Sainte-Adresse est une ville balnéaire située tout à coté de la ville du Havre.Dès le début de la guerre, en 1914, elle est devenue la capitale administrative de la Belgique et le siège du gouvernement belge.

A l’aube du 14 octobre 1914, l’arrivée des paquebots en provenance de la base arrière d’Ostende amenèrent les ministres et leur suite. L’hostellerie du Nice-Havernais devint le siège de nombreux ministères. La villa Hollandaise est aux Affaires étrangères. Les services du ministère de la Guerre sont à la villa Louis XVI. Les ministères voisinent avec les légations et les services les plus divers. Il y en a aussi au Havre même. La censure se trouve à l’hôtel de ville. La villa Roxane a été réservée à M. de Broqueville, une autre villa,

La Roseraie, devait devenir la résidence royale, seulement, le roi ne vint jamais au Havre. Il ne voulu jamais quitter sa villa de La Panne, l’une des dernières villes de son royaume et la reine refusa de le quitter voulant partager les affres de la guerre avec son époux. La maison du roi fut représentée par le général Jungbluth, ancien précepteur du roi. il s’installa à la villa Maritime dès le 15 octobre. le général Comte de Grunne pris aussitôt le commandement du Havre. Il était un soldat énergique, fin diplomate et administrateur éprouvé.

Le 16 octobre, le conseil municipal lança un vibrant hommage comme accueil au gouvernement belge sur son territoire et le lendemain, les ministres belges recevaient une première visite officielle d’une délégation du conseil municipale de Paris et du Conseil général de la Seine. En leur honneur, le gouvernement belge organisera une « réception » à l‘hostellerie du Nice-Havernais. La villa Louis XVI avait accueilli les services du ministère de la Guerre qui, chaque matin, montait les couleurs dans la cour se trouvant devant l’entrée du ministère. Mais le véritable Q.G. du ministre, M. de Broqueville était d’abord Dunkerque, puis Saint-Pierrebroucq chez le baron Cochin et ensuite Steenebourg.

Le Palais des Régates était affecté au logement des légations. La cuisine y sera excellente. Mais il y avait deux tables distinctes : celles des pays alliés et celle des pays neutre. L’on verra des changements de couverts. Ainsi lorsque la Roumanie se rangea du coté des alliés, le couvert rejoint triomphalement la table des alliés et quand la Bulgarie rejoint le camp des Allemands, son couvert a été discrètement retiré. Dans le vaste immeuble du Nice-Havrais, le ministère des Colonies siège dans un magasin de literies. Le ministère de la Justice manquait de place dans ses locaux et l’on vit une salle de bain transformée en bureau ministériel.

M. de Broqueville, chef du gouvernement, vint très souvent à Sainte-Adresse, mais il fit rarement de longs séjours (1). Il y arriva le 3 novembre 1914, venant directement de Dunkerque en auto pour y présider le premier Conseil des ministres. Le soir même, il assista à la cérémonie du drapeau. Une foule nombreuse de réfugiés s’y précipita pour voir « le magnifique organisateur de la résistance ». Au Conseil des ministres, M. de Broqueville donna lecture d’un rapport sur les évènements qui s’étaient déroulés dans les journées qui suivirent l’embarquement d’Ostende et rendit compte de la conférence interalliée qui venait d’avoir lieu à Dunkerque, le 1er novembre. le conseil ratifia toutes les mesures prises tant à Nieuport, qu’à Furnes, à Dunkerque et à Calais. Puis les ministres envisagèrent un plan de travail qui donna la priorité au sort des réfugiés. C’est pendant ce premier séjour que le ministre de la Guerre eut une longue conférence avec le directeur du Creusot et le commandant Blaise et de son cabinet militaire ainsi que du commandant Laurens, chef de la mission militaire française près de l’armée belge. Avant de quitter le Havre. Charles de Broqueville reçut officiellement l’amiral Charlier, gouverneur de la place, M. Hennion représentant le gouvernement français, les ministres plénipotentiaires d’Angleterre, de Russie et quelques autres notabilités. Le 6 novembre, il repartait déjà par la route, jusque Dunkerque.

