens monfortois ne tombent dans les mains de l’ordre de Saint-Lazarre de Jérusalem : « Or en vertu de la déclaration du roi qui réunit tous les hôpitaux à l’ordre de Saint-Lazare qui se trouvent dans la fondation royale ou papale, ou pour mieux dire qui ne sont des fondations particulières, tous les hôpitaux de toutes sortes de fondations où leur syndic ont été assigné par la chambre royale établie par le roi pour produire leurs titres et leur été fait droit par la réunion au dit ordre, ou maintenu en faveur des syndics, tellement que le nommé Marcassus co-syndic de l’hôpital de Monfort se trouvant assigné audites fins, ?? (Hugues IV de Bar) évêque de Lectoure du diocèse duquel le dit Monfort dépend ayant eu connaissance de cette assignation s’offrit officieusement et charitablement à poursuivre cette affaire à ses dépens en faveur des pauvres dudit Monfort à la charge de lui remettre les actes nécessaires, lesquels lui ayant été remis, il les envoya à Paris à un nommé Déprés pour faire ladite poursuite lequel au lieu de poursuivre a laissé suspendre un arrêt de défaut contre les pauvres portant réunion de cette hôpital à l’ordre. » C’est ainsi que ledit Rolin est entré en possession des biens de l’hôpital et donc des biens issus des deux testaments.
Ces deux testaments sont la base de la richesse de cet hôpital. Quand on voit le possessions des autres hôpitaux de la même importance en France, à la même époque, celui de Monfort est très bien nanti. De plus chaque année, les particuliers riches se doivent d’assurer une rente supplémentaire sous forme d’argent mais aussi de « mesures » ou de sacs voire demi-sac de blé., d’avoine ou de millet.
Mais les marguilliers du bassin des pauvres essaie de soustraire les biens du bassin sous prétexte qu’il dépend de l’église de Monfort, ce qui permet aux consuls de continuer à soutenir les habitants de Monfort qui sont dans le besoin. Et du coup, il essaie aussi de montrer que les deux testaments soutiennent le bassin plutôt que l’hôpital. Ainsi le testament de Duillens : « 2° quand il serait vrai que de ce coté la chose serait sans ressource, on croit faut meilleur mais que la déposition de Duillens par son testament envoyé et en quoi consulte le principal revenu étant en faveur du bassin des pauvres de jésus-Christ de l’église de Monfort que ce sont les marguilliers du bassin qui sont et doivent être la partie principale pour la défense de cette cause par l’arrêt de défaut étant pour finir avec le syndic de la communauté assigné non comparant, il semble que les marguilliers étant la véritable partie par rapport à la fondation dont audit testament n’étant ni appelé, ni nommés, ni compris au dit arrêt, ils ont raison et bien fondé de se pourvoir en opposition ?? ledit arrêt et ce faisant de mander la maintenance en faveur dudit bassin des biens dont audit testament. » Il est nettement moins sûr que le testament de Barrouilh puisse être soustrait des possessions de l’hôpital Saint-Blaise. Le texte se termine par un « Le conseil jugera cela. » Et aucun texte n’apporte de lumière sur la décision du conseil.
Géry de Broqueville
(1) Il y avait l’hospice Saint-Blaise et l’hôpital Saint-Jacques en plus du bassin des pauvres. L’on ne sait pas si ces institutions existaient simultanément. Jusqu’en 1672, c’était les Dames religieuses de Saint-Vincent d’Auch (PM 11769) qui gérait l’hôpital des pauvres.
(2) Plusieurs documents indiquent qu’il y a eu beaucoup de litiges entre les habitants de Monfort, les marguilliers et les consuls. Le document PM 11796 donne un aspect de ces choses. Lire l’article suivant.
(3) Jean Barrouilh est un ancien marguillier, c’est-à-dire, un gestionnaire des biens du bassin des pauvres de l’église de Monfort. Le testament date du 30 décembre 1571, confirmé par un arrêt de la Cour en 1626 lors de son décès. (source : PM 11796) Jean Barrouilh a été marguillier aussi en 1585. (Source : PM 11730)
Texte déchiffrer ci-dessous : 11810.pdf (3,9 Mb)
1674 – Description de l’hôpital de Saint-Blaise
L’hôpital de Monfort est établi pour ses rentes en deux façons en vertu de deux testaments, l’un fait par le nommé Duillens lequel institue pour son héritier universel le bassin des pauvres de Jésus-Christ en l’église paroissiale de la ville de Monfort afin que résulte dudit testament auquel l’héritage consiste en le plus grand revenu dudit hôpital.
