Dans l’article précédent, consacré au pacte de mariage de Barthélémy Broqueville, je me suis demandé comment se déroulait habituellement l’apprentissage du métier de barbier chirurgien, ce métier assez particulier. Comment est-il possible d’associer l’art de la barbe à la chirurgie ?

Dans le contrat d’apprentissage signé entre Joseph Broqueville, père de Barthélémy et Jean Vaudaler, chirurgien de Monfort, il est dit que le rejeton de Joseph allait rester deux ans auprès de son maître pour lui apprendre l’art du barbier et tous les actes de chirurgie et ce y compris le saignement. (1)

La chirurgie est-elle une médecine ?

Tout provient de la notion de l’art de guérir. La médecine est un art « majeur » faisant partie de l’art de guérir. Elle est majeur parce quelle consiste à soigner les maux internes. La chirurgie traite les maux externes. Elle est donc considérée comme un art « mineur » tout comme la préparation des potions médicinales. Des tensions, parfois vives, existent entre les deux corporations. Les médecins rejettent de l’Université les chirurgiens. Ces derniers s’associent avec les barbiers et fondent la confrérie de Saint-Côme en 1655. Cette confrérie va construire des collèges dans toute la France pour former les barbiers-chirurgiens. C’est une manière d’officialiser ce qui se faisait depuis plusieurs siècles. Cependant, ce ne sera qu’aux XVIIIe siècle que la chirurgie sera dissociée définitivement des barbiers. pour intégrer, enfin, la formation universitaire.

Ainsi, en 1639, l’art de la chirurgie passe d’abord par l’art de couper les cheveux en quatre ! Barthélémy est considéré, sa vie durant, comme chirurgien. A Monfort, nous sommes dans le monde rural. La formation auprès d’un chirurgien se déroule effectivement en deux ans selon la corporation. Les chirurgiens s’expriment en français. Par leurs interventions manuelles, ils s’apparentent aux métiers mécaniques. (2)

Trousse de chirurgien à l’hospice de Beaune

Maître chirurgien en deux ans

En 1611, l’autorité du barbier du Roy est établie. Il reçoit des mains du roi pleins pouvoirs pour organiser la profession de barbier-chirurgien. Il y a une corporation avec droit d’entrée. Des apprentis peuvent apprendre le métier seulement s’ils savent lire et écrire.

Dans les villes la formation se termine par un examen oral avec un système de questions-réponses. Le jury est formé de médecins et de maîtres-chirurgiens. Les médecins lui délivrent alors une « maîtrise en chirurgie » qui lui permet de travailler dans le domaine de la « médecine mécanique » dans des domaines limités comme le fait de soigner les fractures, donner des pansements ou saigner. Dans le monde rural, le maître apparaît comme la figure paternelle qui transmet son savoir à son apprenti. Il sera nommé chirurgien en étant intégré au groupe des maîtres-chirurgiens qui se réunissent en jurande chaque année. Un maître ne peut prendre qu’un apprenti à la fois. De plus, l’âge pour apprendre ce métier est de 20 ans pour les fils de maître chirurgien et de 22 ans pour les autres. (3)

Il est probable que dans le monde rural, et à fortiori, à Monfort, Barthélémy a 22 ans au moment de la signature de son contrat d’apprentissage. Cette information est donc très intéressante et nous donne l’année de sa naissance : 1617.

Pour porter le titre de chirurgien comme le fait Barthélémy, il a dû exercer durant 3 ans chez le maître chirurgien de la ville de Monfort, en plus de ses deux ans d’apprentissage. Dans le cas contraire, il serait resté barbier chirurgien et n’aurait pas pu porter le titre de chirurgien.

Tout un symbole

L’enseigne des barbiers se retrouvent assez souvent dans les pays Anglo-saxons. Ce poteau est composé de trois couleurs : blanc, bleu et rouge. Chacune de ces couleur a une signification. Le blanc représente le bandage avant son utilisation, le bleu représente la couleur des veines et le rouge équivaut au sang.

Le poteau de barbier symbolisait, jadis, le bâton que le patient devait serrer pour rendre ses veines saillantes. Les bandages ayant servi à recueillir le sang pouvaient y être exposés et enroulés, pour sécher ou attirer l’attention. Il est probable que Barthélémy avait installé pareil bâton pour signaler la présence du chirurgien de la ville.

Géry de Broqueville

(1) Notaire Labaule coté aux ADG, 3E8832 (folio 266 vo) (12819-12820) – format texte.

(2) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 C 1139, statut et règlements pour les chirurgiens des provinces, établis ou non établis en Corps de Communauté, Titre V, art. XXXVI : « Les brevets d’apprentissage seront de deux ans sans interruption… »

(3) Jean-François Belmonte, Les rivalités entre les chirurgiens et les médecins au XVIIe siècle, Presse universitaire de Perpignan, 2009, p. 101-112.