Schollaert n’avait pas prévu la manœuvre royale. Il ne s’attendait pas à une telle volte-face. Il semblerait que Schollaert ne se soit pas rendu compte de la portée des discussion du Roi avec les ministres d’Etat. Schollaert était même parti, se reposer à la campagne. Pendant la semaine de son absence, les dés ont été joués, même si Broqueville et Helleputte se sont engagés à reporter le projet scolaire souhaité par le roi. Leurs collègues se sont malgré cela entêtés à la suite de Lantsheere. Tous, finalement, décidèrent de démissionner en gardant le secret, on ne sait toujours pas pourquoi.

De ce fait la chambre poursuivit ses débats le 7 juin comme à l’ordinaire. Woeste prit la parole le 7 juin après-midi pour émettre des réserves sur le renvoi du projet Limbourg-Stirum à une commission spéciale. L’intervention du leader, bien qu’irritante pour le gouvernement, n’avait plus d’importance puisque la décision était prise. C’est le 8 matin que Schollaert annonça la démission du gouvernement. Au Palais de la nation, ce dernier a été ovationné durant plusieurs minutes. Woeste, cloué à son banc fut apostrophés par quelques députés dont Thienpont qui l’accusait d’avoir poignardé le gouvernement dans le dos.

Mais tout le monde savait en réalité que des dissensions profondes étaient nées entre le Roi et Schollaert. Certains catholiques dont le ministre de Lantsheere ont voulu « punir » le Roi en refusant dorénavant de participer au pouvoir, ce qui acculerait Albert Ier à un cabinet d’affaires courantes. L’idée n’était pas neuve. En 1884, après que Woeste et Jacobs, par Léopold II, plusieurs journaux catholiques avaient émis l’idée. Jules Malou, à l’époque, l’avaient trouvé dangereuse. Helleputte pensait la même chose.

Les ministrables catholiques allaient-ils obéir aux consignes ? Mais ne serait-ce pas dangereux de jeter le Roi dans les bras de la gauche ? Et puis le parti catholique était monarchiste. Se devait-il d’ébranler ce bel édifice ? Les gauches s’en donnait à cœur joie. Elles voyaient les conservateurs terrassés leur donnant la voie pour gagner les prochaines élections. Même le Roi s’est rendu compte que les choses se sont déroulées bizarrement. Mais les gauches se sont réjouies trop vite car le gouvernement intérimaire qui va suivre fut un pouvoir fort alors que les gauches se seraient très bien contentées d’un gouvernement boiteux. En attendant, le cabinet Schollaert avait cessé d’exister. Broqueville, après une année seulement, n’était plus ministre. Ce dernier ne s’est pas fort manifestés dans les derniers événements, ce qui pourrait être considéré comme une habilité de sa part. Cela lui permit d’être remarqué pour la constitution d’un gouvernement de transition.

Géry de Broqueville