André de Broqueville a écrit dans un texte non édité (1), que la généalogie de la branche des Endardé duquel descendent tous les Broqueville actuels avait pour auteur « Noble Anthoine de Broqueville second fils de Pierre, seigneur d’Empiroy et de Marquèze de Pauzadé (…) ». Il fait naître Anthoine « noble » dès la naissance. Je ne sais pas pourquoi, mon grand-oncle donne à l’auteur de la branche d’Endardé ce qualificatif de « noble » alors que son propre frère qui continue la branche d’Empiroy ne l’est pas ! Serait-ce plus commode et pratique de prouver ainsi l’extraction noble des Broqueville actuels ?
Il est vrai que mon grand-oncle a été influencé par des historiens comme Dom Vaissete (2) ou Ludovic Mazeret (3) qui ont trouvé des traces de la famille Broqueville remontant aux XIIIe siècle pour donner à la famille une origine noble ancienne. Comme j’ai pu le démontrer par ailleurs, (Dans un autre article du blog) ces traces se confondent avec une autre famille qui portent un nom étrangement similaire : les Roqueville. Il était très simple de faire passer un Roqueville pour un Broqueville d’autant plus que ces deux familles sont natives de l’Armagnac.
Ce sera seulement à partir du milieu du XVIIe siècle, lors de la naissance de Vital Broqueville, que son père est considéré comme « noble » (voir photo ci-dessous). Il est de la branche des Empiroy. Est-ce l’air du temps de se fait passer pour noble ? Est-ce parce que sa mère s’appelle Marie de Busquet fille de noble Pierre de Busquet, issus d’une famille de conseillers au Parlement de Toulouse ? Les Empiroy sont la branche aînée. Il n’y a qu’eux qui portent le qualificatif de noble. Il faudra attendre l’extinction de cette branche pour que, timidement, la branche des Endardé reprenne le qualificatif de « noble » au début du XVIIe siècle.
Mais c’est clairement en 1750 que Jean-Baptiste de Broqueville (4) peut commencer à faire valoir une vraie noblesse, non pas celle de robe, mais une noblesse militaire grâce à l’édit de cette année-là du roi Louis XVI. Ce texte dit ceci en substance (5) :
Art. 1er. Aucun des sujets servant dans les troupes de Sa Majesté en qualité d’officier, ne pourra être imposé à la taille pendant qu’il conservera cette qualité.
Art. 2. Tous officiers généraux non-nobles, actuellement au service, seront et demeureront anoblis avec toute leur postérité née et à naître en légitime mariage.
Art. 3. Veut Sa Majesté qu’à l’avenir le grade d’officier général, confère la noblesse de droit à ceux qui y parviendront, à toute leur postérité légitime, lors née et à naître, et jouiront les dits officiers généraux de tous les droits de la noblesse, à compter du jour et de la date de leurs lettres et brevets.
Art. 4. Tout officier non-noble, d’un grade inférieur à celui de maréchal de camp, qui aura été créé chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et qui se retirera après 30 ans de services non interrompus, dont il aura passé 20 ans avec la commission de capitaine, jouira, sa vie durant, de l’exemption de la taille.
Art. 6. Sa Majesté réduit les 20 années de commission de capitaine, ci-dessus exigées, à 18 ans, pour ceux qui auront eu la commission de lieutenant-colonel, à 16, pour ceux qui auront eu celle de colonel, et à 14 ans pour ceux qui auront eu le grade de brigadier.
Art. 7. Pour que les officiers non-nobles qui auront accompli leurs temps de service puissent justifier qu’ils ont acquis l’exemption de la taille, accordée par les articles 4 et 5, veut Sa Majesté que le secrétaire d’Etat chargé du département de la guerre, leur donne un certificat, portant qu’ils ont servi le temps prescrit par les articles 4 et 6, en tel corps et dans tel grade.
Art. 8. Les officiers devenus capitaines et chevaliers de l’ordre de Saint-Louis, que leurs blessures mettront hors d’état de continuer leurs services, demeureront dispensés de droit du temps qui en restera lors à courir ; veut en ce cas, Sa Majesté que le certificat mentionné en l’article précédent spécifie la qualité des blessures des dits officiers, les occasions de guerre dans lesquelles ils les ont reçues, et la nécessité dans laquelle ils se trouvent de se retirer.
Jean-Baptiste de Broqueville-Endardé (1689-1771) (6) est le premier des Broqueville à devenir noble de par la volonté du Roi Louis XVI. Reconnu pour ses mérites militaires, il est devient noble par décret de novembre 1750. Il est donc issu de la noblesse militaire… sauf si Jean-Baptiste n’a pas fait prévaloir ses droits et ne s’est pas fait connaître. Nous n’avons pas encore trouvé la preuve écrite que Jean-Baptiste ait bien relevé le brevet pour être reconnu officiellement.
Toujours est-il que Jean-Baptiste était capitaine au Régiment d’Orléans. L’histoire retient qu’il s’est distingué à Denain le 24 juillet 1712, à l’âge de 23 ans (7). Chevalier de Saint-Louis, pensionné du Roi pour ses blessures. C’est probablement grâce à cet article 4 en tant que chevalier de l’ordre royal de Saint-Louis et non noble ; de l’article 6 parce qu’il a probablement au moins « 20 ans de grade comme capitaine » et de l’article 8 car il est blessé et « pensionné du roi pour ses blessures », qu’il est reconnu noble.
