Emprunter reste toujours un risque, fusse-t-il calculé. Jean-François et Louis Elizabeth Eugène de Broqueville, père et fils emprunte une somme de 6000 francs, le 30 mars 1866, pour trois années. C’est une grosse somme pour l’époque. Il suffit de lire la liste des biens mis en hypothèque pour garantir cet emprunt pour comprendre les intérêts en jeu.
S’ils sont conjointement solidaire, il faut reconnaître que c’est le père qui prend tous les risques même s’il est dit que tous les deux sont propriétaires et rentiers. Il est difficile d’imaginer ce que vaut, en euro, ces 6000 francs de 1868. En 1850, 1 franc français est égale à 3,27 euro. Si l’on garde cette parité pour 18 ans plus tard, Les deux Broqueville ont emprunté au moins 19.620 euro ! (1) Le franc de l’époque coûte plus cher que l’euro actuel.
Ils mettent en gage tous leurs biens dans la juridiction de Monfort et ce y compris « le lieu d’exploitation appelé Esparbès contenant un château, une maison d’exploitation, une étable, jardin potager, jardin anglais, viviers, parc, terre labourable, prés, bois, et vignes. » (2) Les deux emprunteurs signalent qu’ils sont nu-propriétaires des différents lieux précités selon le testament de Louis Marie de Broqueville du 13 septembre 1862. (3)
Rien ne vaut l’or !
Ce qui est intéressant, c’est l’absence de confiance dans la monnaie sous forme de billet de banque, appelée « monnaie en papier ». Le prêteur exige un remboursement en bonne monnaie en argent ou en or tel qu’il prête la somme de 6000 francs. Le taux d’intérêt habituel à cette époque de 5%.
Ce n’est pas la première fois que dans des transactions, les intervenants se méfient comme de la peste de ces billets de banque qui perdent rapidement de la valeur. Voici l’extrait en question : « Remboursement en monnaie d’argent et d’or au titre, poids et cour du jour mais pas en papier ni en billet de banque où le cours, même forcé« . Ce que ne dit pas le texte est la nature de l’argent reçu. Je suppose que le prêt est fait en métal jaune… il y a moins de risque, pour l’emprunteur, aussi. En 1868, nous avons les Napoléon III en or et en argent. Il est donc probable que les 6000 francs seront remboursés avec ce type de monnaie.
Pour la petite histoire, Jean-François et Louis Elisabeth Eugène habite à ce moment-là dans la ville de Mauvezin et reçoivent cette somme du propriétaire, Monsieur Gase, du château de Tilhac, commune d’Homps, voisine de Monfort. L’histoire ne dit pas non plus pourquoi ils ont besoin d’une telle somme ! Visiblement, les deux Broqueville sont sûr de leur coup et ne prennent probablement pas beaucoup de risque. Esparbès est resté dans les mains de la famille bien après le délai de remboursement de 3 ans !
Géry de Broqueville
(1) https://www.lfp.cz/spip.php?article1752
(2) Notaire Dufrèche côte 3E17729 aux AD32 (25607-25609)
(3) Voir article précédent à propos de ce testament. Ils sont effectivement nu-propriétaire, vu que la veuve de Louis Marie, Basilide d’Aspe est encore vivante. Elle décèdera avant 1882.