L’autre testament est fait par le nommé Barrouilh qui après l’institution et et substitution de deux héritiers substitue les pauvres de la ville de Monfort et le cas de la substitution étant arrivé en faveur des pauvres, elle leur demeure ouverte en vertu d’un arrêt et font pour la cour d’hui possesseurs des biens ?? à icelle.
Or en vertu de la déclaration du roi qui réunit tous les hôpitaux à l’ordre de Saint-Lazare qui se trouvent dans la fondation royale ou papale, ou pour mieux dire qui ne sont des fondations particulières, tous les hôpitaux de toutes sortes de fondations où leur syndic ont été assigné par la chambre royale établie par le roi pour produire leurs titres et leur été fait droit par la réunion au dit ordre, ou maintenu en faveur des syndics, tellement que le nommé Marcassus co-syndic de l’hôpital de Monfort se trouvant assigné aux dites fins, ?? (Hugues IV de Bar) évêque de Lectoure du diocèse duquel le dit Monfort dépend ayant eu connaissance de cette assignation s’offrit officieusement et charitablement à poursuivre cette affaire à ses dépens en faveur des pauvres dudit Monfort à la charge de lui remettre les actes nécessaires, lesquels lui ayant été remis, il les envoya à Paris à un nommé Déprés pour faire ladite poursuite lequel au lieu de poursuivre a laissé suspendre un arrêt de défaut contre les pauvres portant réunion de cette hôpital à l’ordre
En conséquence duquel le nommé Rolin en vertu de sa procuration est entré en possession dudit hôpital et en suite fait assigner tous les syndics dudit hôpital et autres détenteurs des titres et documents d’icelui, en remise directe de la communication des ordonnances de liquidation et condamnation contre tous les particuliers faisant rente au dit hôpital.
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En conséquence desquelles condamnations contre lesdits particuliers qui sont étendue sur les arrêts des rentes depuis 29 ans, il a fait procéder par saisie et commis des séquestres sur toutes les ?? des dits redevables, voilà l’état des choses.
Il y a quelques temps que la communauté et les personnes présentes aux affaires des pauvres prévoyant la présentation (?) dans laquelle on se trouve, leur donna l’occasion de se plaindre au dit seigneur ?? de la surprise du dit arrêt de défaut ce qui l’obligea de promettre la réparation dudit arrêt et pour cet effet répondit et envoya la lettre dont la copie est envoyée dans laquelle il y a des choses à remarquer :
La première qu’il n’a pas eu la procuration qu’il demande, néanmoins elle lui a été envoyée.
La seconde qu’il dit qu’on ne peut revenir contre le dit arrêt de défaut ni par lettre en opposition ni par requête par ce dit il que pour la première voie il n’y a que Saint-Roucy et pour la seconde la même ??, lesquels deux délais favorisant ?? la voie de l’un et de l’autre et trouve fermer. Et par conséquent l’arrêt de défaut doit ?? en force d’arrêt contradictoire et définitif.
Bien été vrai que à la fin de la même ??, il marque par deux ?? ?? se contrarier et qu’ont peut réunir contre l’arrêt,
La première qu’il ne demande pas aux habitants de Monfort les moyens de réunir contre ledit arrêt ne les croyant pas assez éclairés.
La seconde qu’il leur demande des actes qui puissent suffisamment prouver l’hospitalité exercée, ceux qu’on a ennuyé ?? la instituant ?? ce qui serait inutile s’il n’y avait aucun moyen de se pourvoir suivant la promesse de la ???
Il est donc vrai en bonne conséquence qu’en lui envoyant les actes par lui demandé qu’il ne peut pourvoir sans portant qu’il accueille avoir la bonté de nous apprendre les moyens et donner cette consolation a ?? ?? ?? ??
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Mais qui s’il est les actifs par lui demandé instituant suffisamment ladite hospitalité lui ont été envoyé constituant en compte des fonds clôturés et contenant le ?? des revenus en faveur des pauvres , et cependant ?? qu’il nous demande autres actes nous n’avons vu aucune ?? de la part ni reçu aucune de ses nouvelles.