Dans sa biographie; il est dit aussi « Ecuyer », c’est à dire la rang le plus bas de la noblesse. Son fils Jean Joseph Broqueville était aussi écuyer et noble par les faits d’arme de son père. Or lorsque l’on est écuyer, l’on ne porte pas de couronne de comte. On a retrouvé un couvert en argent au poinçon de 1778 portant les armoiries Broqueville-Delherm de Larcène avec couronne de comte et le tout sur manteau d’hermine ayant appartenu à son fils (8). Que s’est-il donc passé entre 1750 et 1778 pour qu’il y ait une montée en puissance (supposée) de la noblesse des Broqueville. Il est vrai qu’à ce moment-là, la famille Broqueville sont de puissants propriétaires terriens dans la bastide de Monfort mais delà à porter le titre (usurpé ?) de comte, aucun fait probant peut nous mettre sur la voie sur l’explication pour qu’il y ait une montée sociale aussi fulgurante.
Jean-Joseph-Bernard (JJB) de Broqueville a bien essayé de faire reconnaître la noblesse de sa famille en envoyant, en 1820, une longue lettre (9) à Ambroise d’Hozier (10) en vue de lui fournir tous les éléments prouvant son extraction noble et les alliances avec des familles nobles de la région. Rien n’y fit, d’Hozier n’inscrivit pas les Broqueville dans l’Armorial de la Noblesse de France. D’Hozier répondit qu’il voulait bien accepter les preuves de noblesse contre paiement comptant. Après les ravages de la révolution, JJB étaient revenu à la terre pour nourrir sa nombreuse famille (13 enfants) et n’avait que sa solde de militaire qui pouvait envoyer chaque trimestre pour parvenir à cette publication. D’Hozier resta de marbre.
Il a fallu attendre l’année 1857 pour que Stanislas, le petit-fils de Jean-Joseph-Bernard de Broqueville relève le titre de baron octroyé par le Royaume de Belgique, pour que les Broqueville soient officiellement reconnu noble avec un titre de baron. Charles de Broqueville relèvera les lettres patentes de titre de comte le 1er janvier 1920, à titre personnel, pour service rendu à la nation. C’est en 1965, qu’une partie de la famille releva le même titre de comte par primogéniture masculine, les filles gardant le titre de baronne.
Géry de Broqueville
(1) André de Broqueville, Notes historiques de la famille de Broqueville, parues une première fois vers 1940 en 10 exemplaires. Ces notes ont été publiées à nouveau en 1985 au sein de la famille. (Inédit). André de Broqueville est mon grand-oncle.
(2) Dom Claude Vic et Dom Joseph Vaissete, Histoire générale du Languedoc, Toulouse, 1846.
(3) Ludovic Mazeret, Essai généalogique de la famille Broqueville, in Bulletin historique et archéologique du Gers, Auch, 1914 et 1915.
(4) C’est sont père Louis de Broqueville qui a épousé Marie de Solaville qui prend la particule pour la première fois.
(5) Cherin : Extrait de l’abrégé de l’édit royal de 1750 pour la création d’une noblesse militaire. (Pdf disponible ici)
(6) Jean-Baptiste est né le 16 juin 1689 à Monfort. Il est le fils de Louis, sieur d’Endardé, et de Marie de Solaville fille de Bernard et de Claire de Verdun. Il est l’aîné d’une fratrie de 11 personnes. C’est le 17 septembre 1679 (il a 60 ans) qu’il épouse Jeanne-Marguerite de Fraisse fille de Joseph et de Marie d’Albert, issues de la famille d’Albert de Laval. De cette union naquit 6 enfants dont la descendance actuelle des Broqueville de Belgique. Une biographie plus détaillée paraîtra dans ce blog plus tard.
(7) Louis XIV règne sur le trône de France depuis 1677. Alors que la guerre de succession d’Espagne fait rage depuis 1701, la France est dans une période noire tant bien au plan national qu’au plan militaire. En 1708, la presque totalité des places fortes du Nord de la France sont sous contrôle alliés. Le commandement de l’armée du Nord est donné au maréchal Villars, celui ci ne perd pas de temps et oeuvre à sa réorganisation. Les alliés pressés d’en découdre, reprennent l’offensive le 11 septembre 1709, c’est la bataille de Malplaquet. En 1710 la situation se stabilise. C’est en 1712 que les hostilités reprennent… (lire la suite ici).
(8) Cela fera l’objet d’un futur article à paraître sur ce blog.
(9) Cette lettre est citée par Thierry de Broqueville dans un autre opuscule inédit, « Les Broqueville au XIXe siècle ». Elle se trouve aux Archives nationales à Paris.
(10) Ambroise Louis Marie d’Hozier, généalogiste (1764-1830) neveu du célèbre généalogiqte Pierre d’Hozier. Sous la Restauration, Ambroise d’Hozier reçut la charge de vérificateur des armoiries. Il publia un indicateur nobiliaire qui resta inachevé. Il publia le premier registre de l’Armorial général en 1823. C’est probablement dans ce bute que d’Hozier demande à JJB les preuves. Pour information la même demande a été faite à la famille Delherm de Larcène qui ont pu payer sans problème.