Voici un texte trouvé dans les archives de Monfort qui nous décrit les éléments de l’équipement de cinq soldats qui vont partir vers Eauze pour renforcer la milice à la demande du Maréchal d’Albret, gouverneur de Guienne (Guyenne), en 1674. En cherchant sur Internet l’histoire de la milice je me suis rendu compte que ce mot reprenait tous les régiments d’infanterie que comptaient le Royaume de France. Sous Louis XIV, deux personnages importants vont réglementer la milice. Il s’agit d’abord de Michel Le Tellier père du Marquis de Louvois qui pris aussi une part prépondérante dans la rénovation de cette partie de l’armée qui prend somme toute le plus grand contingent en homme.
L’ordonnance du 16 janvier 1654 va reconnaître la création de 15 régiments d’infanterie parmi la troupe existante et qui était en règle générale plutôt dépareillée puisque chaque soldat « appartenait » à un aristocrate qui a créé son régiment. Après la mort de Bernard de Nogaret de La Valette d’Épernon (1592-1661), le roi décide d’exercer lui-même la fonction de colonel général de l’Infanterie Française. Il nommera tous les officiers d’infanterie. La hiérarchie des grades est établies. Tous les régiments auront à leur tête un colonel, nouveau nom du mestre de camp, un lieutenant colonel désigné par le roi.
L’ordonnance du 14 mai légalise la masse individuelle d’habillement et rend obligatoire la tenue du compte de chaque homme. L’ordonnance du 20 novembre 1671 prescrit que les hommes des compagnies seront vêtus de même façon et ajoute à la masse individuelle une masse d’habillement des corps.
Dans un texte de Pierre Carles (1) sur l’uniforme et l’armement de l’infanterie, il semble bien que l’on ait peu d’informations sur la tenue l’infanterie avant 1691. Or la copie du texte qui est en notre possession nous décrit le costume des soldats de la milice avec en plus le coût d’achat et de fabrication des différents éléments. Le texte date de 1674, soit 3 ans après l’ordonnance de 1671. Donc les costumes des soldats sont de teinte grise. Mais passons directement au texte même :
« 1674 – verbal de frais pour la confection de costumes et l’armement de 5 soldats de la milice du maréchal d’Albret.
États des frais et avances faites par les consuls de la ville de Monfort la présente année 1674 pour la communauté dudit Monfort en vertu de l’ordonnance de monseigneur le maréchal d’Albret gouverneur de Guienne et délibération de la dite communauté lequel état a été dressé suivant l’ordonnance de monseigneur de Foucault intendant de la généralité de Montauban par Jean Marcassus un des dits consuls qui a fait les avances comme s’en suit.
Premièrement pour 12 cannes ?? gris a l’effet de faire de casaques (2) de 5 soldats choisis pour la milice ordonnée par ledit seigneur maréchal sur ledit Monfort a raison de 40 sous la canne a été payé par ledit Marcassus 24 livres.
Plus pour 9 cannes toile grise pour faire marinière (3) et bas aux dits soldats à raison de 30 sous la canne, 30 livres 10 sous.
Plus pour 12 douzaine de boutons pour garnir les dites casaques à raison de 3 sous la douzaine, 36 sous.
Plus pour trois cannes de raze bleu (4) pour faire des parements audits casaques a été payé 6 livres.
Plus pour la façon des dits habits ou pour le gilet et soie nécessaires a été payé 5 livres 10 sous.
Plus pour 5 cannes de ruban pour mettre aux casaques et cavabates (5) a été payé à raison de 8 sous la canne : quarante sous.
Pour 6 pans de toile a l’effet de faire cavalette (6) aux dits soldats : trois livres
Pour 5 chapeaux (7) achetés pour les dits soldats a été payé à raison de 40 sous chacun compris le ruban servant de contour : 10 livres
Plus pour cinq paires de souliers (8) baillés aux dits soldats achetés à Bertrand Labriffe cordonnier a été payé 15 livres.
Plus pour 5 espèces (9) baillées aux dits soldats à raison de 3 livres chacune a été payé 15 livres
Plus pour 5 baudriers (10) à raison de 40 sous chacun ; 10 livres.
