Dans le livre de l’histoire de Monfort écrit par Jean Morissse, page 25, on retrouve en fin de page ce texte : « Arrivé devant Monfort, en 1374, il (Du guesclin) voulut pénétrer dans la ville, mais les habitants lui en refusèrent l’accès, quoiqu’il eut parmi ses hommes N. Broqueville, propre frère de Bernard Broqueville, alors premier consul. Du guesclin décida aussitôt l’attaque, portant tout son effort sur la porte de Sainte-Gemme. Au cours d’un assaut, N. Broqueville fut tué. Pour venger sa mort, aux dire de Dom Vaissette, Bernard souleva les habitants, qui ouvrirent les portes aux troupes du connétable. » (1)

Je me suis procuré la monumentale histoire du Languedoc de Dom Vaissette et plus particulièrement le tome VII (1305-1413) pour essayer de découvrir l’endroit cité par cet historien. C’est à la page 281 que l’auteur fait allusion au passage de Duguesclin dans la région en ces termes : « Le duc s’avança vers Agen à la tête de cette armée, et nous apprenons d’un certificat (a) du connétable Bertrand Duguesclin (Photo ci-dessus), donné dans cette ville le 10 août de l’an 1374 qu’il servait alors sous les ordre du duc d’Anjou, et qu’il avait avec lui Olivier de Mauny, chevalier breton qui commandait cent hommes-d’armes parmi lesquels il y avait 12 chevaliers. Louis III, duc de Bourbon, après avoir pris Brives en Limousin et Martel en Quercy, sur les anglais, se joignit au duc d’Anjou. Ils firent ensemble le siège de La Réole sur la Garonne, qui se soumit le 27 du mois d’août et ils enlevèrent diverses places (b) aux anglais aux environs de ce fleuve et ailleurs, entre autres Pennes d’Agenois et Pennes d’Albigeois, Saint-Macaire, Langon, Condom, Fleurance, etc. Le duc d’Anjou était de retour à Toulouse de cette expédition au commencement d’octobre ; et il y donna des ordres (c) vers ce temps-là pour arrêter les courses des Aragonais, qui ayant fait une irruption dans le pays de Fenouilledes, y avaient commis beaucoup de désordre. » Il est dommage de Dom Vaissette ne cite pas plus de bastide attaquées par Duguesclin? Il est possible que Monfort soit dans le « etc ».

Dans le texte de Dom Vaissette, trois références sont citées :

(a) Preuve de l’histoire de Bertrand Duguesclin, page 380. voir Ordonnance, tome 6. page  105 et seq.
(b) Voir Vie de Louis III duc de Bourbon, c 21 et seq.
(c) Cartulaire de la Sénéchaussée de Carcassonne.

Avant de se lancer dans l’analyse de ces trois sources, j’ai cherché dans la seconde partie du tome 7 de Dom Vaissette intitulée « Preuves de l’histoire du Languedoc » Dans la note LXXXI (page 553) description des gens d’armes qui sont aux gages de monsieur le duc d’Anjou.La première série dénombre les Gascons. Point de Broqueville nommés ce qui est normal puisqu’il devait être de la piétaille. Mais on ne trouve pas non plus Duguesclin. Or nous nous trouvons en 1374 dans le cadre des guerres contre l’anglais que l’on appelle la guerre de 100 ans.

Prenons le premier document coté. Je n’ai pas retrouvé ce texte mais par contre la quittance (certificat chez Dom Vaissette) est reprise dans un livre consacré à l’histoire de Bretagne (2). Il permet d’établir la présence de Duguesclin à Agen en 1374. Or d’autres chroniques comme celle d’un trouvère du XIVe siècle montre de Duguesclin est en Bretagne dès 1272 pour le compte du duc de Bretagne toujours contre les anglais (3) et probablement jusqu’en 1377.

Dans la deuxième référence que j’ai aussi retrouvé, je ne m’attendais pas que derrière le « etc », il n’y avais que les trois mots « tous en Gascogne. » La même  liste des places est bien celle donnée par Dom Vaissette. Après la prise de la dernière place qui est Fleurance, le duc d’Anjou et le duc de Bourbon sont partis vers le sud pour assiéger le château de Lourdes qui fut ainsi rendu au duc d’Anjou. On sait que Duguesclin est aussi de la partie, le raconte dans ses mémoire.  Après cela les deux ducs sont repartis vers Toulouse où leurs troupes se sont séparées après moultes cadeaux donnés de part et d’autre (4). Par contre je n’ai pas trouvé de trace du cartulaire de la sénéchaussée de Carcassonne. Je ne peux donc pas avancer de ce coté-là.

Il semble incontestable que Duguesclin se trouve bien en 1374 en Armagnac pour combattre les Anglais. Aucune source ne vient corroboré ce qu’écrit Morisse. Néanmoins, il cite Dom Vaissette (5). Ayant parcouru le travail de cet historien dans tous les sens, je n’ai pas retrouvé de trace de ce passage. Et donc, tant que je ne retrouve pas un texte parlant du siège de Monfort par Du Guesclin, je ne me permet pas d’affirmer l’existence de ce fait.

Il est évident que je dois me baser sur des textes qui ont été moultes fois recopiés puisque la majorité des premières archives de Monfort ont été emportée aux archives de Bordeaux qui ont été détruite dans un incendie au XIXe siècle. Mais pour le moment, point de texte à lire !

Géry de Broqueville

(1) Si c’est histoire a bien existé et pour la situer, nous nous trouvons durant la guerre de 100 ans. Les Français sont en lutte contre les Anglais. Ces derniers devaient alors occuper la bastide de Monfort. Si les habitants se sont opposés à l’entrée de Duguesclin cela ne peut être que poussé dans le dos par les anglais. Cela devait être dur d’être Monfortois à l’époque. Il fallait osciller entre les deux partis alors que la Gascogne n’appartenait pas à la France et pas complètement, non plus à l’Angleterre. Que deux frères se trouvent dans deux camps opposés n’est en soit pas étonnant. Il est évident que si le lecteur trouve trace de cette histoire chez Dom Vaissette, je lui serais reconnaissant de me les indiquer.
(2) Pierre-Hyacinthe Morice, Mémoires pour servir de preuves à l’Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Collège de la Sainte Trinité de la Compagnie de Jésus, Osmont, 1744, page 81. Archives privées ref AM108.
(3) E Charrière, Chronique de Bertrand du Gueselin par Cuvelier, trouvère du XIVe siècle, 1839, page 383. (ref : AM106)
(4) Jean d’Oronville,Jean-Papire Masson, Histoire de la vie, faicts heroiques et voyages de prince Louys III, duc de Bourbon, 1612, page 70 et 71.
(5) Dom Vaissette semble particulièrement attaché à cette année 1374. Il semblerait qu’elle fasse problème certains historiens remettant en question les faits et gestes de Bertrand Duguesclin mais aussi du duc d’Anjou, frère du roi de France et du duc Louis de Bourbon. Ainsi Dom Vaissette reprend le même argumentaire toujours dans le tome 7 mais cette fois-ci aux pages 419-423