Le testament de Jehanne de Sizibac (1) nous donne quelques informations supplémentaires concernent un rameau Broqueville. C’est en cela qu’il était intéressant de le dénicher chez le notaire Sabathier.
Outre les petites informations concernant les Broqueville, il faut reconnaître que ce texte est très bien écrit, trop bien même au point où les fioritures de chaque première lettre nous empêchent de comprendre l’ensemble d’une phrase pourtant bien calligraphiée. Cela me fait dire que le notaire qui écrit ce texte est au début de sa carrière et est donc encore jeune. D’autres notaires, comme Lauzéro, a eu la même démarche : bonne écriture au début de sa carrière et écriture épouvantable dès qu’il écrivait trop de texte.
Jehanne de Sizibac nous indique dans son testament qu’elle a été mariée en première noce avec Jehan Conte , décédé et qu’elle a eu de ce mariage trois enfants : Dominique, Charles et Bernard. Ces enfants ont déjà hérité de leur père mais reçoivent 15 livres de la fortune de leur mère. De son second mariage avec Jehan Donat (2), natif de Cadeilhan, elle a eu deux enfants : Guillaumette Donat qui a épousé Jean Broqueville, marchand. Ce Jean est « Autre Jean » fils de Jean « Vieux » (+1615) et de Marie Carrette (+ ap. 1610). Autre Jean (+1648) est marié à Guillaumette Donat en 1599 en première noce et avec Gratienne de Pujos en seconde noce.
Mourir de vieillesse
Le 10 décembre 1619, Jehanne Sizibac écrit son testament avec force détail quant à sa composition physique du moment : « Au nom de Dieu soit fait et tout puissant et advenu soit notoire que l’an 1619 et le 10 décembre après midi régnant Louis ?? ?? roi de France et de Navarre dans la métairie de maître François Donat huissier en la cour du parlement de Toulouse ou la testatrice bas nommée fait son habitation dite au Bousquet juridiction de Cadeilhan en Vicomté de Lomagne sénéchaussée d’Armagnac faisant moi notaire royal soussigné plus les témoins bas nommés étant en sa personne Jeanne de Sizibac veuve à feu Jehan Donat dit Luzin dudit lieu de Cadeilhan laquelle étant assise sur un banc saine de son corps bien tenant droit étant parfaitement connaissant , étant aussi bon sain de mémoire considérant qu’il est expédiant et ordonné à tous de mourir a bonne heure étant certaine plusieurs ?? sans disponible ?? ?? qu’est cause d’une infinité d’espoir entre la ladite ?? pour a quoi obéir craignant de mourir à cause de sa vieillesse et de son gré et bonne volonté a fait son ?? testament de sa dernière volonté et déposition et ordonnant en sa forme et manière qui s’ensuit…«
Il est rare de voir un testament rédigé de crainte de mourir pour cause de vieillesse. C’est probablement le premier testament que je rencontre qui invoque cette raison. L’habitude veut que ce soit en cas de « maladie corporelle » et que la personne soit allongée dans son lit.
Il est clair que la religion est intimement liée à la vie de tous les jours puisque même dans le testament, la testatrice y consacre quand même plus d’une page comme si l’on pouvait prendre de bonnes dispositions pour bien mourir et pour bien arriver jusqu’à destination du long voyage : le paradis.
« En premier lieu recommande son âme à Dieu au nom et par la certitude de la mort et passion de notre seigneur Jésus de vouloir lui pardonné ses fautes et péchés et la recevoir en son royaume céleste au nombre de ses élus et fidèle. Item d’ordonné la dite Sizibac testatrice qui a dès que son âme soit séparée de son corps que son corps soit inhumé et enseveli au cimetière de Cadeilhan en la forme accoutumée a celui de la religion Catholique apostolique romaine en laquelle elle fait profession. » Il est donc évident que Jehanne demande une messe de requiem pour que son âme soit détachée de son corps, selon les rites de l’Église.
Les demandes de messes pour le repos de son âme sont alors innombrables. « Item tient et ordonne ladite de Sizibac que le jour de sa sépulture lui soit dite une messe pour le repos de son âme et durant 8 jours messe continue et d’apporter chaque jour en offrande pain et vin ce durant l’année après son décès lui soit dit une messe de 15 en 15 jours et pouvoir faire les honneurs funéraires ladite Sizibac a légué et laissé la somme de 30 livres par devant son héritier bas nommé distribué à la discrétion de Jean Broqueville marchand son beau-fils« .
