Puisque je refais des recherches dans ce siècle, je me demande quelles sont les périodes exactes de la présence de la peste dans le Fezensaguet et plus particulièrement à Monfort. Les archives de la ville sont riches en quantité de document qui concerne les hôpitaux ou autres bassins des pauvres. J’ai donc réalisé une étude comparative des moments de désolation à Monfort avec une étude des sciences médiacles réalisée par Bernard Hœrni, en 2019.
Je reprends le texte de l’auteur du moins son premier paragraphe : A peste, fame et bello /Libera nos Domine. Cette prière que l’on chantait lors des Rogations traduisait les fléaux redoutés par nos aïeux, trois des quatre Cavaliers de l’Apocalypse. Mais elle aurait dû mettre plutôt en dernier la peste, favorisée par les guerres et les déplacements de soldats, qui sèment la désolation et contribuent, avec le mauvais temps – sécheresse ou pluies catastrophiques – à la disette et à la famine, qui précèdent souvent une recrudescence de l’endémie en épidémie.
Au XVIIe siècle, il s’agit de la seconde pandémie de peste bubonique, après celle du XIVème. Le diagnostic autrefois douteux, est facilité par le bubon,« la bossa », abcès ganglionnaire aux aisselles ou aux aines, plus rarement au cou. Mais on évite de prononcer son nom pour ne pas porter malheur, et d’autres épidémies entraînent aussi la mort.
Nous allons reprendre les dates d’arrivée de la peste en Gascogne. En fait dans ce siècle deux périodes existent. Les deux périodes sont 1629-1632 et surtout en 1652-53, la plus terrible, avec, entre les
deux, des poussées locales comme à Saint-Clar1 en juin 1642, faisant jusqu’à 10 victimes en un jour. D’autres chiffres, concernant Auch cette fois, sont édifiants mais n’oublions pas que l’on a affaire à une ville avec une plus grandes concentrations de personnes. On enregistre 3500 victimes en trois mois à Auch, en 1630, et, en 1653, 3 à 4000 en 5-6 mois. À Plaisance du Gers, la mortalité pour l’année 1653 triple pour atteindre 97 décès, sur une population d’environ 700 âmes, ce qui représente près de 15 % des habitants. 2
Comme j’ai scanné, en son temps, le registre paroissial de Monfort daté de 1626 à 1637. La première période ne peut, malheureusement pas, être analysée pour Monfort parce que nous avons affaire qu’à un registre de baptême. Certes en pleine peste, il y avait des naissances, mais nous ne savons pas si ces bébés mouraient rapidement. Pour ce qui est de la seconde période, J’ai aussi numérisé les registres paroissiaux de 1646 à 1664. Par contre je n’ai rien concernant la poussée de fièvre de Saint-Clar en 1642. Nous allons tout de même visiter les Registres de délibération des consuls dans la maison commune de Monfort. Il y a de la matière, donc il sera possible de découvrir l’état d’esprit de nos ancêtres durant cette difficile période.
La peste de la période 1629-1631
La ville la plus proche de Monfort est Lectoure 3 qui est touchée en 1631. Saint-Mézard, près de Lectoure, qui a environ 700 habitants, les trois années les plus « calamiteuses épouvantables de ce début de siècle sont 1629-1631 : elles commencent par du mauvais temps (sécheresse ou pluies calamiteuses) qui entraîne une famine en 1630-1631, avec 118 morts de faim avant la récolte de juillet 1631, suivie de peste.
Le registre paroissial de 1629 à 1631 montre que la peste a épargné les Monfortois entre 1629 et 1631. Il n’y a aucune différence ces trois années là avec celles qui précèdent et celles qui suivent, à l’eception de 1631 où l’on voit ine légère augmentation.
La peste de la période 1652-1653
Reprenons les registres paroissiaux de ces deux années-là 4 et comparons avec les années qui précèdent et qui suivent. Le registre des décès et inhumations se situe entre 1647 et 1660. Voici le nombre de morts à Monfort pour ces dates.
