S’il y a bien un métier qui a une influence sur la vie des habitants d’une ville, c’est bien celle des bouchers. Il y va de la question des odeurs, du bruit et de la santé des personnes. Dans le texte suivant, chez le notaire Dabrin, 1 l’on voit que tout cela était régi par la communauté. La boucherie de Monfort est installée au fond de la halle, en étant dos à l’église (voir plan ci-dessus). C’était donc là qu’officiaient les bouchers.
Le Premier consul n’est autre que Alexis Broqueville du Garros, bourgeois, pour l’année 1757. Nous sommes le 18 mars. Le texte est ainsi libellé 2: L’an 1757 et le 18 jour du mois de mars dans ladite ville de Monfort en Fezensaguet sénéchaussée d’Auch par devant le notaire royal de la dite ville soussigné fut présent en personne le sieur Alexis Broqueville bourgeois premier consul dudit Monfort lequel de son bon gré en conséquence de la délibération de la communauté dudit Monfort a baillé et baille les boucheries dudit Monfort à Raimond et Estienne Tian, frères bouchers habitant dudit Monfort ici présents et acceptant solidairement l’un pour l’autre et ensemble pour le tout sans division ni discussion des biens à quoi renoncent étant ainsi fait ledit bail qui commencera à courir aux fêtes de Pâques prochain pour une année et finira à pareil jour de l’année prochaine 1758 aux conditions suivantes qui sont que :
- Les tiers promettent et s’obligent de fournir et entretenir les dites boucheries de bonne viande seine et grasse de bœuf, veau, mouton et agneaux au prix et tout savoir
- le bœuf les 15 jours après Pâques et un mois avant carnaval à 8 sols la livre de 48 onces et le reste de l’année à 7 sols
- Le veau, mouton et agneau à 10 sols la livre
- Sera néanmoins permis aux tiers d’égorger et débiter dans les boucheries trois vaches bonnes et grasses après avoir été vues examinées et approuvées par messieurs les consuls à 6 sols la livre.
- Leur est défendu d’égorger de nuit les bestiaux à peine de confiscation et amende
- Ne pourront, les dits bouchers, faire entrer dans le poids de la viande la tête ni les jambes et pieds des bestiaux.
- S’obligent les tiers de payer à la communauté en main des dits sieurs consul pour le prix dudit afferme la somme de soixante livres livres payables dans deux parts égales le premier mai trente livres et les trente livres restantes à la fête de tous les saints prochain à peine de tous dépends dommages et intérêts.
- Si, par nécessité, les dits Tian étaient obligés de tuer de nuit un bœuf ils seraient tenu d’avertir messieurs les consuls pour le visiter et leur donner la permission de tuer les bœufs, se soumettant à surplus lesdits Tian à toutes confiscations et amendes qui pourraient être contre eux décernés par lesdits sieurs consuls faute d’exécution du contenu ci-dessus.
- Moyennant le dit sieur Broqueville promet et s’oblige de faire jouir paisiblement les dits Tian des Boucheries pendant la dite année comme la communauté en joui et a droit d’en jouir et d’empêcher que personne n’égorge la dite viande pour vendre et débiter dans ladite ville du cochon dans la présente ville au prix qui sera taxé par messieurs les consuls autant de Mauvezin ou Beaumont en payant 10 sols pour chaque cochon qu’ils débiteront en faveur des dits tiers qui ne seront tenu à d’autres frais que ceux du contrôle et prestation du présent acte et pour la sureté de l’exécution du présent acte est intervenu Jean Breton marchand de cuir de la présente ville. 3
Ce ne sont pas les bouchers qui fixent les prix
Il est intéressant de noter les dispositions des consuls. Les prix sont fixés à l’avance. A l’instar des autres affermes, les consuls mettent en location un droit de tuer le bétail qui provient des bouchers ou de tierces personnes. Il est stipulé, entre les lignes, qu’il n’est possible de les tuer que si les bouchers en ont la vente. Cela veut dire qu’il n’est pas possible d’abattre plus de viandes que ce que l’a communauté a besoin pour vivre.
