Victime d’un retrait lignager, Bernard a du se résoudre de perdre une terre. Les Broqueville ont souvent acheté des terres à Monfort et dans les environs durant quelques siècles. Alors qu’ils sont bourgeois de Monfort, non noble, ils ont subi comme les autres des droits féodaux. Nous allons voir ci-dessous ce qu’est le retrait lignager.
Nous sommes le 17 décembre 1752 chez le notaire Dabrin 1 pour réaliser un acte de retrait lignager de la part de Marie de Luppé 2 contre Bernard Broqueville d’Endardé. Marie de Luppé de famille noble est mariée avec un bourgeois de Monfort appelé le sieur Darques. Ils ont un fils prénommé Jean. Ce dernier vend une terre, le 7 décembre 1752, de 29 places 10 escats 3 dans la juridiction de Monfort pour la somme de 94 livres. Or Jean Darque avait reçu cette terre de sa mère Marie de Luppé. Cela s’est fait, le 27 décembre 1751, par acte, devant le notaire Dabrin.
Marie de Luppé fait valoir son droit de lignage sur la totalité de cette terre. Elle veut donc la récupérer à son profit. Cela crée certainement du rififi chez les luppé, mais elle n’en a cure. Elle récupère cette terre qu’elle dit avoir un droit de lignage. Marie de Luppé paie la somme en deux fois et redeviens pleine propriétaire de son bien.
Qu’est-ce donc le retrait lignager ?
Le retrait lignager est un droit civil coutumier permettant aux membres d’un lignage (au sens des membres de la famille élargie) de retirer, c’est-à-dire de reprendre un bien héritable qui fait l’objet d’une vente au membre d’un autre lignage en remboursant à l’acquéreur le prix d’achat de celui-ci. Le retrait a pour but de préserver le patrimoine familial dans l’aliénation à titre onéreux au même titre que la réserve héréditaire
Ce droit coutumier remonte au XIIIe siècle. Le retrait lignager a été utilisé jusqu’en 1789, tout particulièrement pour les familles nobles, avec des variantes régionales. Témoins d’une conception communautaire de la famille, et collective de la propriété immobilière, il a été aboli par la Révolution. Ce droit communautaire était contraire au caractère individuel et absolu du droit propriété. Toutefois, le retrait successoral, retenu dans l’art. 841 du Code Napoléon, a emprunté au droit coutumier en limitant le droit de retrait aux héritiers réservataires ou légitimes.
En conclusion…
Ainsi donc Bernard pensant devenir propriétaire d’une terre noble, en est pour ses frais. Le droit de lignage a frappé… C’est ce qui se passe somme toute couramment pour les nobles qui tournent autour de Monfort et qui refusent de vendre à des bourgeois. Il faut bien se dire que Monfort n’a jamais accepté la tutelle des nobles, même les Preissac, seigneurs d’Esclignac. Il y avait une fierté chez les habitants de Monfort au point où, lorsque le Roi Louis XIV a eu besoin d’argent, il a vendu Monfort. Ce sont les habitants qui ont racheté la ville pour la donner…à Louis XIV ! 4
Géry de Broqueville
- Notaire Jean-François Dabrin côte 3E8807 aux Archives départementales du Gars (10412 – 10421) ↩︎
- Marie de Luppé est une famille originaire d’Armagnac. « La maison de Luppé a pris son nom d’une terre située en Armagnac. Ses services et ses alliances marquent son rang entre les meilleurs de ce pays » (Chérin). ↩︎
- Pour traduire les mesures, je vous conseille d’aller les voir dans le dico. ↩︎
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