1647 = 63 | 1648 = 45 | 1649 = 15 | 1650 = 53 |
1651 = 42 | 1652 = 78 | 1653 = 151 | 1654 = 69 |
1657 = 41 | 1658 = 20 | 1659 = 28 | 1660 = 28 |
Il est çà remarquer que c’est bien l’année 1653 qui est la pire en termes de décès. La population de Monfort dans ces années-là oscille autour de 1000 habitants 5 sur l’ensemble de la juridiction. Cela veut dire qu’environ 15 % de la population est touchée par le fléau. 6 On voit bien que la montée des décès se passe en 1652 avec 78 personnes décédées et que la décrue s’amorce en 1654 avec 69 personnes décédées. Nous voyons une petite poussée en 1647, mais cela ne veut pas dire que la peste était déjà ou présente. 7
Les morts de la peste, de la famille
Nous allons voir qui sont les morts de la famille en 1652 et 1653. Je commence par l’année d’avant et quelques années après 1653 pour bien montrer que la peste touchait tout le monde.
1651
En 1651, Le 30 juin a été ensevelie Marie Broqueville 8 femme à feu Jean Mauchet et l’enterrement a été fait à l’intérieur du portail de l’église Saint-Clément. Le 24 juin 1651, décès de Anne de Longpuy 9 femme de feu Pierre de Bousquier, enterrée dans la chapelle Saint Jean de l’église paroissiale.
1652
En 1652, parmi les morts dans ma famille, je repère, le 24 janvier, Jean Broqueville dit Janotet inhumé dans le chapelle de Sainte-Luce, Jean d’Hélies fils de noble François d’Hélies seigneur d’Esparbès et de Lassaigne et de demoiselle Anne de Rey. 10 Le 17 mai 1652 a été inhumé dans l’église paroissiale Marie Libéros fille de Jacques Libéros, marchand et de Gracio Broqueville. 11 Le 25 juillet 1652 a été inhumé dans l’église paroissiale Raimond Ponsin fils de Me Pierre Ponsin, notaire royal et de Mathiouo Broqueville. Le 1 octobre 1652, Décès de Antoine d’Hélie fils de Jean-François et de Anne de Rey de la Salle. A été inhumé dans l’église, jean-François Libéros, fils de Jacques Libéros, marchand et Gracio Broqueville, le 3 octobre 1652. Ne Sabathier12 fille de maître Isaac substitut du procureur du roi et de Guillemine Broqueville a été inhumé le 28 octobre 1652. 13 Le 18 décembre 1652 a été inhumée dans la chapelle de St Michel dite de Saint Jean, Dame Jaquette de Bousquier femme de Jean Broqueville, seigneur d’Endardé.
1653
Le 2 mars 1653, au cimetière a été enseveli André Broqueville 14 brassier. Le 27 avril 1653 a été inhumé dans l’église paroissiale et au devant de la chapelle du purgatoire Jehan Carrette fils de maître François Carette avocat et de damoiselle Catherine Broqueville. 15 Le 10 mai 1653 a été inhumé dans le cimetière Jean Broqueville fils a feu André Broqueville et a Andrianne Roux. Jeanne Ponsin fille de Me Pierre Ponsin notaire et Mathiuo Broqueville a été enseveli, le 26 juillet 1653, en l’église paroissiale . Le 30 juillet 1653 a été inhumé au grand cimetière Françoise Broqueville dite Collonge. 16 Au 30 octobre 1653 Jean-François d’Hélies sieur d’Esparbès a été enseveli dans l’église paroissiale.
1654
En 1654, Marie d’Hélies fille de feu Jean-François seigneur de Lasplaignes et d’Esparbès et de Anne de Rey. Le 23 avril 1654 dans l’église paroissiale a été enseveli Joseph Broqueville.17
1656
Il faudra attendre 1656, pour avoir un nouveau décès dans la famille. 18 Par contre je suis sûr, bien que les registres semblent complets, ne le sont pas, en réalité. Alors que la moyenne des décès sont d’une cinquantaine en temps normal, en 1649, nous n’aurions que 15 décès ! Il est probable qu’un ou deux feuillets manquent. C’est peut-être pour cette raison que nous ne trouvons pas la date de décès de Magdalena Broqueville mariée à Antoine Pona.
Des lieux pour enterrer
Dans des périodes aussi difficile, il faut trouver des lieux pour enterrer les personnes décédées. Avant cette période de peste, il existait deux lieux : l’église et le petit cimetière. Ce dernier est très difficile à identifier. Il semblerait qu’il soit juste derrière l’église ce qui suppose que c’était plus un charnier.