Pendant quatre années, les ministères sont restés à Sainte-Adresse. mais les ministères ne resteront pas isolé dans ce « havre de paix » puisque des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vont travailler durant toutes ces années pour soutenir l’effort des troupes au front. Au plus fort de leur activité, en 1917, 14.000 soldats belges, 4.000 femmes et enfants de soldats y travailleront pour le salut commun. La Seine inférieur comportera 37.000 réfugiés belges dont 22.000 pour le seul arrondissement du Havre. Et donc il y avait beaucoup de travail comme on l’a déjà vu dans les pages qui précèdent pour ce qui est de l’approvisionnement en munitions dans la base de guerre du Havre ou celle de Calais-Gravelines. Bien souvent la quiétude de Sainte-Adresse sera troublée par le canon ou l’explosion de mines au large du Havre pour lutter contre l’arrivée de sous-marin ennemi. Le 30 octobre, les ministres sont à peine installés, que le base militaire du Havre annonce que les batterie de La Hève vont faire des tirs de guerre à toute puissance. Les lourds obus sont ainsi passés presque quotidiennement au-dessus de l’hostellerie des ministères.

Pendant ces quatre années, certains ministres vont « s’ennuyer » au point de faire valoir tel préséance sur un autre ministre alors que la tâche est immense au dehors. Il est vrai que la situation du gouvernement était étrange. Alors que l’immense effort demandé aux belges sur place était tout orienté vers le ravitaillement des troupes, certains ministres avaient le sentiment de perdre leur temps. L’inactivité de certains ministères contrastaient en tout cas avec la sur-activité de celui du ministère de la guerre. De plus le chef de gouvernement était comme on l’a vu très souvent absent. En tout cas la majorité du travail des ministères présents à Sainte-Adresse était orienté vers les réfugiés et l’appel aux Belges valides pour qu’ils s’engagent comme volontaire pour la durée de la guerre.

Le bureau de poste belge

Timbres émis par le bureau de poste de Sainte-Adresse.

Dès son arrivée le gouvernement belge avait fait aménager un bureau postal dans les dépendances du palais des Régates et vendaient des timbres belges portant la surcharge « Havre-spécial ». Ce bureau fonctionna pendant près d’un an, puis l’on ouvrit un bureau uniquement belge, Place Frédéric-Sauvage, à Sainte-Adresse dans le bâtiment des ministères belges. Le nouveau cachet d’oblitération porte « Sainte-Adresse. Poste belge – belgische post » Les timbres de 1 à 25 centimes représentent l’effigie du roi et ceux de 35, 40 et 50 centimes représentent des monuments détruits par les Allemands, les Halles d’Ypres, la collégiale de Dinant et les Halles de Louvain. Les timbres de 1, 2, 5 et 10 francs représentent l’affranchissement de l’Escaut, la reprise du Congo et la remise du drapeau par le roi sur le perron de l’hôtel de ville de Furnes.

Composition du Gouvernement belge

Une séance du Conseil des ministres à l’hostellerie de Sainte-Adresse (19 septembre 1916)

Assis autour de la table : MM. van de Vyvère, Comte de Broqueville, Jules Renkin, Emile Vandervelde, Poullet, Berryer, Franz Schollaert, Baron Beyens, Carton de Wiart, Cooreman. Debout au second plan de gauche à droite : MM. G. Helleputte, A. Hubert, Goblet d’Alveilla, Paul Segers et Paul Hymans.

Bien que certains ministres se sentaient sous-occupés, le gouvernement belge avait une véritable mission qu’il a accompli : l’organisation de la Belgique exilée et l’approvisionnement de la Belgique occupée, la réorganisation de l’armée et le développement d’une industrie de guerre.

Géry de Broqueville

  1. Voir un autre article : la vie quotidienne à sainte-Adresse.