C’est une manière pour les consuls de limiter la production et ainsi éviter le gaspillage tel que nous le connaissons 350 ans plus tard. La boucherie est donc un service que les autorité offre à la population qui est fourni par des personnes compétentes. Les consuls se réservent le droit de décider de la qualité de la viande. Ainsi, chaque animal abattu sera vérifié par les consuls. Comme nous sommes dans le monde rural, les bourgeois de Monfort sont tous, d’une manière ou d’une autre, proche de la nature et sont capables de détecter si l’animal est malade ou non.
Des sanctions tombent si…
Décidément, à lire ces textes, ils me font dire que nous avons perdu de fameuses compétences dès la seconde moitié du XIXe siècle, en faisant confiance à l’industrialisation de la boucherie. 4 Nous sommes en train de vivre un changement profond face aux excès de l’économie de marché. Revisiter ces textes anciens me fait prendre conscience que nous sommes à la croisée des chemins. Depuis les années 80 du XXe siècle, avec la succession des scandales à répétition comme la vache folle, les lasagnes de bœuf, les œufs contaminés au Fipronil. La malbouffe est, en lui-même, un scandale, sans compter les pollutions générées par ce secteur alimentaire, destructeur des sols et de la nature. Nous avons fait confiance en des salauds ! Je m’emballe ? Non je ne m’emballe pas ! 5
Les consuls de Monfort savaient que s’ils prenaient de mauvaises décisions, ils allaient être sanctionné par la communauté, 6 l’année suivante. 7 Au fil de mes lectures dans les archives, je vois que l’équipe composées de quatre consuls se doit de vérifier ce qui a été décidé l’année précédente. Or les élections se déroulent une fois par an. L’équipe de consuls est élue pour une année. Une équipe est rarement reconduite en tant que tel. Les décisions sont collégiales avec un essai de gestion saine de la communauté. 8
Géry de Broqueville
- Notaire Jean-François Dabrin, côte 3E8809 aux Archives départementales du Gers (AD32) – 10468-10480. ↩︎
- Le texte étant très long, sans paragraphe, nous avons décidé d’en mettre pour une lecture plus facile. ↩︎
- La dernière page est a demi-photographiée dans le sens de la hauteur. Je ne sais pourquoi je me suis contenté de la photographier ainsi. On y voit quand même la signature d’Alexis Broqueville comme premier consul. Je devrais la retrouver pour la photographier, mais comme il y a tellement d’autres pages à lire que je pense que je n’aurai pas l’envie de la retrouver. De toute façon, le contenu de cette page n’a rien d’intéressant pour l’article, en ne laisant que la première moitié !! ↩︎
- Ici je ne critique pas les bouchers de quartier dans les villes et les villages. Je parle bien des industriels. ↩︎
- Depuis quelques années, je me rends compte que les textes que j’écris dans ces pages concernant ma famille pourraient être mis en adéquation avec ce que je vis au XXIe siècle. Ce n’est pas le rôle d’un historien, me direz-vous ! Vous avez raison mais je ne suis pas historien. Je suis philosophe. Ma plume souffre quand je me cantonne d’écrire les faits historiques. Mes doigts tapant sur le clavier attrapent des démangeaisons, tant j’ai envie de comparer ce qui se vivaient, il y a bien longtemps déjà et ce que je vis actuellement. Je ne vais pas plus loin, voilà le démarrage d’un nouvel article… ↩︎
- Un autre texte écrit par mes bons soins montrent à souhait que lorsque les consuls ne font pas de comptes-rendus des activités de la ville, le substitut du procureur du roi paut se fâcher et punir les contrevenants, en revenant parfois des années en arrières. Cliquez ici. ↩︎
- Il existe même des raisons d’exclusion du rôle de consuls comme repéré dans un texte de 1674. ↩︎
- J’ai écrit un texte sur l’élection des consuls pour l’année 1622. Cliquez ici. En 1773, cela se passe différemment mais ces élections sont basées sur les coutumes de la ville de Monfort. Cliquez ici. ↩︎