Ce qui a donné ?? de s’en plaindre au dit sieur ?? comme étant chargé de cette affaire et obligé de la conduite dudit Desprès par lui commis mais le dit ?? et quelque… a traité cette plainte de tant d’indifférence qu’il a témoigné qu’il ferait bien acte d’être déchargé du passé et de l’avenir.
Si le bien que l’intérêt de Dieu pour les pauvres et l’intérêt des particuliers engage le public et particulier a chercher des remèdes sans voir une cause dont le fond ne peut être plus juste dont les moyens sont assez profond au conseil pour après la détermination la poursuite en été faite vigoureusement et ledit conseil est suppléer de nous répondre clairement :
Primo, on croit nonobstant choses dites alléguée par ledit Desprès sur les fins de non recevoir par lui allégués sur l’arrêt du défaut fondée comme été dit ci-dessus sur le laps du temps l’un de saint-Coucy pour la requête en opposition et l’autre pour la requête émise, qu’il y a encore moyen d’y réussir étant question des pauvres dont la cause est toujours favorable et qui sont toujours moindre et nous apprend quels moyens en cas il y en aie
2° quand il serait vrai que de ce coté la chose serait sans ressource, on croit faut meilleur admi que la déposition de Duillens par son testament envoyé et en quoi consulte le principal revenu étant en faveur du bassin des pauvres de jésus-Christ de l’église de Monfort que ce sont les marguilliers du bassin qui sont et doivent être la partie principale pour la défense de cette cause par l’arrêt de défaut étant pour finir avec le syndic de la communauté assigné non comparant, il semble que les marguilliers étant la véritable partie par rapport à la fondation dont audit testament n’étant ni appelé, ni nommés, ni compris au dit arrêt, ils ont raison et bien fondé de se pourvoir
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en opposition ?? ledit arrêt et ce faisant de mander la maintenance en faveur dudit bassin des biens dont audit testament.
Or par en comme dit été il y a un autre testament dudit Barrouilh par lequel et en ?? de la substitution y apposer, il y a certains biens acquis aux pauvres dont la fondation est au Dorlet (?) a été la véritable passation et demande s’il ne serait pas bon de commencer l’instance ?? de le dit arrêt à la requête des sus marguilliers du bassin de pauvres, et ensuite que le syndic des pauvres demande d’être reçu par les intervenants à la dite instance et en faisant demander la maintenance des biens comprenant la substitution dudit Barrioulh faisant son testament. Le conseil jugera cela.
Et s’il est trouvé à propos comme on le soustrairait toutefois il est bon de commencer l’instance à la requête des marguilliers comme étant le moyen qui semble le plus plausible et le plus prompt pour le mettre à couvert de la vexation dudit Rolin Procurateur de l’ordre qui ?? tout ?? qui prend tout en conséquence des ?? ??? On supplie très humblement de faire en diligence ladite impétration de ?? en opposition aussi le dit arrêt en fait, il semble que l’on pourrait demander l’arrestation des fruits et rente au nom des marguilliers entre les mains des ?? ou fermiers qui en sont nantis avec défense de s’en dessaisir lesquels en fin de causes.
Cette arrestation peut être demandée non seulement à cause de l’impétration de l’an 56 en opposition de jugement mais encore par ce que quoi que l’intention de sa majesté fait de recréer l’hospitalité et faire le service quand bien l’arrêt de réunion serait juste et substituera néanmoins ledit Rolin à tout pris depuis deux ans sans faire aucune hospitalité, distribution ni servir dans un temps de calamité et misère publique comme celle de l’année passée où les pauvres mouraient de faim dans les rues nonobstant les secours ecclésiastiques et la distribution des pauvres logés comme des soldats dans les maisons des particuliers suivant les ordres reçu, parmi les supérieurs ecclésiastiques des communauté.
Note : le texte doit dater de 1674 puisque l’on parle de l’arrêt qui décrète que tous les hôpitaux de France sont dorénavant gérés par l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem dès 1672 jusqu’en 1693) (voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_de_Saint-Lazare_de_J%C3%A9rusalem et http://www.templiers.org/stlazare.php)