Même si certains le disent roublard en politique, il y a bien une chose que notre ministre ne supportait pas, c’était les allégations mensongères. Il est alors capable de renvoyer le scripteur au fin fond de l’enfer. De toutes les archives collectées jusqu’à ce jour sur le ministre, je n’ai jamais entendu le son de sa voix. J’ai bien trouvé quelques films de la catégorie des muets. Mais des réponses cinglantes, il y en a eu quelques-unes à l’image de celles retrouvées dans un bouquin.

Ce bouquin (1) a atterri chez mon père et maintenant, il est chez moi. Rétrospectivement je reste très heureux d’être le dépositaire de ces documents, cela me permet de les partager au plus grand nombre. Pour partager à l’heure actuelle il faut numériser les documents à tour de bras.

Commençons par la page 162 (Cliquez-ici) où le Capitaine Génie, attaché militaire de France à Bruxelles. Ce dernier prend pour argent comptant un article du Soir qui expose de long en large une réforme de l’armée dont aucun document n’est encore sorti et dont le projet n’a pas encore été déposé au Parlement. Il obtient confirmation du général Jungbluth qui est le conseiller militaire du roi Albert. Le XXe Siècle, journal presque officiel du gouvernement de M. de Broqueville, écrivait à cette même date du 9 octobre : Nous avons sujet [le sentiment] de croire que l’imagination a une très grande part dans l’information du Soir. Le projet dont on annonce avec assurance le prochain dépôt ressemble trait pour trait à un certain projet Groeninghe, qui fut exposé jadis dans la Belgique militaire.

Le réponse de Charles date en tout cas de 1914 et aporès, date de publication du receuil. Personne ne lira ces remarques si ce n’est les historiens actuels ! Pour une fois, Charles révèle le contenu d’une discussion qu’il a eue avec son roi. En tout cas, le Capitaine Génie était cloué au pilori. Mine de rien le Général Jungbluth jouait les diplomatie parallèles alors qu’il n’en avait pas les prérogatives. Broqueville voulait à tout prix mettre le général hors jeu, il a obtenu du roi de le nommer représentant du roi auprès du gouvernement basé à Sainte-Adresse. Il vivait d’ailleurs dans la villa réservée au Roi dans la capitale provisoire de la Belgique.

Dans la note 267 de la page 273, c’est M. Klobukowski qui en prend pour son grade, il est Ministre de France (ambassadeur) et écrit à son président M. Poincaré. Pour avoir la note complète cliquez-ici. La réponse est plutôt ironique cette fois.

On dirait même que notre premier ministre s’amuse devant la bêtise des Français ! Avec la manière dont la France utilise la diplomatie pour essayer de connaître l’arrière-pensée de chacun. Elle part donc du principe que l’autre ment. Visiblement, il n’y avait pas d’arrières pensées dans le chef du ministre Charles. Je comprend que rétrospectivement soit deux ans après les faits, Charles réagit aux propos tenus par ce qu’il pensait être des alliés ! Sans compter que son gouvernement avait des oppositions qui allaient dans le sens contraire de ce qu’il défendait. Comme quoi, la politique n’a guère évolué de nos jours.

La preuve provient du texte suivant dans la courte note de Kobulowski, ce dernier atteste que la Belgique choisit de rapprocher de l’Allemagne. C’est extrêmement clair dans la note 267 qu’il adresse à son chef le ministre des Affaires étrangères alors qu’il n’en est rien. Kobulowki prêtait une oreille attentive à l’opposition notamment les Socialistes qui avaient une haine pour Broqueville. Il en allait de même envers les libéraux qui étaient aussi de gauche mais plus à droite. Comment des ambassadeurs peuvent, dans des moments aussi graves les bruits de bottes, se perdre en conjecture pour savoir si oui ou non la Belgique allait rejoindre le camp allemand.