Jehanne Donat ne laisse pas grand chose à sa fille Guillaumette considérant qu’elle a déjà bien assez reçu dans la dot prévue dans le pacte de mariage (3) : « Item dit avoir Marie Guillaumette Donat sa fille légitime naturelle dudit Jehan Donat avec Jean Broqueville marchand de Monfort a laquelle avait constitué et par du sien la somme de 100 livres était beaucoup plus de son droit et légitime aussi qu’elle pouvait avoir sur les biens de ladite testatrice a laquelle pour tout droit d’institution et portion héréditaire lègue et laisse 20 sols tout ?? à son héritier bas nommé par la somme de 100 livres constitué et 20 sols légué et disposition par ladite Donat a sa place et volonté en la vie et en la mort« .
Relations entre François et Jean
Elle termine son testament un peu plus loin en désignant son héritier : « (…) était contraint de la nourrir en ?? au dépens de son héritier et par l’institution des biens est le fondement de son testament sans laquelle sont déclarés de nulle valeur pour cette cause ladite Sizibac en tout de ses biens meubles et immeubles avec droits présent avenir a fait de sa propre main à son héritier universel et général maître François Donat huissier en la cour du parlement de Toulouse son fils présent du tout à son plaisir« .
Nous avons découvert que Jean Broqueville était le représentant légal de François Donat dans beaucoup d’affaires de gasaille et de baux durant sa vie, François étant occupé à ses affaires à Toulouse. Si l’entente semblait bonne entre le frère et la sœur, les choses ont l’air de s’envenimer après le décès de François qui remonte à 1622 pour la raison que la dot de Guillaumette n’a jamais été réglée complètement.
Pour preuve le 4 avril 1614, Jean Broqueville, dans un acte de « procuration de Guillaumette Donat femme de Jean Broqueville » réclame à François Donat la deuxième partie de la dot de sa femme soit 200 livres qui n’ont jamais été donné ainsi que quelques pièces de tissus. (4) On sait que François Donat était vivant en 1621 et décédé en 1622.
Le 21 juillet 1622, un acte du notaire Lauzéro (5) intitulé « Cession de transport de Magdalaine de Majaguil, veuve à feu maître François Donat huissier« , montre qu’il y a eu des tenions entre le père et le fils à propos de la composition dotale de Marie Carrette femme de Jean Broqueville Vieux et de Autre Jean qui a épousé Guillaumette Donat. Marie Carrette institue Jean Broqueville dit Pouxé, son petit fils, comme son héritier universel. Marie Carrette a sauté une génération dans son testament ce qui n’a pas eu l’air de plaire à son fils. Du coup, ladite épouse de feu François Donat s’en prend au fils Jean dit « Pouxé » pour une somme que son défunt mari aurait du recevoir, alors que la dot n’a toujours pas été payée complètement.
Le 10 novembre 1627, dans la maison de Jehan Broqueville est témoin d’un acte de gasaille entre Jean Donat, sargeur de Monfort et Magdeleine de Majaguil. Le fait que cet acte se passe dans la maison d’un protagoniste de l’affaire montre que les deux familles n’étaient pas tant à couteau tiré ! Les rapports entre l’épouse de feu François Donat et Jean Broqueville restent énigmatiques. (6)
Visiblement cette affaire de 1622 n’est toujours pas terminée en 1646 puisque l’on trouve chez le notaire Labaule, un acte de déclaration de Jean Broqueville époux de feue Guillaumette Donat effectué contre une saisie opérée par l’épouse de feu François Donat, Magdeleine de Majaguil en 1646. (7) Jean Broqueville est alors substitut du procureur du roi de Monfort et en appelle à la cour pour contrer cette saisie. Le texte est très alambiqué et donc il est difficile à comprendre les revendications de la veuve de François Donat.
Géry de Broqueville
(1) Notaire Sabathier, probablement Mathieu, coté E1453 au AD32. ref : 21763-21766 (pdf). Ce notaire a la fâcheuse tendance à accoler des particules à chaque nom. De même, il n’existe pas de Jean à ses yeux mais bien des Jehan. D’autres notaires écriront la bonne orthographe du prénom pour les mêmes personnages. Et donc cela reste vraisemblable que Jehanne soit Jeanne.
(2) Dans un autre article, j’exprimais un léger doute qui restait en tête quant à l’écriture exacte du patronyme. Le doute est définitivement levé, il s’agit bien de la famille Donat.
(3) Ce pacte de mariage a été enregistré chez le notaire Lauzéro, le 23 mai 1599, coté 3E8842 aux AD32, ref : 12659-12661 (pdf) La dot totale est de 440 livres en plus des robes, coussins et autres ustensiles de ménage.
(4) Notaire Lauzéro coté 3E8854, ref : 14765-14767 (pdf).
(5) Notaire Lauzéro coté 3E8860 aux AD32, ref : 18686-18688. (pdf)
(6) Notaire Sabathier coté E1454 aux AD32, ref : 21811-21814.
(7) Notaire Labaule coté 3E8834 (folio 396) aux AD32, ref : 13057-13058. (pdf)