Les notables étaient enterrés dans l’église. Plus particulièrement, dans les diverses chapelles se trouvant dans les bas-cotés. Les chapelles portent des noms parfois différents pour dire le même lieu. Certaines familles se font ensevelir dans la chapelle Saint-Michel qui s’avère être celle de Saint-Jean. Il en va de même pour celle de Sainte-Luce qui est celle de ce même Saint-Jean. Ce n’est donc pas toujours très clair le lieu d’ensevelissement. Les Broqueville d’Empiroy et d’Endardé ont choisi Saint-Jean tandis que la branche de Janotet a choisit Sainte-Luce ! Le même lieu quoi !
Au moment de la période de la peste, Les consuls ont ouvert le Grand cimetière qui est le cimetière actuel. Ils ont demandé aussi à un Broqueville de donner un de ses champs à coté de la chapelle Saint-Blaise pour y enterrer les malheureux. La chapelle votive de Saint-Roch avait été construite au bout de la rue Saint-Roch à la place du jeu de boule actuel. Quelques habitants y sont logés. Le hameau d’Esclignac était possesseur de son propre cimetière. L’église Notre Dame du Grazan possède un cimetière qui est considérée comme l’annexe de l’église Saint-Clément de la ville de Monfort. 19
Géry de Broqueville
- La distance entre les deux bastide est de 13 km. Ce qui est beaucoup pour l’époque. ↩︎
- Bernard Hœrni, La peste en Gascogne au XVIIe siècle, Université de Paris Cité, 2019. ↩︎
- Lectoure se trouve à 26 km de Monfort. ↩︎
- Registres paroissiaux de 1646 à 1664 est répertorié de 4456 à 4610. Pour économiser l’espace sur le serveur je ne place que les pages de 4456 à 4512 qui concerne uniquement les décès. ↩︎
- Cela reste une vague estimation. Nous savons que Monfort au XVIIe siècle est très dynamique en tant que lieu de foires commerciales. Il y en avait quatre par an, ce qui veut dire qu’il y a une population importante à Monfort pour que ces foires ait lieu. L’article en question montrent une foire de 1666. ↩︎
- Ce chiffre correspond donc au chiffre de Plaisance-du-Gers pour lqa même année. ↩︎
- Le monfortois comme tous les habitants de France sont très discrets concernant les maladies. J’ai écrit un article en son temps sur ce phénomène. ↩︎
- Marie Broqueville est fille de Janotet (1558-1652) et de Guillaumette Lanne (+v.1635) ↩︎
- Anne de Longpuy est la mère de Jaquette de Bousquier, première épouse de Jean II Broqueville. Elle a eu un fils mort en 1658. ↩︎
- Anne de Rey (+1680) est l’arrière-petite-fille de Bertrande Broqueville (v.1524-1599) mariée à François Saluste, (v. 1519-15771) père du poète. ↩︎
- Gracie (1613-1690) est la fille de Jean Ier (1585-1661) et de Marie de Limoges Lartigue (+1618) ↩︎
- On ne connaît pas son prénom car il se trouve écrit dans une partie de la page déchirée. ↩︎
- Guillemette est fille de Jean Ier (1585-1661) et Françoise De Saint-Arroman. (1600-1655) ↩︎
- André ou Andrieux est fils de Jehan et de Jaquette de Suberville. Cet ascendance n’est pas prouvée actuellement. il est l’époux de Adrianne Roux. ↩︎
- Catherine est fille de Pierre (+ 1623) et de Marie Busquet (+ 1650) ↩︎
- Actuellement, il est impossible de lier cette Broqueville au reste de la famille. ↩︎
- Pour le moment, il est impossible d’attribuer cette de date de décès à un Joseph. ↩︎
- Le 4 octobre 1656 a été ensevelie dans l’église paroissiale Thérèse Pona fille d’Antoine Pona et de Magdaleine Broqueville. Voir article précédent. ↩︎
- On peut voir dans ce texte : Le 2 mars 1650 a été enseveli au cimetière de l’église de Notre Dame du Grazan annexe de l’église Saint-Clément de la ville de Monfort, Antoine Dalavat fils de François Dalavat et Antonie Laumont (4473). Cette église appartient depuis la Révolution française à la municipalité de Mauvezin. ↩︎