Plus pour 5 mousquets (11) acheté pour armer les dits soldats a trahison de 10 livres chacun : 50 livres
Plus pour 5 gibecières (12) a été payé à raison de 15 sous chacune 3 livres et 15 sous.
Plus pour deux livres de poudres et 5 livres de balles baillés aux dits soldats 55 sous : 2 livres 15
Plus pour la (effacé) des 5 soldats ou pour celle de cinq (effacé) pour les garder chez Jean Thore habitant dudit Monfort pendant 10 jours à raison de 8 sous par homme : 40 livres.
Et finalement à l’effet de la conduite des dits 5 soldats en la ville d’Eauze et de là aux lieux Daive et Saint-Senct a été employé trois hommes à cheval, trois hommes à pieds qui employèrent à la conduite en allant ou revenant 8 jours et pour leur dépenses font baillé à maître Pierre Ponsin (13) notaire dudit Monfort commandant la dite conduite la somme de 50 livres par lui employé en la dépense desdits soldats et conducteurs
Prenant toute les susdits sommes qui ensemblement à la somme de 252 livres 6 sous certifié par les dit jurais et habitants dudit Monfort soussigné audit Monfort le… »
Le texte s’arrête là ce qui montre qu’il est une copie d’un texte peut-être perdu. Malheureusement on ne connait pas le nom des soldats ainsi recruté ni vers quel régiment ils sont envoyés. Ce n’est pas le régiment de Guyenne qui a été créé en 1684. Il s’agit peut-être du troupe du Languedoc qui ont été maintenue jusqu’en 1690 pour « maintenir en Guyenne, Languedoc et Dauphine en vue de surveiller les émissaires étrangers dans les provinces protestantes » (14)
Toujours est-il que ce texte est intéressant car il donne les deux couleurs principales : gris et bleu. Malheureusement on a pas la couleur des rubans. Nous ne savons pas ce texte est intéressant pour les historiens militaires mais toujours est-il qu’il est possible de le télécharger en pdf en cliquant ici. (15)
Géry de Broqueville
(1) Carles Pierre. L’infanterie du roi de France à la mort de Louvois. In: Histoire, économie et société. 1996, 15e année, n°1. pp. 57-
73. L’article complet peut-être obtenu en cliquant ici.
(2) Casaque : sorte de manteau militaire qui avait ordinairement des manches fort larges. Exemple : les mousquetaires portaient des casaques.
(3) Ample chemise de grosse toile blanche, fermée au col par une cravate de toile blanche bouclée sur la nuque ou nouée sur le devant.
(4) Raze bleu. Un tissus raze est un tissus à poil ras et donc c’est du velours.
(5) et (6) Ces deux mots ne sont pas repris dans des dictionnaires militaires. Nous n’en connaissons pas la signification.
(7) Sur la tête, le soldat a un chapeau de feutre noir aux larges bords roulés plutôt que relevés, à la forme basse et aplatie du dessus. L’avant de l’aile gauche porte une ganse où l’on peut fixer des rubans.
(8) Aux pieds le fantassin a des souliers en cuir noir, à bouts carrés, à hauts talons de bois. Ils sont semblables par paires et ne se différencient que par la façon de disposer la boucle de métal en laissant libre une des extrémités de la lanière de fermeture.
(9) Mot illisible.
(10) Le baudrier est tout simple et permet de porter l’épée si c’est un officier ou le mousquet si c’est un homme de troupe. C’est en 1683 que ce baudrier est remplacé par un ceinturon de buffle.
(11) Selon Pierre Carles, la plupart des fantassins – 58 % des rangs du bataillon – est armée de mousquets à mèche, dont le calibre, obligatoire depuis 1667, est de 17 mm et la longueur environ 1,70 m. Mais depuis 1670, on admet de plus en plus de fusils à silex, qui doivent avoir le calibre du mousquet.
(12) La gibecière emporte le effets personnels et les vivres du soldat mais aussi la poudre et les balles. Ils portent aussi, à tour de rôle, la marmite ou la tente de leur chambrée.
(13) Pierre Ponsin (vers 1589-1685) est marié avec Mathuio Broqueville-Empiroy (+1670) fille de Jehan et de Marie de Busquet.
(14) Pierre Carles, ibid. p.65.
(15) Cet original est classé sous le numéro 9468 dans mes archives en pdf.