Les préoccupations les plus délicates ne manquaient pas. Le gouvernement avait été mis au courant qu’un « Conseil des Flandres », dirigé par un certain Borms, avait proclamé, le 20 janvier, dans une salle de music-hall de Bruxelles, l’indépendance de la Flandre avec le soutien et la protection des autorités allemandes. Tous les « conciliabules » de ce conseil se firent sous la protection de la police allemande.

M. Francqui déclarait dix jours plus tard à Bruxelles lors d’une séance du Comité national, qu’il s’agissait d’une sinistre comédie et que le peuple flamand ne pardonnerait jamais à cette poignée d’excités d’avoir pactisé avec l’ennemi qui opprimait les populations de Flandres. Le 31 janvier une protestation contre ce mouvement séparatiste qui ne visait qu’à diviser l’union de la Belgique est adressée au chancelier allemand von Hertling. Elle fut signée par l’élite et les représentants de la nation restée sur le territoire envahi : Le comte Woeste, député, ministre d’Etat, le baron de Favereau, sénateur, président du Sénat, Levie, député de Charleroi, ancien ministre, Hamignie, vice-président de la Chambre, 35 sénateurs et 51 députés dont la majorité faisait partie des arrondissements flamands. Ils manifestaient tous contre ces « mauvais Belges de parler au nom de la population ».

La Cour d’appel et la Cour de cassation de Bruxelles entamèrent des poursuites pour haute trahison, des arrestations furent faites, mais les autorités allemandes intervinrent aussitôt pour faire relâcher, par la force des armées, les inculpés. Les magistrats suspendirent alors le cours de la justice et refusèrent désormais de siéger. Au Havre, M. Carton de Wiart, ministre de la Justice salua avec respect au nom de la nation belge « ces magistrats qui n’avaient pas toléré un instant sans souci des dangers que cela entraînerait pour leurs personnes, que la violence et la trahison puisse impunément qualifiée de droit… »

Le 21 février, la légation belge de La Haye faisait passer à Bruxelles une copie d’une délibération du gouvernement. Le conseil des ministres réunit à Sainte-Adresse félicitait les élus réguliers du peuples belges d’avoir fièrement revendiqué les droits indescriptibles de la souveraineté nationale. À l’unanimité, de M. de Broqueville à M. Vandervelde, le gouvernement rendait un « solennel hommage à l’héroïsme civique du peuple belge qui s’atteste, après trois ans et demi d’épreuves et de souffrance, immuable fidèle au Roi, à la Constitution et à la Patrie… ».

Les ministres affirmaient enfin « l’inébranlable volonté de la nation de maintenir son unité et de continuer sans défaillance et jusqu’au bout, la lutte pour l’affranchissement du territoire et la restauration intégrale de la Belgique indépendante… » Le Conseil des Flandres disparu lors de la libération de la Belgique, les Allemands l’emportèrent dans leurs fourgons.

Géry de Broqueville