C’était mal connaître Broqueville. Il est vrai que le roi Albert avait des origines allemandes. Il espérait que Guillaume II passerait a côté de la Belgique sans l’y toucher au nom du traité qui reconnaît la neutralité du territoire belge. Et donc Broqueville s’attachait à toujours dire et soutenir que ses deux alliés légitimes étaient l’Angleterre et la France. S’il fallait une preuve supplémentaire à la note 278  qui a été rédigée par le capitaine Génie, attaché militaire de France à Bruxelles écrivant à M. Millerand ministre de la Guerre le 29 octobre 1912, c’est-à-dire le même jour que le document précédent. A la page suivante, on retrouve d’ailleurs une note de Charles allant dans ce sens.

Le Roi avait ses petits carnets, Broqueville avait ses inédits

La gros problèmes de ces messieurs de la diplomatie française, c’est qu’il n’écoutait que les sources officieuses et prenait cela pour argent comptant. Et si tant est qu’il y ait une réforme militaire en cours l’avenir allait donner raison à ce ministre qui se veut tout entier au service de la Belgique. Cela dérangeait la France et l’Angleterre que la Belgique se réarme, c’est une preuve que la Belgique n’a pas confiance dans aucun de ses alliés. En 1914, l’armée belge à attendu en vain les troupes anglaises pour lui venir en aide tandis que les Français, bien qu’ils ait fait une incursion dans notre pays avec les troupes de général Sordet, elles s’en sont retournées au bercail très rapidement !

Dans la note de Klobukowsky n°385 du 7 novembre1912 fait rire Charles. Au moins c’est un point positif dans les difficultés qui se pressent au portillon. Fadaise que tout cela. N’est-il pas temps de remettre l’église au milieu du village. Lorsque le gouvernement français demande des explications claires et nettes les réponses sont telles. Les diplomates continuent leur œuvre de redistribution des cartes sans arrêt. La note 425 est très courte. Elle est lourde de sens, d’accusations et de preuves accumulée sur le sentiment anti-français du Ministre. Charles y répond directement : La mauvaise foi des Flamands. (2) En Belgique il y a aussi des oppositions issus des flamands.en écrivant son deuxième texte de la note 425, on sent un Charles dubitatif devant l’agitation des diplomates et celle du gouvernement français

La note n°529 du capitaine Génie du 22 novembre 1912 est risible, mais alors là complètement risible. En soi, ce sont les journaux d’opposition qui influencent le gouvernement belge. Ce capitaine n’a de génie que son nom ! Je vous mets in extenso le texte et sa réponse. C’est jouissif ! (3)

La réponse à la dernière note (565) résume en fait la qualité de l’entièreté du document. Un fatras d’inepties qui sont systématiquement répertoriées par du personnel administratif mais qui ne servent strictement à rien. Je plains les étudiants français du XXIe siècle qui devraient se coltiner tant de lecture absurde pour en arriver à des conclusions qui seront loin de la vérité.

Je ne sais pas si Charles a laissé d’autres commentaires qui datent de 1914-1915 voire plus tardif. Mais je suppose que non tant l’exercice est fastidieux de rétablir une vérité qui de toute façon montre dans les faits historiques le comportement réel de la Belgique.

Ceci dit, Charles de Broqueville n’a jamais écrit de mémoires. Ces quelques rares traces politiques outre celles qui se trouvent aux Archives du Royaume donne un autre éclairage.

Sur ces beaux inédits, je vous souhaite une excellente année 2024.

Géry de Broqueville

  1. Il s’agit des documents diplomatiques français de 1874-1914-3e série volume 4 1er octobre1912-4 décembre1912.
  2. Je ne suis pas sûr qu’un ministre actuel aborderait cette question aussi brutalement, surtout que XXIe siècle on ne peut plus tout dire.
  3. Je reconnais que j’ai osé tordre le nom du capitaine Génie. Pauvre Homme, il n’est pus là pour se défendre.